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SCHLEGEL FRIEDRICH VON (1772-1829)

L'ironie

Schlegel n'était pas un philosophe. Il lui manquait l'art qui consiste à systématiser. Aussi bien dans l' Athenäum publié à Berlin, qu'il avait fondé en 1798 avec son frère et Ludwig Tieck – trois volumes de bon format parurent jusqu'en 1800 – il publia des fragments, mélangés à d'autres de son frère August Wilhelm, de Schleiermacher et de Novalis.

La tournure de l'aphorisme plaisait à Schlegel. Il y a déployé son ironie qu'il définit comme la claire conscience de l'agilité en même temps que du chaos. À la fois elle anime la critique schlégélienne et elle surgit de la nature même de l'auteur qui est pénétré de l'inconsistance de la vie humaine. Hegel a jugé très sévèrement dans la Phénoménologie de l'espritet dans sa Philosophie du droit l'ironie de Schlegel, ne voulant y voir qu'une « relativisation » de toutes les valeurs opérée par le libre arbitre, seul reconnu valable, du moi réfléchissant. Mais l'ironie est bien autre chose. Elle est ce qui « suscite le sentiment d'une indissoluble contradiction entre l'inconditionné et le conditionné ». Aussi y aura-t-il toujours une place pour la critique. Même le plus sublime poème est conditionné, c'est-à-dire qu'en tant que réalisation individuelle il a ses limites naturelles et ne peut réaliser parfaitement l'essence de la poésie ou ne peut être l'absolu de la poésie. L'ironie a donc moins le sens d'une subjectivité jouissant de soi comme se sachant la vanité de tout contenu, que celui d'une fonction objective qui consiste par la critique à assurer les limites de tous les phénomènes finis. Loin d'être ce qui détruit les valeurs et avec elles l'absolu, elle est plutôt ce qui les protège. À la fin de sa vie, Schlegel a ainsi défini l'ironie : « La véritable ironie – puisqu'il y en a une fausse – est l'ironie de l'amour. Elle naît du sentiment de la finitude et de la limitation propre et de l'apparente contradiction entre ce sentiment et l'idée d'un infini contenue en tout amour véritable. » Cette ironie inspire tous les fragments publiés par Schlegel et aussi ses Ideen, dans lesquels il devance souvent les philosophes de son temps.

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Pour citer cet article

Alexis PHILONENKO. SCHLEGEL FRIEDRICH VON (1772-1829) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Autres références

  • DESCRIPTIONS DE TABLEAUX (F. Schlegel)

    • Écrit par François-René MARTIN
    • 938 mots

    En 1802, l'écrivain et critique allemand Friedrich von Schlegel (1772-1829) arrive à Paris, où il restera jusqu'en 1804. Il commence à y publier ses Descriptions de tableaux, dans la revue Europa qu'il anime. (Ces cinq essais sont parus en 2003, dans une édition établie, présentée et traduite...

  • ALLEMANDES (LANGUE ET LITTÉRATURES) - Littératures

    • Écrit par Nicole BARY, Claude DAVID, Claude LECOUTEUX, Étienne MAZINGUE, Claude PORCELL
    • 24 585 mots
    • 29 médias
    ...d'introversion. Au moment où la philosophie de Fichte illustre la totale liberté du Moi, le romantisme veut l'expérimenter dans l'acte même de l'écriture. Friedrich Schlegel (1772-1829) a dénommé « ironie » le mouvement par lequel l'écrivain se détache de son œuvre, la remet incessamment en question pour s'identifier...
  • ATHENÄUM, revue littéraire

    • Écrit par Pierre GRAPPIN
    • 768 mots
    • 1 média

    La singularité de la revue Athenäum, qui a paru de 1798 à 1800, est d'avoir été constituée expressément pour servir d'organe à une école littéraire en cours de formation, celle des romantiques allemands du groupe d'Iéna. C'est là, autour des frères August et ...

  • ROMANTISME

    • Écrit par Henri PEYRE, Henri ZERNER
    • 22 170 mots
    • 24 médias
    ...acquisition est comme un nouveau péché originel qui interdit la naïveté, c'est-à-dire une perception du monde non viciée par la conscience de ses procédés. Friedrich Schlegel, se fondant sur la distinction de Schiller, fait correspondre à celle-ci l'opposition entre classicisme et romantisme, la poésie classique...
  • CULTURE - Culture et civilisation

    • Écrit par Pierre KAUFMANN
    • 14 361 mots
    • 2 médias
    ...sera intégré à l'ensemble des facteurs ressortissant à la sphère des Lumières – c'est-à-dire de la culture – et il est remarquable que ce soit en effet aux origines de la philosophie allemande de la Kultur que cette étape décisive sera franchie. « Cette philosophie, déclare F. von Schlegel dans sa Préface...
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Voir aussi