ALGUES

Le paradoxe d'organismes photosynthétiques non apparentés entre eux

Ancienne classification du monde vivant en trois règnes - crédits : Encyclopædia Universalis France — Ancienne classification du monde vivant en trois règnes
Encyclopædia Universalis France

La place des algues actuellement admise dans le monde vivant est en opposition complète avec les visions précédentes qui ont prévalu jusque vers le milieu du xx^e siècle. On classait alors généralement les organismes en bactéries, végétaux et animaux (cf. tableau), trois règnes auxquels s'ajoutaient parfois les champignons et les protistes. Ces classifications ne prenaient pas en compte l'histoire évolutive des organismes et les regroupaient sur la base de certaines caractéristiques communes déclarées arbitrairement plus importantes que d'autres. Ces regroupements se heurtaient à des incohérences difficiles à résoudre. Par exemple, les « algues bleues » (nommées aujourd'hui cyanobactéries) étaient séparées des autres bactéries pour être regroupées dans le règne végétal car, contrairement aux autres bactéries autotrophes (qui réalisent la photosynthèse par un autre procédé), elles possèdent le même type de photosynthèse que les plantes, un mécanisme aboutissant à la production d'oxygène. Des problèmes sans fins se posaient aussi pour décider de la nature « animale » ou « végétale » de certains organismes qui sont à la fois capables d'effectuer la photosynthèse (activité spécifique du règne végétal), de capturer des proies et de se déplacer par leurs propres moyens (deux activités spécifiques du règne animal). La solution avait été de mettre ces organismes dans une case définie par défaut et avec des frontières très variables selon les auteurs : les protistes (ou protoctistes). Les champignons, difficilement attribuables à la case « animaux », quoique ayant les mêmes réserves que les métazoaires (le glycogène que les humains stockent dans le foie), ne semblaient pas plus à leur place dans la case « végétaux ». Ceux qui ressemblaient à des colonies d'amibes ou à certaines algues furent prudemment mis dans la case « protistes » et les autres se virent attribuer leur propre règne (les Fungi ou eumycètes, « champignons vrais »). On multiplia ainsi le nombre des règnes sans beaucoup plus de succès jusqu'à l'apparition, dans les années 1970, de deux nouveaux outils. D'une part, des techniques classificatoires aboutissant à des résultats testables par des méthodes rigoureuses et objectives, et, d'autre part, la possibilité d'établir des liens de parenté en comparant des séquences génétiques ou, depuis 2005 environ, des génomes entiers. Ce second outil s'est révélé très utile pour les organismes difficiles à étudier et à comparer par les méthodes traditionnelles, en particulier les unicellulaires. La synergie de ces deux outils a permis de réétudier sous un angle nouveau les caractères dont on disposait. On a ainsi pu constater, par exemple, que des organismes aussi divers que des végétaux multicellulaires (comme les algues brunes), des microalgues (comme les chrysophycées), des champignons (comme les oomycètes) et de nombreux flagellés unicellulaires non photosynthétiques ont une caractéristique commune : ils possèdent tous (ou leurs cellules reproductrices lorsqu'ils ne sont pas unicellulaires) un flagelle antérieur rendu « plumeux » par la présence, le long de son axe, de structures allongées disposées sur deux rangs. Le caractère « animal » ou « végétal », souvent impossible à trancher, n'est donc plus primordial et les classifications actuelles reconnaissent de nombreux liens de parentés entre des organismes autotrophes et des organismes hétérotrophes (qui utilisent pour se développer de la matière organique obtenue à partir d'autres êtres vivants).

Cyanobactérie : rivulaire (<it>Rivularia bullata</it>) - crédits : B. De Reviers — Cyanobactérie : rivulaire (Rivularia bullata)
B. De Reviers

Algue brune : fucus vésiculeux (<it>Fucus vesiculosus</it>) - crédits : B. De Reviers — Algue brune : fucus vésiculeux (Fucus vesiculosus)
B. De Reviers

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Écrit par

Bruno DE REVIERS : enseignant-chercheur au Muséum national d'histoire naturelle, Paris

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Classification

Pour citer cet article

Bruno DE REVIERS. ALGUES [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

DE REVIERS, B.. ALGUES. Encyclopædia Universalis. (consulté le )

DE REVIERS, Bruno. « ALGUES ». Encyclopædia Universalis. Consulté le .

DE REVIERS, Bruno. « ALGUES ». Encyclopædia Universalis [en ligne], (consulté le )

Médias

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Autres références

AQUACULTURE
- Écrit par Lucien LAUBIER
- 11 440 mots
- 8 médias
Plusde deux cents genres d'algues marines benthiques, correspondant à plusieurs milliers d'espèces, ont été étudiés en vue d'une exploitation. Une quinzaine d'espèces seulement figurent dans les statistiques de la F.A.O. Les différentes utilisations de ces végétaux peuvent être regroupées autour de...
BIOCARBURANTS ou AGROCARBURANTS
- Écrit par Jean-Paul CHARVET, Anthony SIMON
- 6 509 mots
- 10 médias
La troisième génération est fondée sur l’utilisation d’algues (micro-algues ou macro-algues). Sa productivité à l’hectare serait de dix fois supérieure à celle de la première génération.
BIOTECHNOLOGIES
- Écrit par Pierre TAMBOURIN
- 5 368 mots
- 4 médias
...sont déjà utilisées dans différentes activités industrielles et pourraient être modifiées par voie moléculaire. Tel est le cas de polysaccharides issus d'algues (alginate, carraghénanes, etc.) qui servent de stabilisant, gélifiant ou épaississant. Tous ces produits sont omniprésents dans la vie quotidienne...
CARBURANTS POUR L'AVIATION
- Écrit par Paul NASH, Odile PÉTILLON
- 3 244 mots
- 3 médias
– Les micro-algues. Celles-ci se développent plus rapidement que des plantes terrestres, contiennent des quantités intéressantes d'huile et peuvent être cultivées dans des eaux salées ou saumâtres (biocarburants de troisième génération).
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