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RUGE ARNOLD (1802-1880)

Penseur politique allemand. Né à Bergen, Arnold Ruge s'affilie aux mouvements étudiants libéraux (Burchenschaften), est emprisonné pour ses idées de 1824 à 1830, et fonde en 1838, à Halle, avec Echtermayer, les Annales de Halle pour la science et l'art allemands (HallischeJahrbücherfür deutsche Wissenschaftund Kunst, 1838-1841), qui seront le principal organe de la gauche hégélienne. À la suite de l'opposition du gouvernement prussien, la revue est transférée à Dresde et devient les Annales allemandes (Deutsche Jahrbücher, 1841-1843) auxquelles collaborent Strauss, Feuerbach, Bauer et le jeune Marx. Les autorités saxonnes ayant supprimé le journal, Ruge s'établit à Paris et fonde, en 1844, les Annales franco-allemandes (Deutsch-französischeJahrbücher) qui, à la suite de sa rupture avec Marx et de la dispersion de ses collaborateurs, ne dépassera pas le premier numéro. Sans contact avec la gauche française ni avec le milieu des émigrés allemands, Ruge voit son entreprise se solder par un échec. Après une étape à Zurich, il rentre en Allemagne en 1847 et fonde à Francfort le Parti démocrate radical qui le porte, l'année suivante, au parlement. L'échec de la révolution le contraint à s'exiler en Angleterre ; il y sera en rapport avec les animateurs des courants démocratiques en Europe. Devenu bismarckien, il demeure néanmoins outre-Manche jusqu'à la fin de sa vie.

Ses premiers articles et ses premiers livres sont consacrés à l'art : L'Esthétique platonicienne (Die platonischeAesthetik, 1832), Nouvelle Introduction à l'esthétique (Neue Vorschule der Aesthetik. Das Komische, mit einemkomischenAnhange, 1837). Puis Ruge aborde les questions historico-politiques. Se refusant à imiter les « vieux hégéliens » dans leur fidélité aux thèses du maître, Ruge s'est livré, avant Marx, à une critique de la philosophie de l'État de Hegel, a détourné la gauche hégélienne de ses préoccupations religieuses et l'a incitée mettre l'accent sur la réflexion politique. L'erreur de Hegel est à ses yeux d'avoir construit un système a priori et clos, qui aboutit à renforcer les situations existantes et à faire de l'État prussien l'incarnation de l'État idéal. La rationalité du réel ne peut être posée en principe ; elle signifie seulement qu'on doit s'efforcer de rendre progressivement rationnelle la réalité, ce qui implique une praxis, une volonté agissante de modifier constamment le réel, en expurgeant du fait les éléments irrationnels.

Cette interprétation de la formule hégélienne explique que Ruge, après avoir célébré la Prusse comme « l'État de l'intelligence et du bien commun », se retourne contre elle et contre le roi Frédéric-Guillaume IV, qu'il rend coupable de trahir l'esprit de la Réforme et celui des Lumières. Confiant dans une démocratie radicale qui, par le progrès de l'éducation nationale, réaliserait l'égalité, il récuse l'« humanisme unilatéral » de la doctrine socialiste et lui oppose l'« humanisme intégral » de son programme ; ainsi Ruge rompt avec Marx, à partir de 1844, comme en témoignent Deux Années à Paris. Études et souvenirs (ZweiJahre in Paris. StudienundErinnerungen, 2 vol., 1846) et Les Lettres polémiques (Polemische Briefe, 1847). Outre différents ouvrages sur la religion et l'histoire, Ruge a laissé une autobiographie : Souvenirs du temps passé (Ausfrüherer Zeit, 1862-1867) en quatre tomes dont le dernier présente un panorama de l'histoire de la philosophie, depuis Thalès jusqu'à lui-même.

— François BURDEAU

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François BURDEAU. RUGE ARNOLD (1802-1880) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

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