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AUTOPORTRAIT, peinture

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Aberrations

Parmesan montrant son image déformée dans un miroir convexe (1524, Kunsthistorisches Museum, Vienne) ou Michel-Ange donnant ses traits à la dépouille dérisoire de saint Barthélemy dans le Jugement dernier de la chapelle Sixtine (1536-1541), amusements d'artistes pour qui le bizarre est une composante esthétique essentielle, ou bien méditation sur la vanité des apparences et de la chair ? L'un et l'autre sans doute. Parfois, l'allusion est plus directe : Hans Burgkmair en 1529, Johann Zoffany en 1776, Lovis Corinth en 1896 se portraiturent en compagnie d'un squelette : l'autoportrait n'est-il pas dans ce cas une façon de transiger avec l'irrémédiable ? À moins qu'il ne s'agisse plutôt de donner le ton d'un œuvre (Arnold Böcklin, 1872, Nationalgalerie, Berlin). Le thème métaphorique du reflet dans le miroir est plus morbide encore, qui met l'accent sur la fragilité de l'image elle-même (Francis Bacon, 1973, coll. part.). Dans le même ordre d'idées, il arrive que l'autoportrait « fonctionne » comme une sorte de conjuration de la folie visionnaire (par exemple chez H. Füssli, A. J. Carstens, C. D. Friedrich et F. Overbeck) ou du désespoir romantique (Courbet, Le Désespéré, 1843 ?, coll. part.), à moins qu'il ne serve d'exutoire à des fantasmes de mutilation (dans les Judith de Cranach l'Ancien et du Florentin C. Allori, la tête d'Holopherne est un autoportrait), de martyre par identification au Christ (P. Gauguin, Le Christ au jardin des oliviers, 1889, Norton Gallery and School of Art, West Palm Beach, Floride), voire de carnage et de destruction (dans les années 1980, Robert Combas, dans de nombreuses scènes à autoportrait). Mais cette peur récurrente de la folie et de la mort trouve parfois son dépassement dans des images plus sereines : l'Autoportrait du mélancolique Carlo Dolci (1674, Offices, Florence), où l'artiste s'est représenté contemplant un autoportrait de jeunesse, est, par son mélange de cocasserie et de tristesse, l'une des images les plus émouvantes de l'histoire du genre.

— Robert FOHR

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Pour citer cet article

Robert FOHR. AUTOPORTRAIT, peinture [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Article mis en ligne le et modifié le 14/03/2009

Médias

Le moine Eadwine travaillant au manuscrit - crédits :  Bridgeman Images

Le moine Eadwine travaillant au manuscrit

<em>Autoportrait</em>, V. Van Gogh - crédits : Courtesy National Gallery of Art, Washington

Autoportrait, V. Van Gogh

<it>Autoportrait en costume oriental</it>, Rembrandt - crédits : Paris Musées ; CC0

Autoportrait en costume oriental, Rembrandt

Autres références

  • ART (L'art et son objet) - La signature des œuvres d'art

    • Écrit par
    • 1 046 mots
    • 1 média
    ...étrange insistance comme Albert Dürer renouvelant par trois fois l'effet de sa présence au bas de L'Adoration de la Sainte-Trinité, puisque son autoportrait présente un texte gravé (« Albertus Dürer Noricus faciebat ») qui s'achève par le fameux monogramme de l'artiste. Ainsi peut-on rapprocher...
  • AUTOPORTRAIT EN ORIENTAL (Rembrandt)

    • Écrit par
    • 281 mots
    • 1 média

    Rembrandt (1606-1669) est, dans l'histoire de la peinture occidentale, l'artiste qui s'est le plus représenté. Comme beaucoup de peintres, il s'est figuré dans des scènes religieuses ou historiques (son premier autoportrait daté est de 1626), et il continuera un certain temps dans cette veine, ainsi...

  • AUTOPORTRAITS DE REMBRANDT - (repères chronologiques)

    • Écrit par
    • 445 mots

    1606 Naissance de Rembrandt.

    1626 Rembrandt se peint dans un Tableau d'histoire (La Clémence de Charles Quint ?) Stedelijk Museum De Lakenhal, Leyde).

    1627-1630 Autoportraits peints, dessinés ou gravés centrés sur l'expression du visage (tronie).

    1631 Autoportrait en costume oriental...

  • BACON FRANCIS (1909-1992)

    • Écrit par
    • 1 576 mots
    • 1 média
    ...y retrouve toujours les mêmes modèles familiers : Lucien Freud, George Dyer, Isabel Rawthorne, Henrietta Moraes, et l'artiste lui-même dans la suite d' autoportraits de 1971-1972. Traquée d'année en année au fil de la mémoire, l'image se situe au-delà de l'apparence physique. C'est ce que Bacon appelle...
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