FONDS SOUVERAINS
Un poids croissant et un changement de stratégie
Au niveau mondial, avec un montant d'actifs gérés d'environ 3 500 milliards de dollars, le poids des fonds souverains reste marginal rapporté à l'ensemble des actifs financiers mondiaux (capitalisation boursière mondiale ajoutée au stock des obligations émises par les entreprises et les États) qui dépassent 100 000 milliards de dollars. Comparés aux 55 000 milliards d'actifs détenus par les gérants institutionnels (les fonds de pension, les fonds d'investissement privés ou les compagnies d'assurances), ils sont encore des acteurs de petite taille. Mais, depuis 2007, la flambée des prix des matières premières et les excédents commerciaux des pays émergents à forte croissance ont fait exploser leurs réserves et ont modifié leurs stratégies d'investissement. Leur concentration dans un petit nombre d'entités étatiques capables de réaliser des transactions d'un montant élevé avec un fort impact potentiel sur les marchés peut représenter un risque politique.
Les fonds souverains ont des caractéristiques et des modes de fonctionnement différents. Jusqu'au début des années 2000, ils répartissaient leurs liquidités entre des produits sûrs et sans risque (60 p. 100) tels que les bons du Trésor américains ou les obligations d'État européennes et des actifs risqués (40 p. 100) comme les produits cotés des sociétés de la finance ou de l'immobilier, avec l'objectif constant d'optimiser leurs capitaux disponibles. Mais ils étaient souvent repoussés aux frontières du monde des affaires. Par exemple, en 2005, la société Cnooc contrôlée à 70 p. 100 par le fonds chinois fut dissuadée de racheter le groupe pétrolier américain Unocal ; un an plus tard, les autorités américaines empêchèrent le fonds de Dubaï de racheter les infrastructures de transports de six ports américains (New York, Miami, Philadelphie, Baltimore, La Nouvelle-Orléans, Newark).
Depuis 2007, la donne a changé. La nouvelle génération des gestionnaires de fonds souverains, formée à Wall Street ou à la City, s'est familiarisée avec les modes de gestion de portefeuille promettant à long terme des revenus plus risqués et plus lucratifs (investissements financiers, prises de participation au capital d'entreprises occidentales, prises de contrôle). Les nouveaux gérants savent profiter d'un rapport des forces qui leur est maintenant favorable et choisissent leurs actifs en fonction de critères financiers privilégiant sur le long terme la création de valeur et une rentabilité supérieure au rendement des bons du Trésor. L'intérêt des fonds souverains pour l'industrie bancaire est devenu manifeste. L'Agence d'investissement du gouvernement de Singapour (Government of Singapore Investment, G.I.C.) a investi 11 milliards de dollars, soit 9 p. 100 du capital de l'Union des banques suisses (U.B.S.), alors confrontée aux premières pertes de son histoire ; le fonds souverain émirati A.D.I.A. a apporté près de 8 milliards de dollars à Citigroup, la première banque commerciale américaine, prenant ainsi 4,9 p. 100 de son capital. De la même façon, Morgan Stanley a été soutenue par le fonds chinois C.I.C. et Merrill Lynch par Temasek, le second fonds de Singapour. Au début de la crise, durant l'été de 2007, ces fonds souverains ont ainsi véritablement joué le rôle d'actionnaires stables pour le système bancaire international.
L'envolée du prix du pétrole pour les pays producteurs, tout comme les excédents du commerce extérieur pour les pays asiatiques ont accru leurs réserves de change et alimenté leurs fonds souverains jusqu'à l'été de 2008. Mais en arbitrant de plus en plus leurs placements en fonction de la rentabilité boursière des différents actifs, ils ont aussi suscité des inquiétudes. Lorsque les valeurs bancaires[...]
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Écrit par
- Françoise PICHON-MAMÈRE : maître de conférences, université Paris-Sorbonne
Classification
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