Abonnez-vous à Universalis pour 1 euro

CLÉOPÂTRE (69-30 av. J.-C.)

Que Cléopâtre VII, fille de Ptolémée le Flûtiste, rencontre successivement, en 48 avant J.-C. le général Caius Iulius Caesar, âgé de cinquante-quatre ans alors qu'elle n'en avait que vingt et un, puis en 41 avant J.-C. le général Marcus Antonius, « l'enfant colossal », comme l'appelait Ernest Renan, ce sont là aventures sentimentales, péripéties amoureuses. Mais que le fondateur de l'Empire romain, Jules César, s'allie à la reine d'Égypte, Cléopâtre, ou que le triumvir Marc Antoine, rival d'Octave, s'unisse à elle, ce sont des événements. Et que de telles unions aient lieu au crépuscule de la monarchie lagide, à l'aurore de l'Empire romain, c'est un bouleversement de l'histoire du monde antique. Pour comprendre la vie romanesque et trop souvent romancée de la fameuse Cléopâtre, rien ne sert d'évoquer les anecdotes qui en firent le plus merveilleux sujet de drame ou de film. L'important est de comprendre cette rencontre d'ambitions hors de l'ordre commun, en un moment crucial de l'histoire de la monarchie hellénistique ou de l'Empire romain.

Le royaume lagide à l'avènement de Cléopâtre

Les efforts désespérés de Cléopâtre VII pour maintenir intact le royaume lagide ne s'expliquent que replacés dans le cadre de l'Égypte, lors de son accession au trône en mars 51. On a pu dire que « du vieux monde hellénistique l'organisation pompéienne de l'Orient ne laissait subsister que le royaume ptolémaïque ». Mais les Lagides vivent en sursis, menacés par les querelles dynastiques et par les conflits civils romains. L'Égypte, sous les derniers Lagides, décline. Les causes en sont nombreuses : impuissance et dégénérescence morale de ses souverains, désaffection de sa population à l'égard de la dynastie, séparation entre Alexandrie (qui n'est pas dite « en Égypte » mais « près de l'Égypte ») et le reste du pays, centralisation outrancière, complication inefficace de son administration, cupidité insatiable de ses administrateurs. La paralysie du pouvoir s'aggrave en même temps que se multiplient les révoltes indigènes, les rébellions de mercenaires, les intrigues et les complots des hauts fonctionnaires. Chypre, la Cyrénaïque se détachent du royaume lagide. Ptolémée XII est contraint de gagner Rhodes, où Caton lui offre de le ramener par la force dans sa capitale, et cherche chez Pompée, à Rome, un gîte menacé. À l'automne 57, il trouve asile dans le sanctuaire de l'Artémis d'Éphèse avant d'être reconduit en Égypte, au printemps de 55, par le gouverneur de Syrie, A. Gabinius. Massacres, proscriptions, assassinats – dont sa fille Bérénice, usurpatrice du trône, fut la première victime – ne suffisent pas à rendre son autorité au roi fantoche. D'autant plus que les finances royales sont durement éprouvées par les revers de sa politique. Au seul Gabinius, en récompense de son aide, Aulète promet la somme énorme de dix mille talents et, incapable de les payer, lui offre la charge de diœcète (ministre des Finances) pour récupérer cette somme aux dépens de la population égyptienne. Le diœcète de fortune ayant été emprisonné par le roi, mais s'étant évadé et ayant gagné Rome, Cicéron n'hésita pas à plaider une cause indéfendable et composa pour lui le Pro Rabirio, qui demeure une source d'importance sur ce règne misérable.

En vain le roi multiplie-t-il les donations et les exemptions d'impôts en faveur du clergé ou des hauts fonctionnaires. Les révoltes indigènes, endémiques, battent leur plein, et le roi ne doit sa sécurité qu'à la présence des gardes de Gabinius. Ces troupes romaines, comme l'écrit Jérôme Carcopino, « inauguraient, sans l'exprimer, le protectorat effectif de Rome sur le royaume ptolémaïque ». En outre, le mécontentement[...]

La suite de cet article est accessible aux abonnés

  • Des contenus variés, complets et fiables
  • Accessible sur tous les écrans
  • Pas de publicité

Découvrez nos offres

Déjà abonné ? Se connecter

Écrit par

  • : professeur à la faculté des lettres et sciences humaines de Dijon

Classification

Pour citer cet article

André BERNAND. CLÉOPÂTRE (69-30 av. J.-C.) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Autres références

  • ACTIUM BATAILLE D' (31 av. J.-C.)

    • Écrit par Xavier LAPRAY
    • 254 mots
    • 1 média

    La bataille d'Actium met un terme à un siècle d'affrontements intérieurs qui ont déchiré la République romaine, et permet au vainqueur de fonder un nouveau régime, l'Empire.

    Depuis l'assassinat de César, en — 44, deux hommes prétendent recueillir l'héritage politique...

  • ANTOINE ou MARC ANTOINE, lat. MARCUS ANTONIUS (83-30 av. J.-C.)

    • Écrit par Joël SCHMIDT
    • 667 mots

    Marc Antoine, général et homme politique des dernières années de la République romaine, est resté dans l'histoire comme le fidèle lieutenant de Jules César, qui tomba amoureux de la reine d'Égypte Cléopâtre et fut vaincu par Octave (futur empereur Auguste) à la bataille d'Actium...

  • ÉGYPTE ANTIQUE (Histoire) - L'Égypte ptolémaïque

    • Écrit par André BERNAND
    • 3 470 mots
    • 1 média
    ...Diodore, la reine avait plus de pouvoir et était plus respectée que le roi. La plus originale de ces reines lagides devait être, sans conteste, l'illustre Cléopâtre VII, fille de Ptolémée XII Néos Dionysos Aulète, épouse de César puis de Marc Antoine, dernière souveraine de l'Égypte ptolémaïque....
  • PTOLÉMÉE XIII THEOS PHILOPATOR (61-47 av. J.-C.) roi d'Égypte (51-47 av. J.-C.)

    • Écrit par Universalis
    • 442 mots

    Roi d'Égypte (51-47), né vers 61 av. J.-C., mort en 47 av. J.-C. près d'Alexandrie.

    Fils de Ptolémée XII Aulète, le Macédonien Ptolémée XIII Theos Philopator est nommé roi d'Égypte conjointement à son illustre sœur, Cléopâtre VII, après la mort de leur père en 51. En 49, le jeune Ptolémée,...

Voir aussi