CHIRURGIE
La révolution chirurgicale
L'anesthésie
En moins d'un demi-siècle, trois découvertes capitales vont profondément transformer l'exercice de la chirurgie. Celle de l'anesthésie à partir de 1846, celle de l'antisepsie à partir de 1867, puis celle de l'asepsie à partir de 1886.
La découverte de l'anesthésie est due à deux dentistes américains. Horace Wells découvre par hasard, sur les tréteaux d'une foire, les propriétés anesthésiantes du protoxyde d'azote utilisé comme « gaz hilarant » pour amuser les foules. W. T. G. Morton, son ancien assistant, étudie pendant ce temps les propriétés anesthésiantes des vapeurs d'éther sulfurique et, le 16 octobre 1846, il endort son premier opéré au Massachusetts General Hospital de Boston. Cette découverte eut immédiatement un retentissement énorme et l'éther fut adopté par les chirurgiens du monde entier qui, la douleur étant vaincue, se crurent autorisés à tenter des opérations plus hardies.
C'est, par exemple, l'apparition de la chirurgie de l'abdomen. Mac Dowell avait montré en 1809 que l'ablation des kystes ovariens était possible, mais, les tentatives ultérieures ayant été malheureuses, l'opération avait été abandonnée. Plusieurs chirurgiens s'y attaquent à peu près en même temps : Spencer Wells à Londres en 1855, Keith à Édimbourg en 1862, Koeberle à Strasbourg en 1862, J. É. Péan à Paris en 1864. Leur succès incite d'autres chirurgiens à suivre cet exemple, et le nombre des opérations dans l'abdomen se multiplie rapidement. On tente en même temps d'enlever l'utérus (hystérectomie), d'intervenir sur l'estomac et sur l'intestin. Mais voici que l'enthousiasme initial est rapidement stoppé. Les opérations restent aussi meurtrières. Les statistiques avouent 50 p. 100, parfois 70 p. 100 de mortalité ; et le succès est assez incertain pour que beaucoup de malades refusent de se faire opérer.
L'antisepsie
On se perd alors en conjectures sur les raisons de ces échecs. On connaît cependant déjà cet « empoisonnement du sang » appelé aujourd'hui septicémie, ou cette infection purulente (pyohémie) disséminant partout des abcès métastatiques. Mais on ne reconnaît pas toujours leur gravité réelle et surtout on ne sait pas les expliquer. On parle d'« inflammation » de la plaie opératoire, d'irritation locale, de poison même. Mais tout cela est vague, et la notion essentielle de « contagion » n'est pas présente. Pas un instant les chirurgiens ne supposent qu'ils apportent eux-mêmes avec leurs mains et leurs instruments les germes responsables de la mort. Car le chirurgien pénétrant en salle d'opération ne change pas d'habit ; il reste en jaquette, col dur, les manches empesées à peine retroussées ; ses aides en font autant. Il dispose de très peu d'instruments, et mène presque toute l'opération avec ses mains, qui manipulent les viscères abdominaux d'autant plus largement que l'éclairage est très médiocre. Pis, il ne se lave pas les mains avant d'opérer ; très fréquemment, il vient de sortir d'une salle de malades où il a manipulé des pansements le plus souvent souillés de pus ; souvent même, il vient de terminer une autopsie, ou une démonstration sur le cadavre ! On ne peut que s'étonner, dans de telles conditions, qu'il remporte quand même des succès opératoires.
Le rôle nocif de la contagion septique avait été pressenti par deux précurseurs : O. W. Holmes de Boston aux États-Unis et I. P. Semmelweis, gynécologue à Vienne (Autriche), mais ils avaient été peu écoutés, sinon tournés en dérision.
Ce n'est pas un médecin, mais un chimiste, Louis Pasteur (1822-1895), qui parvient à montrer que l'air atmosphérique véhicule des germes microbiens[...]
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Écrit par
- Claude d' ALLAINES : chirurgien des Hôpitaux de Paris, professeur à la faculté de médecine
- Jean-Édouard CLOTTEAU : ancien interne des Hôpitaux de Paris, docteur en médecine, chef du service de chirurgie de l'hôpital Henri- Dunant, Paris
- Didier LAVERGNE : docteur en médecine
Classification
Médias
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