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FRIGG

À propos de Frigg, divinité du panthéon nordique, il faut d'abord remarquer qu'elle semble être la seule déesse qui ait été connue et vénérée de toutes les peuplades germaniques. Le vendredi (allemand, Freitag ; anglais, Friday ; suédois, Fredag) lui est consacré, tout comme il l'était dans le monde romain à Vénus, avec laquelle Frigg a plusieurs traits communs. Il existait chez les Lombards une tradition qui rappelle de façon frappante l'introduction en prose composée par Snorri Sturluson (sans doute) pour présenter le Grímnismál, dans son Edda, et où Frigg joue un rôle important. On doit admettre ensuite qu'il est extrêmement difficile de cerner le visage de cette déesse parce que, pour des raisons de paronymie sans doute, mais aussi vraisemblablement pour des motifs d'identité profonde de nature, elle a été de plus en plus confondue avec Freyja, dont le culte a pris dans le Nord une importance croissante avec les siècles. À ce titre, elle devint, si elle ne le fut de toujours, déesse de l'érotisme, plus ou moins incestueuse : elle aurait épousé les frères de son mari (Ódhinn), Vili et Vé, et été si infidèle qu'Ódhinn l'abandonna pour un temps. Selon un mythe des plus obscurs, elle aurait épousé alors un personnage énigmatique, Mithtotyn. C'est certainement cette confusion avec Freyja qui explique qu'elle paraisse assez peu dans le culte et la toponymie ; mais on ne peut en tirer de conclusions tranchées.

L'importance de Frigg a dû en effet être capitale aux origines. Tout un faisceau de mythes ou de précisions données au détour d'un texte laisse entendre qu'elle a joué un rôle de premier plan. Dans l'Edda, elle est l'épouse d'Ódhinn et la mère de Baldr, le dieu bon et beau qui représente peut-être l'idée de divinité en soi. Non seulement son nom peut signifier la bien-aimée, mais elle est premièrement donnée comme l'épouse et la mère, la protectrice du mariage et de la maternité, avec un luxe de détails et — ce qui est rarissime dans cet univers — sous des traits de tendresse et de sollicitude qui évoquent irrésistiblement l'Ishtar du Proche-Orient.

De plus, les textes disent d'elle que, tout comme Ódhinn, elle connaît les destinées : c'est là la fonction principale des grandes divinités du Nord et, incontestablement, le caractère essentiel de cette religion. Elle est censée habiter Fensalir, les Salles-des-Bourbiers ; or, la religion nordique ancienne vouait un culte particulier aux lieux de ce genre parce qu'ils servaient à la noyade sacrée de prisonniers ou de victimes propitiatoires (humaines ou animales) et ce rite avait valeur augurale et fatidique.

On serait donc tenté de considérer Frigg comme étant l'expression, à une époque qui ne serait pas trop éloignée dans le temps, d'un culte extrêmement ancien pour la Terre-Mère. Ce culte est attesté avec surabondance par les gravures rupestres de l'âge du bronze scandinave (de ~ 1500 à ~ 400) et ne se démentit pas jusqu'aux célèbres Conjurations de Merseburg. D'ailleurs, Thórr, fils d'Ódhinn, est censé avoir pour mère Jördh (littéralement, Terre), encore appelée Fjörgyn (dans la version féminine du mot, Dispensatrice-de-Vie) : l'assimilation de Frigg à ces déités, aux noms peut-être plus récents, est séduisante.

On peut encore penser que Frigg aurait été initialement une divinité stellaire. Dans un dialecte suédois, on trouve, pour désigner le baudrier d'Orion, l'expression friggerocken (manteau ou tunique de Frigg). Néanmoins, on n'a pas d'autres traces certaines d'un culte stellaire dans le Nord antique.

Dans l'état actuel des connaissances, on reste condamné à ne pas savoir de Frigg grand-chose d'autre que la suprématie que lui prêtent assez gratuitement les documents.[...]

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Écrit par

  • : professeur émérite (langues, littératures et civilisation scandinaves) à l'université de Paris-IV-Sorbonne

Classification

Pour citer cet article

Régis BOYER. FRIGG [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Autres références

  • BALDR

    • Écrit par Régis BOYER
    • 999 mots

    Dans le panthéon nordique, le dieu Ase (appelé Baldr) détonne. Fils d'Ódhinn et de Frigg, aimable, pur, équitable, il impressionne par sa douceur, sa sagesse, sa miséricorde et sa serviabilité, toutes qualités qui ne correspondent pas exactement à ce qu'on peut savoir de l'éthique nordique...

  • FREYJA

    • Écrit par Régis BOYER
    • 1 087 mots

    Dans la mythologie du Nord, la déesse Freyja occupe une place centrale, mais il est difficile de cerner exactement sa personnalité : son caractère licencieux explique que les commentateurs du Moyen Âge, qui constituent nos sources principales et qui étaient chrétiens, se soient montrés discrets....

Voir aussi