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LAND GRABBING ou ACCAPAREMENT DE TERRES AGRICOLES

Depuis 2007, les médias se sont largement fait l'écho d'opérations de land grabbing, c'est-à-dire de prises de contrôle de terres agricoles par des investisseurs étrangers, parfois en surmédiatisant certaines d'entre elles – ainsi du projet envisagé en 2008 par l'entreprise sud-coréenne Daewo à Madagascar, qui n'a finalement pas abouti. Toutefois, en se fondant sur différentes estimations dont celles de l'O.N.U., on peut avancer que 30 millions d'hectares de terres agricoles dans le monde – soit un peu plus que la surface agricole de la France – , dont près de 20 millions situés dans des pays en développement, seraient effectivement passés sous contrôle étranger de 2006 à 2009. Selon un rapport de la Banque mondiale (septembre 2010), les investisseurs (locaux ou étrangers) auraient manifesté un intérêt pour plus de 40 millions d'hectares de terres agricoles au cours de la seule année 2008, terres situées pour les trois quarts en Afrique subsaharienne.

Plus complexe que ne le laissent souvent paraître les médias, dans la mesure où il concerne non seulement des terres mais également d'autres actifs agricoles (exploitations, usines de transformation des produits alimentaires, etc.), le land grabbing ne constitue pas véritablement un phénomène nouveau – il a été largement pratiqué à l'époque coloniale –, même s'il a connu récemment une nette et brutale accélération. Celle-ci souligne l'importance des préoccupations tant de souveraineté que de sécurité alimentaire qui font que les actifs agricoles, et en particulier les terres, sont devenus une ressource stratégique au même titre que le pétrole ou certains minerais.

Le phénomène n'est toutefois pas sans ambiguïté : si ces appropriations à l'étranger comportent des risques réels pour les pays visés, elles pourraient également, sous certaines conditions, être porteuses de développement économique et social dans les régions concernées.

Les causes du développement du « land grabbing »

Une demande alimentaire dynamique

La situation alimentaire sur notre planète compose la toile de fond du phénomène de prises de contrôle de terres à l'étranger. Selon l'Organisation des Nations unies pour l'alimentation et l'agriculture (F.A.O.), la malnutrition – c'est-à-dire les personnes souffrant de carences alimentaires qualitatives, en particulier en vitamines et en protéines – touche actuellement plus de deux milliards de personnes alors que la sous-nutrition – c'est-à-dire une nutrition insuffisante sur le plan quantitatif – en concerne près d'un milliard. Ce nombre a même augmenté de plus de deux cents millions au cours des deux dernières décennies, avant de régresser légèrement pour se situer à neuf cent vingt-cinq millions.

Parallèlement, l'augmentation des niveaux de vie et l'urbanisation croissante ont entraîné dans de nombreux pays émergents, en particulier en Chine, une hausse de la demande alimentaire allant nettement au-delà du seul effet de la croissance démographique. Dans ce contexte, beaucoup s'interrogent sur la capacité d'une planète peuplée en 2010 de six milliards huit cents millions d'habitants à en nourrir neuf milliards en 2050 ; d'autant plus qu'un nombre croissant d'États ont mis en place au cours de la première décennie du xxie siècle des politiques de consommation et/ou de production de biocarburants qui sont pour l'essentiel des agrocarburants utilisant des terres agricoles qui pourraient être destinées à des productions alimentaires.

Une ressource en cours de raréfaction : la terre agricole

Dans ce contexte, les conditions de l'indispensable accroissement de la production agricole ont largement évolué. Alors que, depuis le milieu du xixe siècle et jusque dans les années 1960, l'augmentation[...]

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Écrit par

  • : professeur émérite à l'université de Paris-Ouest-Nanterre-La Défense, membre de l'Académie d'agriculture de France

Classification

Pour citer cet article

Jean-Paul CHARVET. LAND GRABBING ou ACCAPAREMENT DE TERRES AGRICOLES [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Médias

Land grabbing : appropriations de terres en Amérique du Sud - crédits : Encyclopædia Universalis France

Land grabbing : appropriations de terres en Amérique du Sud

Land grabbing : appropriation de terres de la « Zernovoï Belt » (Russie, Ukraine, Kazakhstan) - crédits : Encyclopædia Universalis France

Land grabbing : appropriation de terres de la « Zernovoï Belt » (Russie, Ukraine, Kazakhstan)

Land grabbing : appropriations de terres en Afrique - crédits : Encyclopædia Universalis France

Land grabbing : appropriations de terres en Afrique

Autres références

  • AGRICULTURE - Histoire des agricultures depuis le XXe siècle

    • Écrit par Marcel MAZOYER, Laurence ROUDART
    • 9 998 mots
    • 2 médias
    ...population. Les dédommagements sont rares et, quand ils existent, sont faibles par rapport aux préjudices subis et interviennent plusieurs années après coup. C'est pourquoi le terme « d'accaparement » est couramment utilisé pour qualifier ces transactions. Selon la Coalition internationale pour l'accès à la...
  • AGRICULTURE DURABLE

    • Écrit par Jean-Paul CHARVET
    • 5 444 mots
    • 10 médias
    ...hostiles, entre autres, aux plantes génétiquement modifiées (P.G.M.), pour des raisons éthiques et parce que leur culture nécessite moins de main-d’œuvre, ainsi qu’au développement du landgrabbing, c’est-à-dire de l’accaparement de terres agricoles par de grandes entreprises agricoles étrangères au détriment...
  • ESPACE RURAL

    • Écrit par Jean-Paul CHARVET
    • 7 337 mots
    • 8 médias
    Concernant les premières – à l’échelle mondiale –, le phénomène le plus marquant est l’accaparement de terres agricoles paysannes par de puissantes entreprises transnationales – ou land grabbing. Depuis les années 2000 surtout, certains États cherchent à assurer leur sécurité et leur...
  • SOUDAN DU SUD

    • Écrit par Universalis, Alain GASCON, Roland MARCHAL
    • 8 098 mots
    • 4 médias
    ...» réclament le monopole de l'accès aux ressources de la terre et du sous-sol pour les élites locales afin de les « concéder » à des groupes étrangers (phénomène du land grabbing). Ainsi la firme nord-américaine Nile Trading Development Inc.a-t-elle acquis un bail de quarante-neuf ans sur 600 000...

Voir aussi