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CIMABUE (1250 env.-env. 1302)

Cimabue, de son vrai nom Cenni di Pepo, est documenté de 1272 à 1302. Au chant XI du Purgatoire, Dante, évoquant le changement des générations, le met ainsi en scène : “Il avait cru tenir le champ, et maintenant Giotto a la faveur” (vers 94-96). Vasari ouvre avec lui la série de ses Vies des peintres et des sculpteurs illustres : “Cimabue, écrit-il, fut en quelque sorte la cause initiale du renouvellement de la peinture.” À un peu plus de deux siècles d'intervalle, ces deux jugements ont l'avantage de cerner les difficultés qui entourent cet artiste, dans sa vie comme dans son œuvre. D'une part, on lui attribue le renouveau de l'art de peindre en Italie ; d'autre part, on reconnaît son rapide dépassement par Giotto. C'est entre ces deux pôles, qui, à vrai dire, ne sont pas aussi contradictoires qu'il y paraît, que s'esquisse un peu par défaut la biographie du peintre.

Une biographie lacunaire

Les documents sur la vie et l'œuvre de Cimabue ne sont pas nombreux, et souvent décevants quand ils existent. Nous pouvons en juger par les quelques dates repères dont nous disposons mais qui ne sont pas toutes avérées dans les textes. Vers 1265-1268, Cimabue aurait réalisé un grand crucifix peint sur du bois, pour l'autel de l'église Saint-Dominique à Arezzo. En 1272, il séjournerait à Rome quelque temps, peut-être appelé par les Dominicains avec qui il était en relations : un texte le cite à propos de l'adoption par les moniales de l'ordre de Saint-Pierre Damien de la règle suivie par les Frères prêcheurs du couvent Saint-Sixte. Aurait-il été prié de décorer leur église pour l'occasion ? Nous n'en savons rien. Contrairement à ce qu'on a affirmé, il ne reste à Rome aucune trace de ses activités entre 1272 et 1276, sous le pontificat de Grégoire IX. De plus, les fresques qu'il peint dans le transept de l'église supérieure de la basilique Saint-François, à Assise, ne doivent rien au langage figuratif romain, tel qu'il se développe à peu près au même moment dans l'oratoire du Sancta Sanctorum. En 1272 toujours, il achève de peindre à Florence, dans l'église franciscaine de Santa Croce, le crucifix de bois restauré depuis l'alluvionnement de l'Arno, en 1966, qui le rendit célèbre. En 1277 et en 1278, il travaille à la décoration du transept dans l'église supérieure d'Assise : il se trouve placé à la tête de la première équipe d'artistes italiens, comptant des Romains, avec Jacopo Torriti entre autres, des Siennois, tel Duccio di Buoninsegna, des Florentins aussi, parmi lesquels le Maître d'Isaac qui serait le jeune Giotto di Bondone. Après une brève interruption, une deuxième campagne débute sous sa conduite, en 1279. À partir de cette date, les repères se brouillent : il peindrait une Vierge à l'Enfant, en majesté, pour l'autel de l'église des Servites à Bologne, peut-être en collaboration avec Duccio ; vers 1285, il termine une autre Majesté destinée à l'autel de la Sainte-Trinité, à Florence ; de cette époque doit aussi dater la Majesté aujourd'hui conservée à Turin, dans la collection Sabauda ; il aurait également peint une Majesté pour l'église du couvent Saint-François, à Pise, tandis qu'il aurait peint à fresque à Assise, dans l'église inférieure (une Vierge tenant l'Enfant) et dans l'église de Sainte-Marie-des-Anges (un saint François). En 1301-1302, il est chargé d'une partie de la mosaïque qui décore l'abside du dôme de Pise. Il meurt au cours de l'année 1302. Dans sa carrière, assez longue selon les critères du temps, Cimabue exerça un rôle de premier plan sur de très grands chantiers, tel celui d'Assise, et marqua la génération suivante, notamment Duccio et Giotto.

Crucifix, Cimabue - crédits : De Agostini/ Getty Images

Crucifix, Cimabue

<it>La Vierge, saint François et les anges</it>, Cimabue - crédits : Universal History Archive/ Getty Images

La Vierge, saint François et les anges, Cimabue

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Écrit par

  • : ancien élève de l'École normale supérieure, agrégé de l'Université, ancien membre de l'École française de Rome, professeur d'histoire de l'art médiéval à l'université de Bourgogne

Classification

Pour citer cet article

Daniel RUSSO. CIMABUE (1250 env.-env. 1302) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Médias

Crucifix, Cimabue - crédits : De Agostini/ Getty Images

Crucifix, Cimabue

<it>La Vierge, saint François et les anges</it>, Cimabue - crédits : Universal History Archive/ Getty Images

La Vierge, saint François et les anges, Cimabue

<it>Vierge en Majesté</it>, G. Cimabue - crédits :  Bridgeman Images

Vierge en Majesté, G. Cimabue

Autres références

  • ASSISE

    • Écrit par Marie-Geneviève de LA COSTE-MESSELIÈRE
    • 1 202 mots

    La petite ville aux toits roux, dominant une vallée ouverte sur les horizons clairs de l'Ombrie, est aujourd'hui une cité hors du temps, recueillie dans le souvenir de saint François. Mais Assise avait déjà vécu une longue histoire lorsque apparut le Poverello et, après la mort...

  • DÉCOR DE LA NEF DE LA BASILIQUE SAINT-FRANÇOIS, Assise

    • Écrit par Christophe MOREAU
    • 228 mots
    • 1 média

    Vers la fin du xiiie siècle à Assise l'ordre des franciscains voulait présenter aux yeux du public un cycle imagé retraçant la vie de leur saint fondateur. Ils virent en la personne de Giotto, qui avait déjà travaillé au décor de la basilique saint-François, avec son maître Cimabue...

  • DUCCIO DI BUONINSEGNA (1255 env.-env. 1318)

    • Écrit par Gabriella RÈPACI-COURTOIS
    • 1 374 mots
    • 4 médias
    ...accomplissait en revenant à ses sources hellénistiques, il faut sans doute considérer comme fondamentales dans la formation de Duccio les relations qu'il eut avec Cimabue. Que l'on accepte ou non l'hypothèse d'un rapport entre maître et élève entre les deux artistes et une éventuelle participation de Duccio aux fresques...
  • GIOTTO (1266 env.-1337)

    • Écrit par Daniel RUSSO
    • 3 177 mots
    • 6 médias

    Au chant XI de son Purgatoire, Dante fait dire vers 1320 à Oderisi da Gubbio, enlumineur à Paris, que Giotto avait éclipsé Cimabue, comme en poésie le Florentin Guido Cavalcanti l'avait fait du Bolognais Guido Guinizelli. Pour Boccace, la peinture de Giotto n'égaie pas seulement les yeux...

  • Afficher les 7 références

Voir aussi