Abonnez-vous à Universalis pour 1 euro

TAVERNIER BERTRAND (1941-2021)

Guerres intestines

Les films situés dans le monde contemporain s'attachent à décrire également les conflits de pouvoir qui innervent le tissu social, sans toujours échapper aux pièges du didactisme moralisateur : une association de locataires qui s’oppose à des promoteurs immobiliers (Des enfants gâtés, 1977) ; une enseignante de collège prise de doute (comme tous les personnages positifs de Tavernier) face à des élèves passifs ou en situation de refus (Une semaine de vacances, 1980), mais qui ne baissera pas les bras, tout comme Lulu, le policier de L. 627 (1992), en lutte contre les trafiquants de drogue avec des moyens dérisoires. L'Appât (1995), inspiré d'un fait-divers, formule le problème en choisissant le point de vue des délinquants qui volent et tuent en toute inconscience, fascinés par la réussite facile et ses signes extérieurs que diffuse un certain cinéma américain... La caméra, à la fois vive et fluide, épouse le comportement somnambulique de ces « jeunes », sans repères ni culture, incapables de situer ce qu'ils voient dans une perspective morale, idéologique ou historique, plaçant le spectateur dans un état de malaise constant.

À l'opposé, plus calmes, plus intimes sont Un dimanche à la campagne (1984) et Daddy Nostalgie (1990), centrés sur la famille et les retrouvailles d'un père avec sa fille, films pudiques, d'une sensibilité à fleur de peau, d'une grande beauté plastique – le premier surtout, dont le héros est un peintre en marge de l'impressionnisme. Autour de minuit (Round Midnight, 1986), magnifique évocation d'un saxophoniste de jazz miné par l'alcool et la drogue (inspiré de Lester Young et de Bud Powell), hommage de Tavernier à la musique qui a marqué son adolescence et le meilleur de son cinéma, n’en est pas très éloigné. Dans ces trois films, la tendresse tente d’équilibrer l’approche inéluctable de la mort ou la tentation de la déchéance. Dans

Ça commence aujourd'hui (1999), un directeur d'école d'une petite ville du Nord, proche de Valenciennes-Anzin s’efforce d’aider une famille plongée dans la plus profonde détresse matérielle et morale, au cœur d’une région sinistrée par l’effondrement de l’économie locale. Un drame éclate... « Ce n’est qu’un début... », suggère le film, d’un militantisme parfois appuyé, mais sauvé par l’interprétation de Philippe Torreton et Maria Pitarresi.

La suite de cet article est accessible aux abonnés

  • Des contenus variés, complets et fiables
  • Accessible sur tous les écrans
  • Pas de publicité

Découvrez nos offres

Déjà abonné ? Se connecter

Écrit par

  • : critique et historien de cinéma, chargé de cours à l'université de Paris-VIII, directeur de collection aux Cahiers du cinéma
  • Universalis : services rédactionnels de l'Encyclopædia Universalis

Classification

Pour citer cet article

Universalis et Joël MAGNY. TAVERNIER BERTRAND (1941-2021) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Médias

Bertrand Tavernier - crédits : Paradis Films / Everett/ Aurimages

Bertrand Tavernier

Bertrand Tavernier - crédits : Frederic Souloy/ Gamma-Rapho/ Getty Images

Bertrand Tavernier

<it>La Vie et rien d'autre</it>, B. Tavernier - crédits : Hachette Première, AB Films/ Mary Evans/ Aurimages

La Vie et rien d'autre, B. Tavernier

Autres références

  • LAISSEZ-PASSER (B. Tavernier)

    • Écrit par Jean-Pierre JEANCOLAS
    • 944 mots

    La sortie de Laissez-passer, dix-huitième film de fiction de Bertrand Tavernier, a été, aux premiers jours de 2002, l'occasion d'un vif affrontement au sein de la critique française. C'était moins le contenu du film qui motivait l'ire, voire le mépris, des héritiers autoproclamés...

  • VOYAGE À TRAVERS LE CINÉMA FRANÇAIS (B. Tavernier)

    • Écrit par Norbert CZARNY
    • 1 157 mots
    • 1 média

    Tout commence à Lyon. Enfant, Bertrand Tavernier assiste à la libération de sa ville natale. Son père, fondateur de la revue de poésie Confluences, a caché Aragon, dont il a aussi publié certains textes. Un fait qui ne sera pas sans incidences. Placé en sanatorium, Bertrand Tavernier voit son...

  • AURENCHE JEAN (1904-1992)

    • Écrit par Michel DANSEL
    • 488 mots

    Curieux itinéraire que celui de cet écrivain de cinéma, né le 11 septembre 1904 à Pierrelatte (Drôme). Élevé chez les jésuites, il n'éprouve guère de penchants pour la casuistique. Après un passage comme aide-régisseur chez Charles Dullin, il est embauché dans une agence de publicité, où il travaille...

  • INSTITUT LUMIÈRE

    • Écrit par Philippe ROUYER
    • 976 mots
    • 2 médias
    ...maîtresse de la Fondation nationale de la photographie, inaugurée la même année 1978 au sein de la villa. En 1982, grâce au soutien du réalisateur lyonnais Bertrand Tavernier qui en sera le premier président jusqu’à sa mort en 2021, l’Institut Lumière est créé dans le même bâtiment. Bernard Chardère, son directeur,...
  • NOIRET PHILIPPE (1930-2006)

    • Écrit par Raymond CHIRAT
    • 772 mots
    • 1 média

    Philippe Noiret est né à Lille le 1er octobre 1930. Le théâtre l'attire dès sa jeunesse. Bien conseillé, il s'affirme rapidement. Acteur de belle stature, passionné par son travail, il explore le monde de la scène avec la plus éclectique curiosité. Il est et restera d'une sincère modestie,...

Voir aussi