ASES
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Dans la mythologie du Nord, on appelle Ases les membres d'une des deux grandes familles de dieux (godh ou gudh), l'autre étant celle des Vanes, tous ces dieux s'opposant aux géants, nains, elfes et autres créatures surnaturelles. À l'exception de Njördhr, Freyr et Freyja, toutes les grandes divinités nordiques, notamment Odhinn, Tyr, Thórr et Heimdallr sont réputées Ases (masculin singulier áss, pluriel aesir ; féminin singulier ásynja, pluriel ásynjur). Il n'y a pas lieu de s'attarder outre mesure sur la poussière de mythes qui les concernent, sur leur nombre, qui serait de douze, sur leur lieu de séjour, Ásgardhr (Enclos-des-Ases), situé exactement au centre de l'univers. Tous les textes qui se rapportent à eux ont subi trop d'influences pour pouvoir être acceptés sans une sévère critique ; du reste, ces dieux appartiennent bien à l'héritage indo-européen.
Statuette du dieu Thor. Fils d'Odin et de Jodr, Thor le guerrier est le maître de la foudre et le tueur des géants. Garant de la fertilité, il est surtout vénéré par les populations rurales. Statuette en bronze, 6-7 cm de hauteur, 1000 après J.-C. Musée national de Reykjavik, Islande.
Crédits : Werner Forman/ Corbis
Leur nom n'a pas reçu d'élucidation décisive. Áss pourrait provenir d'un ancien ansur, et Jordanes note que les Goths adoraient une sorte de demi-dieu, Anses. Mais l'évhémérisme n'est pas plus satisfaisant ici que vis-à-vis des théories de Snorri Sturluson, qui fait venir les Ases d'Asie, « à cause, dit-il explicitement, de leur nom ». On a voulu aussi faire dériver áss du germanique commun ansu-, qui désignerait une poutre, parce que les images des dieux auraient été traditionnellement sculptées dans le bois. Cette explication est franchement insuffisante. Le plus tentant paraît être de les raccorder à un thème indo-européen, ansu, que l'on retrouve dans le gothique us-anan (en sanskrit asu) et qui correspondrait approximativement au latin anima. Le terme exprimerait alors l'idée de vie, d'existence active, de vitalité. Cette théorie est séduisante. Hommes d'action, admirant la force et tenus, par les conditions du milieu naturel dans lequel ils vivaient, à dépenser beaucoup d'énergie et de courage, les Germains devaient, comme spontanément, vénérer la vitalité et les valeurs agonistiques. Au demeurant, ceux des Ases que l'on peut tenir pour les plus anciens, les plus authentiques peut-être, c'est-à-dire Tyr, Ullr, Thórr et peut-être Heimdallr, sont essentiellement des êtres de mouvement et d'action, non des déités de la contemplation, de la méditation ou du plaisir, tandis que la fertilité ou la fécondité sont l'apanage, initialement au moins, des Vanes.
On peut donc admettre que, si comme il est probable les Ases ne sont pas des divinités autochtones (sur ce point, il est à peu près impossible de rien avancer de certain), ils représenteraient peut-être en effet un apport venu du Proche-Orient et seraient les dieux ou les chefs de ces peuplades de guerriers maniant la hache de guerre qui ont déferlé sur le Nord au plus tard vers ~ 2000 et que dépeignent à l'envi les gravures rupestres de l'âge du bronze scandinave (~ 1500 à ~ 400). Ou bien, s'il faut malgré tout faire droit aux affirmations de Snorri Sturluson dans son Ynglinga Saga ou à celles de l'inconnu qui a rédigé le prologue à l'Edda en prose du même auteur, les Ases seraient des déités aristocratiques qui se seraient implantées dans le Nord après la soumission des populations indigènes. En ce cas, il faudrait donner raison aussi à Jordanes.
Un détail intéressant pourrait étayer cette théorie. On connaît une demi-douzaine de récits, les uns allusifs, les autres fort explicites, d'une terrible bataille qui se serait livrée entre Ases et Vanes et qui n'aurait pas été conclue par la victoire décisive d'un camp sur l'autre. Les deux familles de dieux auraient dû composer, échanger des otages, et auraient fini par vivre en bonne intelligence. Les causes de cette conflagration, qui a dû être mémorable, à en juger par les échos qu'elle a laissés et quelque obscure que soit leur interprétation, sont diverses : cupidité peut-être ou parjure — crime inexpiable dans cet univers. On peut alors supposer que les peuplades guerrières en question auraient été amenées, après une opposition violente sans résultat décisif, à pactiser avec les populations autochtones d'agriculteurs qui avaient une vision de la vie plus plébéienne et matérialiste. Mais les explications « historiques » de ce genre sont souvent contestables, et il semble bien que les premiers occupants du Nord, chasseurs [...]
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Écrit par :
- Régis BOYER : professeur émérite (langues, littératures et civilisation scandinaves) à l'université de Paris-IV-Sorbonne
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Pour citer l’article
Régis BOYER, « ASES », Encyclopædia Universalis [en ligne], consulté le 29 juin 2022. URL : https://www.universalis.fr/encyclopedie/ases/