CHIRURGIE
La chirurgie moderne
Les pionniers
Les découvertes de l'anesthésie et de l'antisepsie ont permis aux chirurgiens d'opérer sans être arrêtés dans leur action par la douleur et par la redoutable infection postopératoire. La période postérieure à ces deux découvertes est véritablement exaltante pour les chirurgiens. Presque toutes les opérations sont à inventer, et à tenter.
Dès 1890, une pléiade de grands chirurgiens défriche cet immense chantier. Les progrès viennent d'Europe comme d'Amérique du Nord. Souvent les découvertes naissent simultanément de deux, de trois foyers différents. La tâche est telle que l'égoïsme s'estompe devant l'émulation ; chacun s'emploie autant à faire connaître qu'à apprendre. Certains maîtres s'imposent par leur rayonnement et attirent les chirurgiens du monde entier : T. Billroth, E. T. Kocher, Reverdin en Suisse, Bassini en Italie, Terrier en France, Spencer Wells, Paget en Angleterre, Mac Burney, Halsted aux États-Unis, Pirogoff en Russie, mais beaucoup d'autres sont d'égale valeur.
L'essor sera freiné par la Première Guerre mondiale, mais la plupart des techniques opératoires actuelles furent décrites pendant cette brève période de temps. Beaucoup d'entre elles étaient trop audacieuses pour l'époque et firent surtout l'objet de recherches théoriques. Mais les chirurgiens ne craignaient alors ni l'audace ni les responsabilités, ce que justifiait souvent leur grande habileté manuelle.
Leur mérite est immense, car ils durent mettre entièrement au point les conditions de l'acte opératoire. Ce fut d'abord la lutte contre l'infection, qui fut parachevée par la création d'une salle spéciale, où se feront les interventions chirurgicales. Dans cette « salle d'opération », tout doit être désormais méticuleusement propre. Le port d'une blouse blanche et d'une calotte y est indispensable. Une « salle de stérilisation » doit lui être annexée, où l'on nettoie et aseptise le matériel. Un personnel infirmier doit être créé et formé. Des écoles d'infirmières naissent un peu partout dans le monde, sous l'influence de Florence Nightingale (1823-1910).
Il en est de même en ce qui concerne les instruments chirurgicaux. Leur arsenal grossit de jour en jour et il n'est pas de chirurgien qui n'exerce son ingéniosité à créer un nouveau modèle. Chaque spécialité a ses nécessités, chaque chirurgien ses préférences.
Les objets conditionnés en récipient stérile et jetables après usage sont devenus monnaie courante dans le matériel chirurgical. Voilà qui vient compliquer le difficile problème de l'élimination des résidus médico-chirurgicaux que tout hôpital (ou clinique) met chaque jour en circulation.
Mais, à trop vouloir être audacieux, les chirurgiens s'aperçoivent, au prix de durs échecs, que leurs possibilités sont plus limitées qu'ils ne le pensaient. En effet, la technique opératoire prime tout. Le futur chirurgien est formé en vue de la technique : il doit connaître à fond l'anatomie et répéter sur le cadavre pendant plusieurs années les interventions qu'il sera appelé à faire. Les conséquences en sont parfois funestes. L'audacieux chirurgien qui enlève un corps thyroïde, ou les deux ovaires, ne sait pas encore qu'il va transformer son opéré en myxœdémateux boursouflé ou en maritorne travaillée par des bouffées de chaleur : à ses dépens, la physiologie lui donne là de dures leçons. Car il s'inquiète peu des réactions physiopathologiques de son malade à l'opération ; à ses yeux, l'acte opératoire résume son rôle : le dernier point de suture terminé, il se redresse en se disant que l'opération a réussi et que son malade est guéri. On ne saurait aujourd'hui se satisfaire de ce succès purement technique.[...]
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Écrit par
- Claude d' ALLAINES : chirurgien des Hôpitaux de Paris, professeur à la faculté de médecine
- Jean-Édouard CLOTTEAU : ancien interne des Hôpitaux de Paris, docteur en médecine, chef du service de chirurgie de l'hôpital Henri- Dunant, Paris
- Didier LAVERGNE : docteur en médecine
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