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FONDS SOUVERAINS

Méfiance ou attirance

La méfiance à l'égard des fonds souverains résulte des incertitudes pesant sur leurs ambitions et de la crainte de les voir passer d'un statut d'investisseurs passifs et patients (pas de représentation au sein des conseils d'administration, des objectifs à long terme) à celui de preneurs de décisions politiques et stratégiques. Cette méfiance reflète les ambivalences de la mondialisation. D'un côté le Forum économique mondial de Davos officialise la puissance des dirigeants des fonds souverains du Golfe et se félicite qu'ils volent au secours des grandes banques internationales engluées dans la crise des crédits immobiliers américains. De l'autre, les ministres des finances du G7 désignent les investisseurs publics de la Chine, du Qatar, de Dubaï ou de la Russie comme une menace pour le capitalisme mondial et redoutent de perdre leur maîtrise sur la finance internationale.

Aux États-Unis comme en Europe, le fait que les fonds souverains puissent se soustraire aux exigences internationales de transparence financière a alimenté un phénomène de crispation et une montée des discours protectionnistes. Si les fonds souverains passent d'un rôle de prêteur à un rôle de propriétaire, le risque d'une modification des rapports de force à l'avantage de pays peu ou pas du tout démocratiques n'est pas sans fondement. Mais à partir du moment où les grandes organisations internationales ont affirmé la libre circulation des capitaux comme fondement des économies concurrentielles, il leur est difficile de résoudre les polémiques suscitées par les fonds souverains et de limiter leur participation au capital de ces économies. C'est la raison pour laquelle les réponses du monde occidental ne sont pas homogènes. Par exemple, l'Union européenne a écarté l'idée d'une « golden share européenne » (action préférentielle empêchant une prise de contrôle hostile) pour limiter la présence de fonds d'États étrangers dans les entreprises des pays membres afin de ne pas décourager les investissements étrangers. Mais, en août 2008, elle a laissé l'Allemagne décider de bloquer les participations de plus de 25 p. 100 dans les entreprises dont les activités relèvent de « l'ordre public et de la sécurité ».

De même le F.M.I. a longtemps encouragé les pays exportateurs de ressources non renouvelables à constituer ce type de fonds mais il ne parvient pas aujourd'hui à mettre en place des règles communes à la gestion de ces fonds dans un cadre multilatéral. Quant à l'O.C.D.E., grande prêtresse du mouvement de libéralisation des marchés dans les années 1980, elle redoute aujourd'hui l'entrée de fonds souverains dans le capital des entreprises récemment privatisées. Elle y voit la menace d'une re-nationalisation transfrontalière et le risque d'une remise en cause des systèmes de gouvernance des entreprises, au point de ne plus exclure la possibilité d'un droit de veto accordé aux pays d'accueil pour les investissements étrangers. Écartelées entre la liberté d'investissement et la protection de secteurs stratégiques tels que l'énergie nucléaire, la défense, l'aérospatial ou les technologies de l'information, les organisations internationales ne peuvent qu'émettre des suggestions pour élaborer des « codes de bonne conduite ».

Les pays occidentaux sont conscients de leurs limites, ils savent qu'ils n'ont ni l'autorité morale ni les moyens pratiques d'imposer des systèmes de protection. À peine peuvent-ils espérer une « bonne gouvernance » et un peu plus de « réciprocité » de la part des pays émergents en matière d'ouverture économique. Le fonds américain Blackstone n'a-t-il pas cédé 10 p. 100 de son capital au fonds chinois avec l'espoir d'investir en retour plus facilement dans ce pays ? En définitive,[...]

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