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FIGURATION, paléolithique et néolithique

Les premières images

C’est à partir de 100 000 ans environ que de petits groupes de Sapiens s’éloignent progressivement de l’Afrique, sans doute par élargissement insensible de leurs territoires de chasse et de cueillette. Ils atteignent, vers l’est, l’Australie il y a 50 000 ans environ, ce qui suppose une maîtrise de la navigation en mer. Vers l’ouest, ils sont signalés en Europe à partir de 40 000 ans. Ils franchissent le détroit de Béring il y a sans doute 25 000 ans au moins, constituant la première présence humaine dans les Amériques. Entre 40 000 et 35 000 ans, aux deux extrémités de l’Eurasie et à l’aboutissement de ces différentes manifestations esthétiques, qui s’étaient échelonnées sur deux sinon trois millions d’années, apparaissent les premières figurations indéniables.

À l’est, dans une grotte de la région de Maros-Pangkep, au sud-ouest de l’île indonésienne de Sulawesi, une peinture rupestre datée d’environ 40 000 ans représente un babiroussa, sorte de suidé local, tandis que plusieurs mains humaines ont été détourées au pochoir, apparaissant ainsi en négatif sur la paroi. À l’ouest, à peu près au même moment, dans le Jura souabe en Allemagne et dans la grotte Chauvet-Pont d’Arc en Ardèche, d’autres humains ont peint ou sculpté des images d’animaux dangereux, exceptionnellement de femmes, et détouré leurs mains sur la roche.

Cette présence des images de mains, qu’elles soient appliquées directement en positif après avoir enduit la main de peinture à l’ocre, ou bien exécutées au pochoir en soufflant de la peinture tout autour de la main, constitue un phénomène universel. On le rencontre à des dates variées, de l’Espagne à l’Australie et de l’Inde à l’Indonésie. Si « re-présenter » c’est rendre visible à nouveau quelque chose ou quelqu’un d’absent, appliquer sa propre main contre la paroi et en laisser la marque peinte avant de s’en retirer est sans doute une des premières manières de le faire en laissant pour longtemps une trace de soi-même, comme l’a suggéré Marie-José Mondzain. Si l’on applique l’indice dit de Manning – mesurant la différence de longueur entre index et annulaire, qui varie selon le sexe –, on note en général autant de femmes que d’hommes parmi ces empreintes de mains.

À l’exception de ces mains, vestiges d’êtres réels, il existe très peu de représentations humaines, dans les premiers temps de la figuration. Seuls, ou presque, les animaux sont représentés. Ces sociétés de chasseurs-cueilleurs sont immergées dans le monde animal, qui les nourrit mais aussi les menace. Elles se vivent comme une espèce parmi d’autres, et plus vulnérable que d’autres. De fait, les sociétés traditionnelles recourent souvent au totémisme, et se répartissent en groupes ou clans à l’origine desquels on trouve un ancêtre fondateur animal. Ce qui pourrait expliquer cette prédominance des animaux, selon Alain Testart.

Félins et rhinocéros, Caverne du Pont d’Arc - crédits : Patrick Aventurier/ Getty Images

Félins et rhinocéros, Caverne du Pont d’Arc

Toutefois, pour en rester à l’Europe du Sud-Ouest – la mieux étudiée, et où les grottes karstiques abondent –, on doit se rappeler que l’art paléolithique s’étendit sur une durée de près de 30 000 ans, soit deux fois celle qui nous sépare de Lascaux. Même si les sociétés de chasseurs-cueilleurs vivent dans un temps plus lent que les nôtres, des transformations ont dû avoir lieu, accompagnant notamment les variations de l’environnement : pendant la dernière période glaciaire (de – 115000 ans à – 12000 ans), il y eut des variations, avec un maximum glaciaire vers – 22000 ans, puis des réchauffements progressifs, avec des oscillations. Aussi les premières thématiques, comme celles qu’on voit à Chauvet, sont-elles très différentes de celles qui, 20 000 ans plus tard, caractérisent les grottes classiques du Périgord et des Pyrénées, Lascaux, Niaux, Rouffignac ou Altamira. Dans[...]

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Écrit par

  • : professeur émérite à l'université Paris-I-Panthéon-Sorbonne et à l'Institut universitaire de France

Classification

Pour citer cet article

Jean-Paul DEMOULE. FIGURATION, paléolithique et néolithique [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Article mis en ligne le et modifié le 26/01/2018

Médias

Félins et rhinocéros, Caverne du Pont d’Arc - crédits : Patrick Aventurier/ Getty Images

Félins et rhinocéros, Caverne du Pont d’Arc

Aurochs et chevaux, Lascaux - crédits : Fine Art Images/ Heritage Images/ Getty Images

Aurochs et chevaux, Lascaux

« Vénus » de Hohle Fels (Allemagne) - crédits : H. Jensen/ Universitat Tubingen/ Rex Features/ SIPA

« Vénus » de Hohle Fels (Allemagne)

Autres références

  • FIGURATIF ART

    • Écrit par
    • 2 901 mots
    • 1 média
    ...qu'avaient naïvement imaginée les préhistoriens de l'autre siècle ; elles rendent compte plutôt de compositions mythographiques : l'ordonnance complexe des figures paléolithiques répond, semble-t-il, à des programmes figuratifs plus élaborés que l'art magique à finalité technique immédiate ; ce qui n'est pas...
  • GÖBEKLI TEPE, site archéologique

    • Écrit par
    • 2 646 mots
    • 3 médias
    Cette situation nous rappelle celle des grottes ornées du Paléolithique supérieur de l’Europe occidentale quelques millénaires plus tôt – Lascaux, Niaux ou Altamira –, où les grands herbivores (chevaux, bisons, aurochs, mammouths) dominent dans les représentations alors que les fouilles archéologiques...