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SAID EDWARD W. (1935-2003)

Intellectuel et musicologue, grand lecteur de Adorno, Gramsci et Foucault, Edward Said aimait à se définir comme « intellectuel juif, palestinien, libanais, arabe et américain ». De fait, il n'aura cessé, dans ses écrits comme dans ses prises de position, de mettre en question et de soumettre à la plus fine critique les frontières tant culturelles que politiques qui ne cessent de confronter, partager, diviser l'humanité, en s'efforçant de leur opposer un universalisme pour notre temps. Son livre le plus connu, L'Orientalisme (1978) est précisément le fruit d'une réflexion sur une de ces oppositions majeures (Orient/Occident), que des expressions comme « choc des civilisations » continuent d'alimenter.

L'expérience de l'exil et du passage des frontières nourrit toute l'œuvre de Said. Elle inspire aussi une pensée du retour et de la remémoration qui s'exprime superbement dans son autobiographie, À contre-voie (1999).

À contre-courant

Né à Jérusalem en 1935, fils d'un homme d'affaires palestinien de confession protestante, qui avait vécu aux États-Unis et était citoyen américain, Edward W. Said, comme il le raconte dans À contre-voie est « un Arabe éduqué à l'occidentale », passionné de littérature, de poésie et de piano. Sa famille, installée en Égypte en 1947, l'envoie étudier aux États-Unis. En 1963, il devient professeur de littérature comparée à l'université Columbia de New York. Dans son œuvre de critique, il va révéler la présence, au sein de la « grande culture » soi-disant neutre et humaniste de l'Occident, des rapports de domination que celui-ci entretient avec le reste du monde. Plusieurs de ses ouvrages font date, notamment L'Orientalisme et Culture et impérialisme (1993).

Parallèlement, Edward W. Said défend une conception exigeante du rôle social de l'intellectuel, qui doit « dire la vérité au pouvoir » (Des intellectuels et du pouvoir, 1994). Il souligne la force de l'exil, de la marginalité, de l'errance (l'« intellectuel exilique » ne suit pas « la logique de la convention mais celle de l'audace »). En 1967, il s'engage en faveur de la cause palestinienne. Il lui consacre plusieurs livres, de La Question de la Palestine (1979) à Culture and Resistance (2003), et en devient le porte-parole le plus connu aux États-Unis, ce qui lui vaudra beaucoup d'attaques. Membre du Conseil national palestinien de 1977 à 1991, il n'hésite pas à prendre position à contre-courant : à l'époque du « refus », il préconise une coexistence entre Juifs israéliens et Arabes palestiniens ; puis il s'oppose aux accords d'Oslo, qu'il juge inacceptables pour les seconds. Très critique à l'égard de Yasser Arafat, il propose en définitive un seul État binational laïque, avec reconnaissance du tort fait aux Palestiniens, « victimes plus que coupables » dans ce conflit.

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Écrit par

  • : traducteur
  • Universalis : services rédactionnels de l'Encyclopædia Universalis

Classification

Pour citer cet article

Paul CHEMLA et Universalis. SAID EDWARD W. (1935-2003) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Autres références

  • RÉFLEXIONS SUR L'EXIL (E. W. Said)

    • Écrit par Albert BENSOUSSAN
    • 1 106 mots

    Edward W. Said (1935-2003), qui enseigna la littérature comparée trente-six années durant à l'université Columbia de New York, fut assurément un maître exemplaire. Sa pédagogie repose en effet sur le rejet de tout dogmatisme et le souci, par le choix de tel ou tel éclairage, d'amener disciples et lecteurs...

  • ANTHROPOLOGIE

    • Écrit par Élisabeth COPET-ROUGIER, Christian GHASARIAN
    • 16 158 mots
    • 1 média
    ...critiques dites « postcoloniales » qui, avec l'école des subaltern studies, combinent les critiques postmarxistes, poststructuralistes et textuelles. Le travail d'Edward Said sur la production de l'Orient par l'Occident est, dans ce contexte, un livre majeur dans l'historiographie critique...
  • BARENBOIM DANIEL (1942- )

    • Écrit par Jean-Luc MACIA
    • 1 784 mots
    • 1 média
    ...Bayreuth. De même, il milite activement pour un règlement pacifique du conflit au Proche-Orient. À cet égard, il a collaboré avec l'essayiste palestinien Edward Said (1935-2003), non seulement pour dialoguer (un livre en porte témoignage, Parallèles et paradoxes) mais aussi pour créer en 1999 le West-Eastern...
  • COLONISATION, notion de

    • Écrit par Myriam COTTIAS
    • 1 618 mots
    ...dénonciation de leur aliénation, et leur dépersonnalisation liée au racisme, par Frantz Fanon (Peau noire, masques blancs, 1952). Beaucoup plus récemment, Edward Saïd, dans L'Orientalisme, l'Orient créé par l'Occident (1978), a lui aussi critiqué le discours des Occidentaux qui réduit les...
  • LEWIS BERNARD (1916-2018)

    • Écrit par Pascal BURESI
    • 1 264 mots

    Historien américain du monde musulman et du Proche-Orient, Bernard Lewis était un intellectuel controversé. Né à Londres le 31 mai 1916 dans une famille juive britannique, Bernard Lewis se découvre une passion pour les langues du Proche-Orient au moment où il est confronté à l’hébreu biblique...

Voir aussi