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FERTILITÉ DES SOLS

L'expression de la fertilité

Du fait que les milieux les plus fertiles portent généralement les meilleures récoltes pour la majorité des espèces cultivées, on peut se demander s'il est justifié d'inclure des facteurs purement spécifiques ou même variétaux dans l'expression de la fertilité du milieu géographique. La réponse est assurément affirmative puisque, en fonction de caractères morphologiques ou physiologiques du système racinaire aussi bien que de l'appareil aérien, diverses cultures présentent des aptitudes différentes à tirer bénéfice de tel ou tel facteur de production. Il suffit d'évoquer, à titre d'exemple, l'appréciation qui pourrait être portée sur la fertilité, à travers le comportement d'arbres, de plantes de grande culture ou, a fortiori, de légumes ou de fraises ; ou encore celle qui résulterait du comportement de la vigne en terrain calcaire si l'on ne tenait pas compte de la nature du porte-greffe.

Cela revient à dire que la fertilité exprime la mesure dans laquelle les facteurs fonciers limitent les potentialités génétiques d'une variété déterminée placée à l'optimum des facteurs techniques. Une telle conception présente l'avantage de ne pas concevoir la fertilité ne varietur, à lui attribuer au contraire des possibilités de variations que le progrès scientifique et technique voudrait toutes positives, mais qu'une insuffisance des connaissances (surtout au niveau des conséquences à long terme) rend parfois douteuses et même négatives.

Très schématiquement, la fertilité pourrait donc s'exprimer par la formule suivante appliquée à une espèce (ou groupe d'espèces) donnée :

F représente la fertilité, f1, f2, f3... fn des fonctions variant de 0 à 1 (optimum pour chacun des facteurs techniques x1, x2, x3, xn) et A le rendement maximal obtenu lorsque toutes les variables x sont à l'optimum, c'est-à-dire le potentiel de production lié aux facteurs fonciers. Inversement, la fertilité devient nulle dès qu'un facteur de production tend vers zéro.

On conçoit alors que les composantes de la fertilité occupent une hiérarchie fluctuante selon les milieux et les cultures, et même selon les époques, hiérarchie qui s'appuie essentiellement sur des données économiques. Ainsi, avant que le développement industriel ait permis de mettre à la disposition de l'agriculture des engrais minéraux de moins en moins coûteux, les facteurs chimiques du sol occupaient une importance relative au moins égale à celle des facteurs physiques du sol. Aujourd'hui, dans les pays industrialisés, leur rôle est devenu tout à fait secondaire, si bien que les sols sableux, jadis réputés peu fertiles, sont de plus en plus appréciés par les agronomes, surtout sensibles à leur excellente perméabilité à l'eau et à l'air ainsi qu'à la proximité fréquente des réserves hydriques emmagasinées dans les nappes alluviales.

Parce qu'elle dépend à la fois de facteurs fonciers et de facteurs techniques, on perçoit de même le danger de juger de la fertilité d'un milieu naturel d'après les niveaux de production obtenus, même par les agriculteurs de pointe, car il est rare de trouver des exploitations où les facteurs techniques soient tous appliqués à l'optimum. Une telle méthode subjective de jugement aboutit généralement à classer les régions naturelles en fonction du niveau de technicité de leurs occupants. Il suffit pour s'en convaincre de constater le rôle bénéfique, souvent spectaculaire, exercé dans les zones d'agriculture retardée par des agriculteurs « migrants » venus de régions réputées « riches ». Aussi, pour établir des programmes rationnels d'aménagement du territoire, c'est-à-dire en définitive pour mettre en place des structures durables et efficaces, il est indispensable qu'une analyse méthodique des facteurs de la[...]

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Écrit par

  • : ingénieur agronome, docteur ès sciences, directeur de recherche, chef du département d'agronomie de l'Institut national de la recherche agronomique

Classification

Pour citer cet article

Louis GACHON. FERTILITÉ DES SOLS [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Médias

Fertilité des sols : influence du substratum - crédits : Encyclopædia Universalis France

Fertilité des sols : influence du substratum

Fertilité des sols : rotation et restitution organiques - crédits : Encyclopædia Universalis France

Fertilité des sols : rotation et restitution organiques

Autres références

  • AGRICULTURE - Histoire des agricultures jusqu'au XIXe siècle

    • Écrit par Marcel MAZOYER, Laurence ROUDART
    • 6 086 mots
    • 2 médias
    ...ont pris de l'ampleur avec la houe métallique, qui a permis de défricher des tapis herbacés denses après brûlage des herbes en fin de saison sèche. Quant au renouvellement de la fertilité de ces terres cultivées, il a été assuré de diverses manières. Dans les zones à bétail, les plus nombreuses (Sahel,...
  • AGRICULTURE BIOLOGIQUE

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    La gestion de la fertilité des sols s’appuie sur l’usage de la fumure organique, celle des animaux (fumier) mais aussi celle des déchets organiques compostés. Elle repose en premier lieu sur la diversification des pratiques culturales : des rotations pluriannuelles avec l’introduction de cultures...
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    • 9 202 mots
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    ...trouver le premier agronome au sens moderne du terme, car il tente d'établir un système de l'agriculture, s'efforçant en outre de définir la notion de «  fertilité », c'est-à-dire l'aptitude à produire. Cette dernière était considérée comme une propriété inhérente au sol, et non, comme on l'a montré depuis,...
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    • Écrit par Didier LAVERGNE
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Voir aussi