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ANTIMATIÈRE

Antimatière dans l'Univers

Puisqu'on a découvert l'antiparticule associée à chaque particule et vérifié que les antiparticules interagissaient entre elles comme le font les particules, il est certain que tous les antinoyaux et tous les antiatomes ou antimolécules peuvent exister. Le problème est de savoir s'il y a réellement de l'antimatière en abondance dans l'Univers. Les interrogations à ce sujet viennent en fait de la cosmologie, qui est la science qui spécule sur la naissance et l'évolution du monde. Les modèles de cosmologie ont en commun une explosion initiale, le « big bang ». L'énergie libérée s'est matérialisée sous forme de paires quark- antiquark ou lepton-antilepton. Au cours du refroidissement qui a suivi, les quarks ont pu se regrouper trois par trois pour former les nucléons à l'origine de la matière.

Il y a encore quelques années, certaines symétries ou principes de conservation régissant la physique microscopique n'étaient pas remis en cause. C'était le cas, nous l'avons vu, pour la symétrie CP, dont on a découvert qu'elle était en fait légèrement violée. C'était aussi le cas pour la conservation du nombre baryonique, qui implique qu'un quark ne peut apparaître ou disparaître qu'associé à un antiquark ou, si on raisonne de façon plus macroscopique, que la matière ne peut être créée ou détruite que combinée à exactement la même quantité d'antimatière. Dans ces conditions, si les planètes, les étoiles et les galaxies qui nous entourent sont faites de matière, il doit y avoir, peut-être très loin de nous, une masse égale d'antimatière. D'après les observations, on peut exclure qu'il y ait un contact entre de la matière et de l'antimatière dans l'Univers. À la zone de contact, des réactions d'annihilation se produiraient, créant en abondance des mésons π0, qui se désintègrent en deux photons très énergétiques et facilement identifiables. Or aucun signal de ce type n'est perçu dans les détecteurs de rayons « gamma » cosmiques.

La cosmologie moderne propose une autre théorie fondée sur une brisure des symétries fondamentales. Plus précisément, pour obtenir un Univers fait uniquement de matière, il faut réunir trois conditions : l'absence d'équilibre thermodynamique au début de l'Univers, la brisure de la symétrie de renversement du temps et, surtout, la non-conservation du nombre baryonique.

On arrive à concevoir assez facilement que, immédiatement après le big-bang, l'Univers, en pleine évolution, avec la transformation d'énergie en particules, et, surtout, en expansion, soit assez loin de ce qu'on appelle l'équilibre thermodynamique.

La violation de la symétrie de renversement du temps T est concevable à ces très hautes densités d'énergie, car elle a déjà été observée en laboratoire, grâce à des mesures de très haute précision. La violation de T est, en effet, équivalente à celle de CP si l'on croit que la symétrie CPT est exacte.

On reste cependant au niveau des spéculations pour la violation du nombre baryonique. Sous ce vocable se cache la prédiction spectaculaire que la matière serait instable ! Elle pourrait se transformer spontanément en énergie sans avoir besoin de s'annihiler avec de l'antimatière. La violation du nombre baryonique est prédite dans la plupart des théories dites « unifiées », où les forces fortes, faibles et électromagnétiques sont décrites comme les différentes facettes d'une même interaction. Cette unification se produit à une échelle d'énergie de l'ordre de 1015 GeV. Des expériences ont été entreprises pour détecter la désintégration du proton, phénomène certainement rarissime s'il se produit puisque, selon les estimations théoriques, la durée de vie de[...]

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Écrit par

  • : directeur de recherche émérite au CNRS, centre de physique théorique de l'École polytechnique, Palaiseau
  • : professeur à l'université de Grenoble-I-Joseph-Fourier, responsable du groupe de physique théorique de Grenoble

Classification

Pour citer cet article

Bernard PIRE et Jean-Marc RICHARD. ANTIMATIÈRE [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Médias

Électron : spectre d'énergie - crédits : Encyclopædia Universalis France

Électron : spectre d'énergie

Interprétation de Feynman - crédits : Encyclopædia Universalis France

Interprétation de Feynman

Emilio Segrè - crédits : Keystone/ Getty Images

Emilio Segrè

Autres références

  • DÉCOUVERTE DE L'ANTIMATIÈRE

    • Écrit par Bernard PIRE
    • 126 mots
    • 1 média

    Le théoricien britannique Paul Dirac (1902-1984) prédit, en 1931, que, par nécessité de cohérence mathématique, une théorie quantique et relativiste doit associer à toute particule, comme l'électron, un alter ego de charge opposée. Le 2 août 1932, Carl David Anderson photographie,...

  • ANDERSON CARL DAVID (1905-1991)

    • Écrit par Bernard PIRE
    • 554 mots

    Le physicien américain Carl David Anderson est né à New York de parents suédois le 3 septembre 1905. Après des études au California Institute of Technology de Pasadena, il y fait toute sa carrière, jusqu'à sa retraite en 1978. Dans sa thèse de doctorat soutenue en 1930, sous la direction de Robert...

  • ANTIPROTON (DÉCOUVERTE DE L')

    • Écrit par Bernard PIRE
    • 221 mots

    Depuis la découverte, en 1932, par Carl David Anderson, Prix Nobel de physique 1936, des antiélectrons, ou positons, dans les rayons cosmiques, la théorie de l'antimatière due au physicien britannique Paul Dirac (Prix Nobel de physique en 1933) était bien établie. Créer des antiparticules...

  • AXIONS

    • Écrit par Bernard PIRE
    • 2 118 mots
    • 2 médias
    ...symétrie des interactions fortes décrites par une version quelconque de la QCD révèle rapidement une difficulté majeure : la symétrie entre matière et antimatière qu’on observe dans toutes les réactions nucléaires fortes est fortement violée si θ n’est pas strictement nul. Une détermination expérimentale...
  • BLACKETT PATRICK MAYNARD STUART (1897-1974)

    • Écrit par Bernard PIRE
    • 340 mots

    Patrick Maynard Stuart Blackett, né le 18 novembre 1897 à Londres, fut d'abord officier de la Marine britannique, prenant part aux batailles des Falklands et du Jutland pendant la Première Guerre mondiale. Démissionnant de la marine à la fin de la guerre, il suivit les cours d'Ernest...

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Voir aussi