CHINOISE (CIVILISATION) La médecine en Chine
- 1. Maladies et thérapeutiques dans l'Antiquité chinoise : du modèle explicatif divin aux lois de la nature
- 2. « Yin », « Yang », « Wuxing », naissance d'une cosmologie liant l'homme à l'univers
- 3. Les fondements de la médecine des correspondances systématiques (Qin, Han)
- 4. Des fondements aux diverses traditions savantes
- 5. Les pratiques chamaniques, religieuses et rituelles
- 6. Médecine occidentale et médecine chinoise : d'un régime de tolérance vers un régime de compétition et de la nécessité de se définir
- 7. Bibliographie
Des fondements aux diverses traditions savantes
Résurgence de la maladie démoniaque : incantations et charmes au sein du curriculum médical officiel
Les conceptions du corps, de la maladie et des traitements élaborées au début de l'empire vont imprégner durablement la médecine chinoise. Mais elles ne constituent pas un système définitivement clos. D'abord, à la fin des Han et au cours des Six Dynasties (220-589), lorsque s'effondrent l'empire et le confucianisme, le taoïsme et le bouddhisme font de plus en plus d'adeptes. L'idée que les maladies sont envoyées comme châtiments par des puissances divines sous la forme de démons épidémiques gagne du terrain. Ainsi refait surface la notion de maladie démoniaque et, avec elle, toutes les pratiques d'exorcisme, comme en témoigne par exemple le traité des Prescriptions valant mille pièces d'or de Sun Simiao (581-682), un médecin proche de la cour, qui réserve deux chapitres aux incantations. En fait, la suspicion de démons pathogènes perdure tout au long de l'histoire de la médecine. Les pratiques censées les dompter, charmes et incantations, sont par ailleurs hissées au rang de discipline officielle dans le cursus médical impérial défini par le Bureau impérial de médecine, depuis sa fondation sous la dynastie des Sui (581-618) jusqu'à la fin des Ming (1368-1644). Ainsi, l'émergence du paradigme Yin-Yang-Wuxing n'a pas mis un terme définitif au modèle explicatif divin qui, nous y reviendrons, sera, tout au long de l'histoire chinoise, au cœur de pratiques préventives et curatives extrêmement répandues.
Innovations, transformations : exemple de la thérapeutique et de l'étiologie
Par ailleurs, la médecine des correspondances systématiques façonnée au début de l'empire n'est pas restée étanche aux changements politiques, sociaux et intellectuels qui avaient cours en Chine. Le taoïsme et le bouddhisme qui, pendant six siècles, remplacent le confucianisme comme pensée officielle, puis le rapprochement des trois doctrines en ce que l'usage appelle le néo-confucianisme des Song, ont apporté des changements à ce corpus de doctrines et de pratiques. Du taoïsme, par exemple, la médecine des correspondances systématiques reprend non seulement les pratiques incantatoires mais aussi la pharmacopée. Ainsi, la science des remèdes qui avait été exclue des textes fondateurs et s'était, au cours du Ier millénaire, essentiellement développée dans les milieux taoïstes est réintégrée dans la médecine des correspondances par le truchement d'une réinterprétation de son fonctionnement. On doit à quelques théoriciens des Song (960-1271) et des Yuan (1271-1368) le développement d'une pharmacologie entièrement fondée sur le paradigme des correspondances systématiques. Jusqu'alors, il était convenu qu'une plante, un minéral ou une partie d'animal possédaient une qualité thermique et une saveur particulière permettant de soigner ou d'alléger des symptômes précis. Le raisonnement qui s'élabore à partir des Song et qui s'attache à comprendre le fonctionnement des remèdes est le suivant : les remèdes, dotés de qualités thermiques et de saveurs précises, plus ou moins Yin et Yang et correspondant à l'un des Cinq Agents, développent, une fois qu'ils sont absorbés, des propriétés particulières – purgatives, pénétrantes, réchauffantes, dissipantes, etc. – elles-mêmes en correspondance avec les Cinq Agents et donc capables, en modifiant la dynamique interne, d'agir sur les symptômes des maladies. Cette réinterprétation des drogues qui offre un cadre théorique légitime aux observations empiriques et au pragmatisme des praticiens va donner une place de premier choix à la phytothérapie au cours du IIe millénaire. Dès la fin du xvie siècle, les traités de[...]
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- 2. « Yin », « Yang », « Wuxing », naissance d'une cosmologie liant l'homme à l'univers
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- 4. Des fondements aux diverses traditions savantes
- 5. Les pratiques chamaniques, religieuses et rituelles
- 6. Médecine occidentale et médecine chinoise : d'un régime de tolérance vers un régime de compétition et de la nécessité de se définir
- 7. Bibliographie
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Écrit par
- Florence BRETELLE-ESTABLET : chargée de recherche au CNRS, REHSEIS, Laboratoire SPHERE, CNRS, UMR 7219, université de Paris-VII-Denis-Diderot
Classification
. In Encyclopædia Universalis []. Disponible sur : (consulté le )
Médias
Autres références
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ASTRONOMIE
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...comme l'extension d'un monde chinois qui trouve son foyer originel dans le bassin moyen du fleuve Jaune dès le IIe millénaire avant J.-C. Plus largement, la Chine se veut le foyer de civilisation de l'Asie orientale dans la mesure où elle était elle-même l'ensemble du monde, « tout ce qui était sous le... - Afficher les 10 références
Voir aussi
- POULS ARTÉRIEL
- PHARMACOPÉE
- WU XING [WOU HING]
- QI [K'I]
- COSMOLOGIES, philosophie
- MALADIE
- CHINOISE PENSÉE
- RITUELS DE LA CHINE
- MÉDECINE CHINOISE
- PHYTOTHÉRAPIE
- ZOU YAN (305 env. -240 env. av. J.-C.)
- NANJING, médecine chinoise
- CANAL ou MÉRIDIEN, médecine chinoise
- ZANG, médecine chinoise
- FU, médecine chinoise