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FISCHER EDWIN (1886-1960)

On ne résistera pas à l'envie d'appliquer à Edwin Fischer la définition que Romain Rolland donnait de la sonate Appassionata de Beethoven : « un torrent de feu dans un lit de granite ». Peu auront su en effet conjuguer comme lui la passion la plus brûlante avec une rigueur humblement acceptée. Possédé de la divine ivresse que donne la liberté, Edwin Fischer emplit ses interprétations d'une vie tour à tour débordante et sereine. Bach y retrouve son souffle puissant, Mozart son fragile équilibre entre larmes et rires, Beethoven cet élan dramatique qui n'appartient qu'à lui. Avec Edwin Fischer, c'est dans le mouvement que s'éveille la musique.

Edwin Fischer naît à Bâle, en Suisse, le 6 octobre 1886. La famille est musicienne : le père, hautboïste à l'orchestre municipal de Bâle, s'adonne avec passion à la musique de chambre comme altiste dans un quatuor à cordes. Dès ses quatre ans, Edwin Fischer aborde l'étude du piano et entre à dix ans (1896) au Conservatoire de sa ville natale. Il y travaille, jusqu'à la mort de son père en 1904, avec Hans Huber. Il s'installe alors à Berlin. Il entre au conservatoire Stern, où il étudie avec Martin Krause (1904-1905). Âgé à peine de dix-neuf ans, il est jugé digne d'y enseigner, ce qu'il fera jusqu'à la Première Guerre mondiale (1905-1914). Eugen d'Albert guide de ses conseils ses premiers pas dans la carrière de soliste. Après avoir débuté en accompagnant le chanteur Ludwig Willner, il se produit en récital et, pour les concertos, trouve les plus grands chefs comme partenaires : Nikisch, Weingartner, Beecham, Walter, Mengelberg, Furtwängler. Depuis toujours, cependant, la direction d'orchestre le passionne, de même que le fascine ce répertoire orchestral et concertant du xviiie siècle sur lequel pèse une fausse tradition d'ennui et dont l'esprit échappe à ses contemporains. Alors, parallèlement à une carrière instrumentale qui continue à se développer, Edwin Fischer se lance dans celle de chef, qui lui permet de redonner vie, avec des formations aux effectifs enfin appropriés, à Bach, Mozart ou Haydn. Cela à la tête du Musikverein de Lübeck (1926-1928) et du Bachverein de Munich (1928-1932), avant qu'il ne fonde son propre orchestre de chambre à Berlin. Le premier, il renoue avec les habitudes de Mozart et dirige de son clavier l'orchestre qui accompagne les concertos de l'époque classique. En 1930 — imagine-t-on plus belle succession ? — il prend la suite d'Artur Schnabel à la Musikhochschule de Berlin et l'assume jusqu'en 1939. En 1942 il se réfugie en Suisse, où il fonde un trio fameux avec Enrico Mainardi (violoncelle) et Carl Flesch (violon) ; ce dernier y sera successivement remplacé par Karl Kulenkampf et Wolfgang Schneiderhan. Malgré une célébrité croissante qui ne lui est venue que sur le tard, il se consacre essentiellement à l'enseignement à partir de 1945 et donne à Lucerne des cours d'interprétation très suivis. Parmi ses principaux élèves, il convient de citer Alfred Brendel, Paul Badura-Skoda et Reine Gianoli. Il crée à cette époque une fondation pour aider les jeunes musiciens et s'investit beaucoup dans l'édition des œuvres pour clavier de Bach, des sonates pour piano de Mozart et de celles pour piano et violon de Beethoven. Quand il meurt à Zurich, le 24 janvier 1960, il nous laisse deux ouvrages — Jean-Sébastien Bach (1949) et Considérations sur la musique (1951) — ainsi que quelques partitions : des lieder, des œuvres pour piano et la transcription pour cet instrument de pages de Mozart.

Le génie vit mal la tranquillité des habitudes. Ne s'aventurant quasiment jamais dans la musique de son temps, Edwin Fischer réservait ses audaces aux œuvres du xviiie siècle, qu'il ressuscite littéralement, et aux grandes partitions[...]

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Pour citer cet article

Pierre BRETON. FISCHER EDWIN (1886-1960) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Autres références

  • BRENDEL ALFRED (1931- )

    • Écrit par Pierre BRETON
    • 1 743 mots
    ...d'un certain... Alfred Brendel ! C'est sur les conseils de Ludowika von Kaan qu'il part suivre en 1949 les cours d'été que dispense, à Lucerne, le grand Edwin Fischer, qui demeurera, avec Alfred Cortot et Wilhelm Kempff, sa principale influence (il suivra deux autres cours d'interprétation auprès de Fischer...
  • INTERPRÉTATION MUSICALE

    • Écrit par Alain PÂRIS, Jacqueline PILON
    • 7 438 mots
    • 8 médias
    ...personnelle lui permet d'entrer en contact direct avec l'œuvre, au-delà du public et de toute les considérations matérielles : inspiration, état de grâce... Edwin Fischer disait : « Tous les liens se dénouent, tous les complexes s'évanouissent et vous planez. On ne sent plus : je joue, mais ça joue,...
  • PIANO

    • Écrit par Daniel MAGNE, Alain PÂRIS
    • 4 344 mots
    • 15 médias
    Avec Artur Schnabel (1882-1951), Wilhelm Backhaus (1884-1969), Edwin Fischer (1886-1960) et Arthur Rubinstein (1886-1982), une page semble tournée. Schnabel et Backhaus donnent à l'œuvre de Beethoven une dimension nouvelle par une approche globale ; Rubinstein modernise l'héritage de Paderewski...

Voir aussi