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ÉLÉATES (VIe-Ve s. av. J.-C.)

Le monisme éléatique

Parce qu'il avait purifié et unifié la notion de dieu, on comprend qu'une tradition dont Aristote est le premier témoin (Métaphysique, I, 5, 986 b 21) ait pu faire de Xénophane le maître de Parménide, le véritable fondateur du monisme éléatique. Cette dépendance a paru tellement incroyable aux historiens modernes qu'ils ont cherché à renverser ce rapport, et Karl Reinhardt a cru pouvoir montrer que Parménide avait dû influencer Xénophane. Werner Jaeger a maintenu l'antériorité historique de Xénophane, mais en lui retirant la qualité usurpée de maître de Parménide. Il n'est pas impossible que les deux hommes se soient connus à Élée, mais on ne peut voir, à proprement parler, dans l'un le maître de l'autre. Tout au plus Xénophane a-t-il pu établir un lien entre l'Ionie et l'Italie, peut-être a-t-il servi d'intermédiaire entre Parménide et ses prédécesseurs ioniens.

La signification ontologique du monisme éléate peut se formuler en deux propositions :

– Les êtres doivent se trouver au-delà des choses du monde sensible, qui sont livrées au devenir et à la corruption : l'être n'est donc pas dans les choses mais au-delà.

– Par ailleurs, l'être se trouve en opposition au devenir, parce que le devenir vient du non-être et aboutit au non-être.

Ce sont ces axiomes que Platon examinera systématiquement dans ses dialogues, le Parménide et Le Sophiste, et Aristote dans la Métaphysique.

L'école éléate n'eut pas de prolongement après Zénon. Un écrit Sur Xénophane, Mélissos et Gorgias, attribué à Aristote, est en réalité, selon son dernier éditeur (H. Diels, 1900), du ier siècle après J.-C. Il offre une présentation de l'éléatisme principalement inspirée de la doxographie aristotélicienne. Toutefois cet écrit isolé ne constitue pas une tradition éléate dans l'Antiquité. Mais tous les philosophes qui ont voulu renouveler la philosophie de l'être se sont nécessairement réclamés de Parménide, tel, pour notre temps, Heidegger. J. Brun a pu écrire aussi que Hegel « est le philosophe qui a mis l'être des éléates en marche dans l'histoire en posant l'être du devenir dans un devenir de l'être. Avec Hegel, l'être de Parménide s'ontologise dans le cours de l'histoire, il cesse d'être un substantif pour devenir un verbe, voire le Verbe divin. »

— Henri Dominique SAFFREY

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Pour citer cet article

Encyclopædia Universalis et Henri Dominique SAFFREY. ÉLÉATES (VIe-Ve s. av. J.-C.) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Article mis en ligne le et modifié le 14/03/2009

Autres références

  • ANTIQUITÉ - Naissance de la philosophie

    • Écrit par
    • 11 137 mots
    • 8 médias
    ...homme, ce n'est pas seulement cet homme-ci, mais ce que l'homme est, c'est-à-dire l'essence de l'homme. Bien plus, le grec a, plus que le français, la possibilité de substantiver des adjectifs neutres, indépendamment de toute application particulière, constituant ainsi un type d'objets qui transcendent...
  • ARISTOTE (env. 385-322 av. J.-C.)

    • Écrit par
    • 23 786 mots
    • 2 médias
    ...susceptibles de mouvement. Aristote veut montrer que, si l'on ne pose qu'un seul principe, on rend le mouvement impossible. Cette erreur fut celle des Éléates, pour qui l'être est un, n'ayant d'autre réalité que celle de l'essence. À un tel être il ne peut proprement rien ...
  • DEVENIR

    • Écrit par
    • 3 142 mots
    ...entre les idées fixées, d'une part, et entre ces idées et les objets déterminés et mis en œuvre par une technique encore rudimentaire, d'autre part, les Éléates nièrent, non pas le devenir, trop évident, mais sa valeur et son intelligibilité : ils l'abaissèrent au rang de simple apparence et voulurent...
  • DIALECTIQUE

    • Écrit par et
    • 8 037 mots
    • 2 médias
    ...mais il est seulement reconnu à travers une tradition qui interprète chaque fois ses origines à partir d'un système particulier pris comme leur résultat. En gros, on dispose de trois thèses sur le commencement de la dialectique, qui le situent chez Héraclite, chez Zénon d'Élée ou chez Platon : chacune...
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