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ESPRIT, philosophie

L'âge classique (XVIIe-XVIIIe s.)

Descartes et ses disciples n'attachent pas grande importance à une discrimination de l'âme et de l'esprit. Il ne s'agit là que d'une façon de parler. Le second terme est, néanmoins, privilégié par La Forge, dont l'ouvrage porte ce titre suggestif : Traité de l'Esprit de l'Homme, de ses facultés et fonctions, et de son union avec le corps. On trouve ici une intéressante étude du fonctionnement du cerveau, qui, pourtant, n'est nullement assimilable à l'esprit et qui demeure le simple « organe » (corporel) de celui-ci. Regis distingue un esprit appelé « âme » d'un autre qui est proprement « esprit », et constitue une substance séparable du corps. Hobbes énonce une conception matérialisante et empiriste, l'esprit apparaissant comme un corps subtil étendu, pourvu de la faculté de concevoir et de mouvoir. Les fonctions dudit esprit, dans Spinoza, consistent à percevoir : 1. son propre corps ; 2. les corps ; 3. l'essence de Dieu par voie de conséquence. Le sens général du concept d'esprit correspond, à la fois, à entendement, volonté, affectivité, mais dans un mode certain du penser, non de l'étendue, qui est au demeurant objet plutôt que sujet. Leibniz met en exergue parmi les âmes (qui sont toutes des substances) l'esprit humain, lequel est seul à être doué de réflexion (connaissance) et à s'approcher, pour ainsi dire, intellectuellement et moralement de la Divinité. Alors que, chez Locke et, plus tard, chez Hume, il y a incertitude sur la nature et le rôle précis de l'esprit, ce dernier n'étant que lieu récepteur (passif) des idées, l'immatérialisme de Berkeley privilégie son essentielle activité. Condorcet est l'auteur d'une Esquisse d'un tableau analytique de l'esprit humain. « Esprit » évoque, en l'occurrence, un ensemble d'acquis et de perfectionnements, un contenant dont la potentialité est très extensible, quoique limitée ; c'est aussi un contenu à augmenter. Fichte croit à une « histoire » de l'esprit. Le Schelling de la première époque systématise une philosophie de la nature, dans laquelle liberté et arbitraire sont le point de départ de la philosophie de la connaissance et qui a pour centre une conception objectivo-transcendantale de l'esprit, envisageant une démarche de l'esprit vers la nature et de celle-ci vers celui-là. L'esprit absolu caractérise une notable part de l'hégélianisme. L'esprit humain entendu dans une acception plus banale (c'est-à-dire comme ce qui n'est pas le corps), n'est pas ignoré par Hegel. Toutefois, ce sens usuel se révèle désigner encore l'esprit absolu dans ses états et manifestations au sein de la « vie » humaine, qui, d'ailleurs, n'est pas essentiellement distincte de la vie absolue (ainsi, l'esprit est la force motrice de l'histoire, la phénoménologie de l'esprit est assurée par l'art...). Marx combattra cette conception hégélienne de l'esprit.

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Écrit par

  • : docteur ès lettres
  • Universalis : services rédactionnels de l'Encyclopædia Universalis

Classification

Pour citer cet article

Pierre CLAIR et Universalis. ESPRIT, philosophie [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Autres références

  • MATIÈRE/ESPRIT (notions de base)

    • Écrit par Philippe GRANAROLO
    • 3 374 mots

    Alors que les sagesses orientales étaient toutes « monistes » (du grec monos, « unique »), autrement dit convaincues que le réel se réduisait à une unique dimension, les premières philosophies grecques ont choisi la voie du dualisme, opposant chacune à leur manière la matière à l’esprit,...

  • ALCHIMIE

    • Écrit par René ALLEAU, Universalis
    • 13 642 mots
    • 2 médias
    ...notion d'alchimie « spirituelle » ou purement « psychologique » est aberrante, car elle méconnaît la fonction principale de l'alchimie : délivrer l'esprit par la matière en délivrant la matière elle-même par l'esprit. Cette mutuelle délivrance ne peut être accomplie que par l'art suprême,...
  • ÂME

    • Écrit par Pierre CLAIR, Henri Dominique SAFFREY
    • 6 020 mots
    ...Gassendi n'est pas loin de ces opinions ; il pense – peut-être, car l'interprétation de sa philosophie appelle nuances et prudence – à une forme animant l'esprit et le corps. Cependant, où se situerait exactement ce et ? En tout cas, Descartes, lui, sépare nettement les deux, l'union âme-corps posant...
  • ANAXAGORE (env. 500-428 av. J.-C.)

    • Écrit par Fernando GIL, Pierre-Maxime SCHUHL
    • 1 859 mots
    • 1 média
    C'est ici qu'apparaît un principe nouveau, celui qu'Anaxagore appelle le Noûs, c'est-à-dire l'Esprit, principe spontané de mouvement, de pensée, de connaissance, de vie. Subtil, mais non immatériel, il est transcendant au mélangé, infini, autarcique, et ne se mêle à rien, bien qu'il soit présent...
  • ATTENTION

    • Écrit par Éric SIÉROFF
    • 1 928 mots
    Dès l’Antiquité, les philosophes ont noté que l’esprit permet de voir les choses plus clairement ou au contraire de ne plus les remarquer. De même, Descartes note qu’une idée apparaît plus claire et distincte quand l’attention se dirige vers elle. Au xixe siècle, David Ferrier, un neurophysiologiste...
  • Afficher les 39 références

Voir aussi