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TAVERNIER BERTRAND (1941-2021)

Bertrand Tavernier - crédits : Frederic Souloy/ Gamma-Rapho/ Getty Images

Bertrand Tavernier

Il n'y a ni retour à la tradition de la qualité ni avant-gardisme dans le cinéma très populaire de Bertrand Tavernier, que les Anglo-Saxons qualifient de « nouveau traditionaliste », et pour qui chaque film est un défi à relever. Sa personnalité déborde la réalisation, d’abord sur le plan de la cinéphilie avec des publications (50 Ans de cinéma américain, Amis américains, ou sur Michael Powell), ainsi qu’à travers son soutien appuyé à l’Institut Lumière de Lyon dont il fut le président. On connaît aussi son engagement politique, contre le sida, les mines antipersonnel, les lois Pasqua-Debré sur l’immigration, la « double peine » appliquée à certains étrangers condamnés en France (ce qui l'amène à réaliser, pour la télévision, avec son fils Niels, De l'autre côté du périphérique en 1997 et Histoires de vies brisées : Les « double peine » de Lyon en 2001).

Né à Lyon le 25 avril 1941, mort à Sainte-Maxime le 25 mars 2021, Bertrand Tavernier est le fils de l'écrivain René Tavernier qui, sous l'Occupation, publia, dans sa revue Confluences, Aragon, Michaux, Giraudoux… De cette ville, le cinéaste fera le décor de son premier long-métrage, L’Horloger de Saint-Paul (1974), et lui consacrera un documentaire, Lyon, le regard intérieur (1988). Il est passionné par le cinéma dès l'âge de douze ans. Étudiant en droit à Paris, il fréquente la Cinémathèque et fonde en 1961 un ciné-club,le Nickel-Odéon. Son érudition le pousse vers les genres méprisés (péplums, films de cape et d'épée, mélodrames) ou les cinéastes de série B négligés, avec une prédilection pour les victimes du maccarthysme. Dès 1960 il collabore aux revues les plus opposées, Positif et Les Cahiers du cinémanotamment.

Assistant de Jean-Pierre Melville, réalisateur de deux sketches en 1962-1963, attaché de presse persuasif, il fait appel, pour L'Horloger de Saint-Paul, d'après Georges Simenon, aux deux scénaristes les plus vilipendés par le jeune Truffaut, Jean Aurenche et Pierre Bost. Réalisé grâce au soutien de Philippe Noiret, qui entame ici une fructueuse collaboration avec le réalisateur, le film conte la tentative d'un père, de gauche mais embourgeoisé, pour regagner l'estime de son fils qui a tué le responsable d'une milice patronale.

Le présent au miroir du passé

Les films historiques de Tavernier ne visent pas seulement à l'exploration du passé mais l'utilisent pour parler des problèmes d'aujourd'hui. Évocation du temps de la Régence, Que la fête commence (1975) décrit la décomposition de la société française sous Giscard d'Estaing, à une époque de libération des mœurs et d'affairisme. Dans Le Juge et l'assassin, les abus de pouvoir d'un juge à la fin du xixe siècle, la peine de mort, la mise en question de la justice, de la médecine, de la presse comme de l'Église demeurent d'actualité en 1976. Coup de torchon (1981), transposition d'un roman noir de Jim Thompson dans l'Afrique coloniale des années 1930, et La Passion Béatrice (1987), située dans la France médiévale de 1360, évoquent des périodes de transition, quand la violence règne sans partage.

<it>La Vie et rien d'autre</it>, B. Tavernier - crédits : Hachette Première, AB Films/ Mary Evans/ Aurimages

La Vie et rien d'autre, B. Tavernier

La guerre est toujours abordée à travers ses conséquences ou ses aberrations. La guerre d'Algérie, « guerre occultée », est racontée, dans le documentaire La Guerre sans nom (en collaboration avec Patrick Rotman, 1992), du point de vue des appelés. Dans La Vie et rien d'autre (1989), Tavernier choisit d'évoquer la rencontre, en 1920, d'une jeune femme qui, après la Première Guerre mondiale, recherche son fiancé parmi les 350 000 morts et disparus et d'un officier chargé d'identifier ceux-ci. En marge encore de la Grande Guerre, dans les Balkans après l'armistice, Capitaine Conan (1996) évoque deux victimes de la violence[...]

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Écrit par

  • : critique et historien de cinéma, chargé de cours à l'université de Paris-VIII, directeur de collection aux Cahiers du cinéma
  • Universalis : services rédactionnels de l'Encyclopædia Universalis

Classification

Pour citer cet article

Universalis et Joël MAGNY. TAVERNIER BERTRAND (1941-2021) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Médias

Bertrand Tavernier - crédits : Paradis Films / Everett/ Aurimages

Bertrand Tavernier

Bertrand Tavernier - crédits : Frederic Souloy/ Gamma-Rapho/ Getty Images

Bertrand Tavernier

<it>La Vie et rien d'autre</it>, B. Tavernier - crédits : Hachette Première, AB Films/ Mary Evans/ Aurimages

La Vie et rien d'autre, B. Tavernier

Autres références

  • LAISSEZ-PASSER (B. Tavernier)

    • Écrit par Jean-Pierre JEANCOLAS
    • 944 mots

    La sortie de Laissez-passer, dix-huitième film de fiction de Bertrand Tavernier, a été, aux premiers jours de 2002, l'occasion d'un vif affrontement au sein de la critique française. C'était moins le contenu du film qui motivait l'ire, voire le mépris, des héritiers autoproclamés...

  • VOYAGE À TRAVERS LE CINÉMA FRANÇAIS (B. Tavernier)

    • Écrit par Norbert CZARNY
    • 1 157 mots
    • 1 média

    Tout commence à Lyon. Enfant, Bertrand Tavernier assiste à la libération de sa ville natale. Son père, fondateur de la revue de poésie Confluences, a caché Aragon, dont il a aussi publié certains textes. Un fait qui ne sera pas sans incidences. Placé en sanatorium, Bertrand Tavernier voit son...

  • AURENCHE JEAN (1904-1992)

    • Écrit par Michel DANSEL
    • 488 mots

    Curieux itinéraire que celui de cet écrivain de cinéma, né le 11 septembre 1904 à Pierrelatte (Drôme). Élevé chez les jésuites, il n'éprouve guère de penchants pour la casuistique. Après un passage comme aide-régisseur chez Charles Dullin, il est embauché dans une agence de publicité, où il travaille...

  • INSTITUT LUMIÈRE

    • Écrit par Philippe ROUYER
    • 976 mots
    • 2 médias
    ...maîtresse de la Fondation nationale de la photographie, inaugurée la même année 1978 au sein de la villa. En 1982, grâce au soutien du réalisateur lyonnais Bertrand Tavernier qui en sera le premier président jusqu’à sa mort en 2021, l’Institut Lumière est créé dans le même bâtiment. Bernard Chardère, son directeur,...
  • NOIRET PHILIPPE (1930-2006)

    • Écrit par Raymond CHIRAT
    • 772 mots
    • 1 média

    Philippe Noiret est né à Lille le 1er octobre 1930. Le théâtre l'attire dès sa jeunesse. Bien conseillé, il s'affirme rapidement. Acteur de belle stature, passionné par son travail, il explore le monde de la scène avec la plus éclectique curiosité. Il est et restera d'une sincère modestie,...

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