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ASSISE

La petite ville aux toits roux, dominant une vallée ouverte sur les horizons clairs de l'Ombrie, est aujourd'hui une cité hors du temps, recueillie dans le souvenir de saint François. Mais Assise avait déjà vécu une longue histoire lorsque apparut le Poverello et, après la mort de celui-ci, elle fut, grâce au culte franciscain, un foyer artistique rayonnant qui vit l'apparition de l'architecture gothique en Ombrie, puis, dans le dernier quart du siècle, l'éclosion de la peinture italienne avec Cimabue et Giotto. Assise n'est donc pas seulement un lieu de pèlerinage particulièrement attachant : elle appartient au passé historique de l'Italie et elle a joué, autour de 1300, un rôle privilégié dans la définition même de son art.

L'histoire d'Assise commence avec celle des Ombriens, groupe ethnique d'origine italique qui, par la suite, donna son nom à la province entière. Ils occupaient la rive gauche du Tibre, face aux Étrusques établis sur la rive droite. Les deux peuples s'unirent pourtant dans une résistance désespérée à la conquête romaine. Après la défaite de Sentino (~ 295), Ombriens et Étrusques deviennent fidèles sujets de leurs vainqueurs. Asisium connaît bientôt une grande prospérité dont témoignent d'importants vestiges antiques : restes de murailles, forum, amphithéâtre, temple de Minerve (dont la cella, transformée au xvie siècle est devenue l'église Santa Maria sopra Minerva).

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Au cours des invasions barbares, les Goths de Totila s'emparent d'Assise et de Pérouse (546). Les Lombards mettent ensuite la cité sous la dépendance du puissant duché qu'ils établissent à Spolète en 569. Assise devient commune libre au xie siècle. Fidèle à l'empereur, elle est en lutte permanente avec Pérouse, ralliée aux Guelfes (le futur saint François est fait prisonnier au cours de l'un de ces affrontements). Puis la ville se soumet au pape. Au xiiie siècle, son activité est déterminée par le développement extraordinaire du culte franciscain. Mais, après 1398, Assise tombe aux mains de différents seigneurs (les Visconti, les Montefeltre, les Sforza), avant de revenir à l'Église, au temps de Pie II. Troublée quelque temps encore par des rivalités et des factions internes, elle entre bientôt dans une sérénité toute franciscaine, rompue seulement, de temps à autre, par le déferlement, alterné ou confondu, des pèlerins et des touristes.

Lorsque, en 1202, Francesco di Bernardone, fils d'un riche marchand d'Assise est emmené en captivité à Pérouse, il a tout juste vingt ans et appartient à la jeunesse dorée de sa ville natale. L'année passée dans les cachots du Campo Battaglia puis la maladie dont il est atteint l'année suivante sont peut-être les premières étapes d'une conversion qu'achève un fait miraculeux : priant dans l'église San Damiano devant un crucifix, il entend la voix du Christ : « François, va restaurer ma maison qui tombe en ruines. » Alors vont se succéder les épisodes devenus légendaires, dont les peintres toscans fixeront l'image merveilleuse : le renoncement à l'héritage familial et le mariage avec dame Pauvreté, l'assemblée des premiers frères à la Portioncule et l'approbation de la règle par le pape Innocent III (1209-1210), les débuts de la prédication franciscaine. En 1212, François accueille sainte Claire à San Damiano où s'établit la première communauté des Clarisses. Il meurt, en 1226, à la Portioncule et son corps est porté triomphalement dans l'église San Giorgio (aujourd'hui Santa Chiara) avant d'être transféré en 1230 dans le sanctuaire dédié à sa gloire.

La basilique San Francesco, d'une monumentalité impressionnante, comporte, sur un soutènement de hautes arcades, deux églises superposées, la première consacrée en 1230, la seconde en 1253. La puissance de leurs structures gothiques est tempérée, à l'intérieur, par un décor de fresques où se sont affirmés, dans le dernier quart du xiiie siècle, les créateurs de la peinture italienne. Déjà, avec Cimabue, qui a travaillé à partir de 1277 (Vierge avec saint François dans l'église inférieure, Crucifixion, Histoire de la Vierge dans l'église supérieure), la tradition byzantine est dépassée par la recherche d'une intensité expressive nouvelle, d'une force et d'une cohérence accrues dans les compositions. Giotto, appelé en 1296, laisse dans la basilique supérieure le premier grand cycle consacré à la vie de saint François, auquel participent d'autres peintres venus, comme lui, de Rome. La monumentalité, la densité des figures s'affirment en même temps que leur individualité, dans un décor où les éléments d'architecture interviennent selon des rythmes linéaires et chromatiques parfaitement maîtrisés. Les émules de Giotto travaillent aussi à l'église inférieure. Mais le décor en sera complété seulement au siècle suivant par deux maîtres de Sienne : Pietro Lorenzetti et Simone Martini qui fera connaître, de Naples à Avignon, le pittoresque délicat du gothique siennois.

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Cette effervescence artistique d'Assise n'est pas née spontanément, ni uniquement, de la dévotion à saint François. Le mouvement créé par son enseignement et par son exemple, le culte dont il a fait l'objet ont cristallisé des aspirations qui ont leur source dans un plus large contexte historique. La rivalité du Sacerdoce et de l'Empire provoque en Italie une prise de conscience « nationale », en même temps qu'une réaction mystique chez des individus à la recherche d'une spiritualité plus intérieure, plus personnelle, celle qu'apporte précisément le message franciscain. La culture gibeline favorise, entre la tradition romane, les courants byzantins, les suggestions du gothique, une synthèse dont le chantier d'Assise permettra la formulation, grâce à l'afflux des artistes attirés par le prestige et l'ampleur de l'entreprise.

Après cette grande période créatrice (durant laquelle s'élève également la basilique de Santa Chiara), les pèlerinages, les jubilés entraînent, au cours des siècles, la rénovation ou l'agrandissement des églises d'Assise : fresques du xive et du xve siècle à Santa Maria Maggiore, remaniement à la cathédrale San Rufino, par Galeazzo Alessi en 1571, à Santa Maria sopra Minerva en 1539 et en 1634, et au couvent de San Francesco (Chiostro Grande en 1476, avec fresques de Dono Doni, Dernière Cène de Solimena, dans le réfectoire), construction de Santa Maria degli Angeli, sur les plans d'Alessi, englobant le petit oratoire de la Portioncule et la cellule où mourut saint François.

Mais ces transformations ont préservé la physionomie d'Assise, et à peine estompé les témoignages d'un éveil artistique et spirituel sans équivalent dans l'histoire de l'Occident.

— Marie-Geneviève de LA COSTE-MESSELIÈRE

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  • MONASTIQUE ARCHITECTURE

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    ...humble et généreuse de la condition humaine. Ce n'est qu'à la fin du xiiie siècle, sous le premier pape franciscain, Nicolas IV (1288-1292), que le franciscanisme dévie vers un art ostentatoire en faisant du chantier d'Assise le point de ralliement des maîtres peintres de Rome et de Florence....
  • TOSCANE

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    ...Sienne, par exemple, à Duccio di Buoninsegna (vers 1260-1318/19), proche de Cimabue, dont la Maestà ouvre l'histoire de l'école siennoise. À Assise, le chantier de la basilique de Saint-François, entrepris en 1228, devient l'un des plus actifs de l'époque gothique : en Ombrie, hors du champ...

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