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DÉMOCRITE (460 av. J.-C.?-? 370 av. J.-C.)

Démocrite d'Abdère est un contemporain (un peu plus jeune) de Socrate (468-399), auquel il a longtemps survécu. Son nom est lié à celui d'un maître plus ancien, Leucippe, sur lequel nous savons peu de choses, mais qui passe pour avoir été l'élève de Zénon d'Élée. Nous sommes également mal renseignés sur la vie de Démocrite auquel on prêta de grands voyages en Orient. Il était l'auteur de nombreux traités formant un ensemble encyclopédique.

Démocrite est avant tout le fondateur de la première forme d'une grande philosophie : l' atomisme, il apporte par là une solution au problème posé par Parménide d'Élée, qui a affirmé l'unité de l'être et son immobilité : en dehors de l'être, ne reste que le non-être, le néant. Ce non-être, pour Démocrite, a une existence : c'est le vide qui permet le mouvement. Quant à l'être de Parménide, Démocrite le partage en corps insécables, les atomes, qui sont, comme l'être parménidéen, impassibles et impérissables. Ils ne se distinguent que par des déterminations spatiales. C'est la « figure » qui fait d'eux des formes (en grec « idées ») rondes ou anguleuses ou crochues, etc. C'est l'assemblage, l'accrochage de ces atomes dans le vide qui constitue les corps. Il se produit un tourbillon, au sein duquel s'effectue un triage. Et ainsi se forment les mondes, par des causes purement mécaniques.

De cette intuition est née une physique, certes encore fort primitive, mais qui s'engageait sur une voie d'avenir. Quant aux impressions sensibles et qualitatives, elles n'ont, pour Démocrite, aucune valeur absolue ni authentique, car elles résultent du passage d'atomes de formes diverses à travers les pores des organes des sens.

Enfin, il nous est parvenu sous le nom de Démocrite un certain nombre de fragments, morceaux, courtes maximes qui prônent modération et sérénité. Démocrite n'y apparaît nullement comme « le philosophe qui rit » de la légende.

On sait qu'Épicure adopta la physique démocritéenne, à quelques légères modifications près ; le poème de Lucrèce en offre un tableau d'ensemble. Et il n'est pas nécessaire de souligner l'importance de l'atomisme dans la science et la philosophie de tous les temps : qui ne sait que le calcul, aidé de l'expérience, a conduit les savants d'aujourd'hui à des résultats comparables à ceux que Démocrite avait atteints par le seul raisonnement ?

Le problème métaphysique

Dans la Métaphysique (A, 4, 985 b 4 sqq.), Aristote désigne le « plein » (les atomes) et le « vide » comme les causes matérielles de toutes les choses selon Leucippe et Démocrite ; et il ajoute que les « causes de tout le reste » sont des « différences » dans la figure (qui détermine la « proportion »), l'ordre (qui détermine le « contact ») et la position (qui détermine la « tournure ») des atomes. À celles-ci s'ajoute encore la taille (Simplicius, Commentaire au « De caelo », 295, 1). Tel fut le programme de recherche atomiste, à la fois métaphysique et physique.

Le problème métaphysique est le même qui s'est posé à Anaxagore et à Empédocle, à la suite de la critique éléatique du changement. Comment concilier l'immuabilité et l'éternité de l'être avec la réalité du mouvement et du changement, la « voie de la vérité » avec celle de l'« opinion » ? À partir d'une analyse de la prédication, c'est sur ce plan que la difficulté sera définitivement levée (dans Le Sophiste de Platon). La réponse atomiste reste encore physicaliste.

Le vide est « non-être » ou l'« infini » (Diogène Laërce [IX, 31] mentionne cependant un vide originaire composé de vide et de plein), et les atomes, insécables (étymologiquement), sont aussi dits « indivisibles[...]

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Écrit par

  • : docteur en philosophie, directeur d'études à l'École des hautes études en sciences sociales
  • : professeur à la faculté des lettres et sciences humaines de Paris

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