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CLIENTÉLISME

Les ressorts officieux de la vie politique

Le clientélisme s'oppose incontestablement aux valeurs dont se réclament les démocraties contemporaines. Il s'accompagne d'un usage discrétionnaire des ressources publiques, qui contredit les règles de l'État de droit et celles de l'impartialité bureaucratique. Il se fonde sur des échanges personnalisés et instrumentaux antithétiques de l'éthique de conviction et des préceptes de désintéressement propres à l'idéal civique.

Toutefois, cette opposition n'est pas aussi marquée qu'il y paraît. Comme l'a montré l'historien français Maurice Agulhon, c'est par l'intermédiaire du « patronage démocratique » des élites locales républicaines que la culture politique nationale s'est propagée dans les campagnes françaises après 1848. Plus tard, les partis de masse ont fréquemment associé la fourniture de biens matériels à un travail de pédagogie idéologique pour s'assurer la loyauté de leurs électeurs et de leurs militants, comme l'a illustré Jean-Gustave Padioleau dans le cas du Parti communiste français. Le clientélisme a été ici un vecteur de la formation des identités partisanes et de l'apprentissage de la citoyenneté démocratique.

Certains projets étatiques d'équipement ont été effectués grâce à la collaboration d'élus territoriaux qui y ont trouvé un moyen pour conforter leur rôle de médiateur entre l'État et les populations. Les réseaux politico-administratifs ainsi constitués étaient utilisés par ces élus pour satisfaire les demandes de leurs électeurs tout en contribuant à modifier en profondeur l'action publique et le cadre socio-économique des régions dans lesquelles elle s'effectuait (Pierre Grémion). Le clientélisme était dans ce cas un instrument de la modernisation politique et administrative, un procédé par lequel les opérations de l'État étaient retraduites et acclimatées aux sociétés locales.

Ces exemples indiquent que les relations de clientèle ne sont en rien exclusives des modalités démocratiques d'encadrement de l'électorat ou des logiques bureaucratiques. Bien que les représentations officielles de la politique légitime le condamnent au discrédit et le vouent à être confiné dans les « coulisses » officieuses de la politique, le clientélisme continue à être un ressort du fonctionnement concret des démocraties représentatives.

— Jean-Louis BRIQUET

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Pour citer cet article

Jean-Louis BRIQUET. CLIENTÉLISME [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Autres références

  • ANCIEN RÉGIME

    • Écrit par Jean MEYER
    • 19 103 mots
    • 3 médias
    ...retracer les jeux subtils, par lesquels Louis le Grand, qui ne dédaignait nullement les petits moyens, machiavéliquement, les oppose les unes aux autres. On a bien moins défini la clientèle royale elle-même. Elle est au moins double. D'une part, la mise au pas de la famille royale, du clan des Bourbons...
  • BOURBONS

    • Écrit par Yves DURAND
    • 6 456 mots
    • 1 média
    ...n'utilisent plus le système féodal pour recruter des vassaux contre le roi, mais le xviie siècle connaît un autre type de lien d'homme à homme : les clientèles et les fidélités. De haut en bas de la pyramide sociale, des hommes se donnent à d'autres plus puissants, dont ils sont les « dévoués » ou les...
  • CHINE - Histoire jusqu'en 1949

    • Écrit par Jean CHESNEAUX, Jacques GERNET
    • 44 594 mots
    • 50 médias
    ...administratives d'origine militaire. D'autre part, l'accroissement du nombre des petits nobles sans ressources et en quête de protecteurs amène le développement des clientèles. Les clients sont le principe de la puissance, source de prestige et de force, car ils sont à la fois hommes d'armes et conseillers. Avec l'avènement...
  • COLOMBIE

    • Écrit par Universalis, Marcel NIEDERGANG, Olivier PISSOAT, Clément THIBAUD
    • 13 648 mots
    • 5 médias
    Le FN renforça un type d'autorité fondé sur le patronage et la cooptation clientéliste des secteurs populaires. Ces réseaux de pouvoir, souvent appuyés sur les liens familiaux, organisaient la sphère économique, notamment au sein des corporations patronales (Association nationale des chefs d'entreprise...
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Voir aussi