FRACTALES
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Certaines structures très irrégulières, souvent construites par itération, possèdent des symétries de dilatation caractéristiques : l'agrandissement d'une partie est semblable au tout. Le concept de fractalité unifie la description de nombreux objets mathématiques ou physiques et quantifie leur degré d'irrégularité. Il a été introduit en 1975 par Benoît Mandelbrot, mathématicien français qui a poursuivi ses recherches aux États-Unis, dans les laboratoires d'I.B.M. Le terme fractal, forgé à partir du latin fractus (du verbe frangere, qui signifie « briser »), souligne le caractère fractionné à l'infini de ces ensembles présentant des irrégularités à toutes les échelles.
Un des plus beaux exemples naturels de géométrie fractale, qui a fait connaître le mathématicien Benoît Mandelbrot, nous est sans doute donné par le chou romanesco, où le motif structural se voit à chaque échelle de la continuité de sa croissance (autosimilarité).
Crédits : Y. Gautier
Les mathématiciens du début du xxe siècle (Georg Cantor, Felix Hausdorff ou Helge von Koch), qui s'interrogeaient sur la notion de dérivabilité, avaient construit toutes sortes de contre-exemples aux règles habituelles du calcul infinitésimal : des courbes continues mais ne possédant de tangentes en aucun point ; des surfaces et des volumes très irréguliers. On avait associé à ces objets une dimension dite de Hausdorff-Besicovitch, définie comme suit : on couvre l'objet par des boules de diamètre δ inférieur à ε, et on étudie la limite, quand ε tend vers 0, de la valeur minimale de la somme des δα ; la dimension est la valeur de α pour laquelle cette limite saute de 0 à l'infini. Pour une figure régulière, cette dimension est identique à la dimension topologique ordinaire (1 pour une ligne, 2 pour une surface, etc.), mais cela n'est pas vrai en général.
L'île (ou le flocon de neige) de Helge von Koch s'obtient à partir d'un triangle équilatéral en itérant l'addition d'un triangle semblable de côté trois fois plus petit. On obtient ainsi d'abord une étoile de David, puis une structure de plus en plus découpée. La dimension fractale de...
Crédits : Encyclopædia Universalis France
Mandelbrot, généralisant les travaux des mathématiciens français Gaston Julia et Pierre Fatou sur les itérations des fonctions complexes, montra l'intérêt de l'introduction d'une telle dimension éventuellement non entière pour caractériser des figures géométriques « ayant la propriété de pouvoir être décomposées en parties de telle façon que chaque partie soit une image réduite du tout ». Il proposa alors de définir comme objet fractal un ensemble S dans un espace RE (ou dans tout autre espace métrique et séparable) dont la dimension de Hausdorff-Besicovitch est strictement supérieure à la dimension topologique. On définit alors une dimension fractale, dF (en général égale, mais parfois supérieure à la dimension de Hausdorff), à partir du nombre Nε minimal de boules de rayon ε couvrant la fractale : dF = lim {lnNε/ (— lnε)} lorsque ε tend vers 0. Il en découle que toute construction géométrique euclidienne usuelle engendre un objet non fractal ; en fait, une fractale est en général définie par un processus récursif et se prête donc particulièrement bien au dessin assisté par ordinateur.
On définit aussi des fractales aléatoires, pour lesquelles le choix de l'opération appliquée à chaque itération suit une loi de probabilité. À partir d'un carré, on peut par exemple conserver deux quelconques de ces quarts et obtenir ainsi une fractale de dimension 1. On peut encore généraliser la construction en variant aussi à chaque pas de l'itération le nombre de quarts conservés selon une loi de probabilité. On obtient alors une fractale aléatoire hétérogène ; il semble que ce soit ces structures qu'on rencontre dans la nature, par exemple pour la distribution des galaxies.
Une fractale autoaffine est une structure qui obéit à des lois d'échelle différentes selon les différents axes ; par exemple, la transformation x → kx ; y → kHy, avec H différent de 1, correspond à une dimension fractale 2 — H. Une structure montagneuse, une roche fracturée sont d'assez bons exemples de fractales autoaffines naturelles.
Une multifractale est une réunion de fractales de différentes dimensions dF, munie d'un spectre continu ou discret f(dF) qui spécifie la mesure de chacune des fractales.
Les itérations du plan complexe construisent aussi des ensembles discrets ; ainsi l'ensemble de Julia est défini, à partir de la relation zn+1 = zn 2 + A, comme la frontière de l'ensemble des points z0 qui initient une suite divergente quand n croît. L'ensemble de Mandelbrot est l'ensemble des points A tels que la suite zn reste bornée lorsque z0 = 0. Ces ensembles, connexes ou non, ont une structure fractale.
Cette géométrie fractale se révèle extraordinairement adaptée pour décrire des situations physiques diverses.
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Écrit par :
- Bernard PIRE : directeur de recherche émérite au CNRS, centre de physique théorique de l'École polytechnique, Palaiseau
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« FRACTALES » est également traité dans :
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Pour citer l’article
Bernard PIRE, « FRACTALES », Encyclopædia Universalis [en ligne], consulté le 07 février 2023. URL : https://www.universalis.fr/encyclopedie/fractales/