Abonnez-vous à Universalis pour 1 euro

DÉVELOPPEMENT ÉCONOMIQUE ET SOCIAL Sociologie

La sociologie du développement est neuve, et pourtant elle subit déjà les assauts de la contestation. Un sociologue américain radical, André G. Frank, lui reproche de devenir « de plus en plus sous-développée », à l'exemple des sociétés auxquelles elle prétend s'appliquer. Il l'accuse d'être de moins en moins adéquate, « pour des raisons empiriques, théoriques et politiques ». La critique est excessive, mais elle n'est pas sans fondement. Elle impose de procéder à une évaluation de cette sociologie, de mettre en évidence les apports des disciplines voisines et notamment ceux de l'anthropologie sociale et culturelle, de recenser les résultats acquis en matière de théorie dynamique des formations sociales.

Sociologie du développement et sous-développement de la sociologie

Les problèmes du développement ont été pris en considération au cours des années qui ont suivi la Seconde Guerre mondiale : le refus des dépendances coloniales les a manifestés sur le plan politique ; la nécessité d'interpréter avec rigueur les changements profonds, qui affectent alors toutes les sociétés, a provoqué leur examen sur le plan des sciences économiques et sociales. Cette double sollicitation agit avec rapidité et nourrit une littérature abondante. L'information paraît abondante, mais son évaluation critique la révèle décevante.

Des raisons multiples expliquent cette situation. Les unes tiennent à l'ordre des choses. Les sociétés en développement, accédant maintenant à la modernité, constituent la large majorité des sociétés et rassemblent les effectifs de population les plus nombreux ; elles imposent un véritable défi scientifique en raison de leur nombre, de leur diversité et de leur état présent, qui les fait dire « en transition ». Par ailleurs, l'urgence des problèmes n'a pas permis d'attendre que les théories du développement économique et social soient élaborées ; la politique du développement, qui aurait dû résulter d'une information rigoureuse et d'une élaboration théorique novatrice, s'est fondée sur un empirisme peu propice au progrès d'un savoir scientifiquement constitué. Mais il est des raisons d'une autre nature : celles qui tiennent au fait que les sciences sociales se sont construites à partir d'une expérience limitée, celle des pays dits occidentaux, et en fonction d'un type privilégié de société, la société industrielle d'origine européenne. Dans ces conditions, les concepts et les techniques d'investigation se sont révélés inadaptés au cas des sociétés du Tiers Monde. Ce dernier constitue le véritable terrain d'épreuve de la validité générale des sciences sociales ; il a imposé un renversement de certaines des perspectives scientifiques et contraint à la recherche d'un niveau supérieur de généralisation.

Avant de considérer les démarches spécifiques de la sociologie du développement, il est nécessaire de préciser les conditions qui déterminent son efficacité scientifique. Elles sont au nombre de quatre ; toute étude des sociétés du Tiers Monde exige : la recherche des caractéristiques structurelles propres à ce type de sociétés – et dont le concept de société traditionnelle défini par les anthropologues, ainsi que par les sociologues soumis à l'influence théorique de Max Weber, ne suffit pas à rendre compte ; le repérage des dynamismes, des forces, qui opèrent « à l'intérieur » même de ces structures et peuvent provoquer leur transformation ; la mise en évidence des processus de modification des agencements sociaux et culturels qui sont à l'œuvre ; enfin, la détermination des relations externes qui affectent le devenir des sociétés en développement et de modernisation, et notamment des rapports de dépendance (y compris la dépendance technologique) qui font qu'elles ne sont pas pleinement maîtresses de[...]

La suite de cet article est accessible aux abonnés

  • Des contenus variés, complets et fiables
  • Accessible sur tous les écrans
  • Pas de publicité

Découvrez nos offres

Déjà abonné ? Se connecter

Écrit par

  • : professeur émérite à l'université de Paris-Sorbonne, directeur d'études à l'École des hautes études en sciences sociales

Classification

Pour citer cet article

Georges BALANDIER. DÉVELOPPEMENT ÉCONOMIQUE ET SOCIAL - Sociologie [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Média

Sociétés traditionnelle et moderne - crédits : Encyclopædia Universalis France

Sociétés traditionnelle et moderne

Autres références

  • DÉVELOPPEMENT ÉCONOMIQUE, notion de

    • Écrit par Emmanuelle BÉNICOURT
    • 1 648 mots

    La notion de développement économique a pris de l'importance au tournant de la Seconde Guerre mondiale, avec l'émergence de nouvelles nations issues de la décolonisation et la mise en place d'institutions multilatérales, comme l'O.N.U. et ses agences, le Fonds monétaire international...

  • AGRICULTURE - Histoire des agricultures depuis le XXe siècle

    • Écrit par Marcel MAZOYER, Laurence ROUDART
    • 9 998 mots
    • 2 médias
    ...hydraulique, à passer à deux, trois ou même quatre récoltes par an. La productivité de la terre (production à l'hectare) a ainsi été décuplée en certains lieux. Les techniques de la révolution verte étant intensives en travail, les emplois et les revenus agricoles ont beaucoup augmenté, créant un pouvoir d'achat...
  • AMÉRIQUE LATINE, économie et société

    • Écrit par Jacques BRASSEUL
    • 13 724 mots
    • 22 médias
    ...comme Douglass North (Prix Nobel en 1993) d'expliquer l'évolution divergente de l'Amérique latine et de l'Amérique anglo-saxonne depuis leur découverte. Pourquoi ces deux parties du continent qui ont une histoire proche, découvertes et peuplées par des Européens à partir de 1492, sont-elles si différentes,...
  • ANDES CORDILLÈRE DES

    • Écrit par Jean-Paul DELER, Olivier DOLLFUS
    • 10 963 mots
    • 5 médias
    ...andins étant parmi les plus inégalitaires du monde, la comparaison des quotients annuels du P.I.B. par habitant n'est qu'un indicateur relatif du degré de développement global des pays. Pour la période 2000-2005, ce quotient moyen, en dollars, varie pratiquement de un à cinq : Bolivie (2 540), Équateur (3 380),...
  • ANTHROPOLOGIE ÉCONOMIQUE

    • Écrit par Maurice GODELIER
    • 5 153 mots
    Cependant, à un niveau pratique immédiat, l'anthropologie économique, en mettant en évidence la logique originale des structures et comportements économiques au sein de nombreuses sociétés d'Afrique, d'Asie, d'Amérique et d'Océanie, pourrait contribuer au développement économique et social de ces régions...
  • Afficher les 81 références

Voir aussi