AIMANTS

Les aimants permanents sont des corps ferromagnétiques qui, une fois aimantés, conservent un certain état magnétique dont l'effet le plus sensible est d'attirer un morceau de fer.

Louis Néel - crédits : Central Press/ Hulton Archives/ getty Images

Louis Néel

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C'est en 1600 que paraît le premier ouvrage sur les aimants : De magnete. Son auteur, William Gilbert, essaya de créer des aimants artificiels, en utilisant le champ magnétique terrestre pour magnétiser des barres de fer. La découverte par Hans Christian Œrsted en 1820 de l'électromagnétisme, c'est-à-dire du champ magnétique créé par un courant électrique, freina pour un temps l'étude des aimants permanents. Quelques améliorations techniques furent apportées à la fin du xixe et au début du xxe siècle, notamment dans la fabrication d'alliages magnétiques. Cependant, ce sont les tentatives d'explication théorique du magnétisme par Pierre Curie, Paul Langevin, Pierre Weiss et plus tard Louis Néel qui donnèrent un regain d'intérêt aux aimants permanents. L'année 1931 fait date avec la découverte par le Japonais Mishima des alliages fer-nickel-aluminium qui sont à la base de l'essor prodigieux de cette branche de l'industrie. Les domaines d'applications des aimants permanents sont innombrables. Les plus importants sont : l'électronique, les télécommunications, l'électro-acoustique, l'électrotechnique et les instruments de mesure, enfin les appareils de contrôle ; la recherche moderne les utilise également dans les spectrographes de masse et les accélérateurs de particules.

Généralités

Définitions générales

Lorsqu'on place un matériau ferromagnétique de volume v dans un champ magnétique He, il prend un moment magnétique M. On définit en tout point une intensité d'aimantation ou aimantation J ; si la substance est uniformément aimantée, M = Jv. On représente, symboliquement, l'existence du vecteur J par des charges + et − (ou pôles nord et sud) réparties à la surface et dans le volume de la substance. Ces pôles créent à leur tour un champ magnétique ou champ démagnétisant Hd dirigé des pôles nord vers les pôles sud donc de sens contraire à J. Pour un corps uniformément aimanté dont la surface est ellipsoïdale, Hd est aussi uniforme et proportionnel à J :

N est le coefficient de désaimantation, constant pour une direction d'aimantation donnée.

Lignes de champ magnétique - crédits : J. R. Eyerman/ The LIFE Picture Collection/ Getty Images

Lignes de champ magnétique

Matériau ferromagnétique - crédits : Encyclopædia Universalis France

Matériau ferromagnétique

Dans les applications d'aimants permanents, on parlera plutôt d' induction magnétiqueB que d'aimantation J et on écrira :

H, champ magnétique qui règne à l'intérieur de l'aimant, est égal à la somme géométrique des champs magnétiques appliqué et démagnétisant. Par analogie avec le flux hydraulique, on définit alors un flux d'induction magnétique à travers une surface s :
il a la propriété d'être conservatif :
Ce flux magnétique pourra être utilisé dans tout l'espace environnant l'aimant.

Cycle d'hystérésis

Hystérésis - crédits : Encyclopædia Universalis France

Hystérésis

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Si l'on part d'un corps désaimanté (J = 0) et qu'on le place, à une température θ déterminée, dans un champ magnétique extérieur que l'on fait croître progressivement, on peut tracer les caractéristiques J (H) et B (H) du matériau, H étant le champ qui règne à l'intérieur de la substance. Lorsque H croît indéfiniment, on atteint l'aimantation à saturation Js du matériau à la température θ.

Quand on fait décroître H, les courbes représentatives de J et de B ne passent pas par les mêmes points et, au moment où H est nul, il subsiste une certaine induction, dite induction rémanente, Br = 4πJr. Puis, le champ intérieur devenant négatif, on parvient à annuler B et J pour les valeurs BHc et JHcde H. JHcest le champ coercitif d'aimantation, BHcest le champ coercitif d'induction, ou champ coercitif Hc. Dans le deuxième quadrant de la figure, 4πJ > B puisque H < O, par suite, en grandeur on a JHc > Hc. Cette différence entre les deux valeurs des champs coercitifs, assez peu importante pour la plupart des matériaux (quelques centaines d'ampères par mètre pour les aimants fer-cobalt-nickel-aluminium), devient considérable dans certains cas. Par exemple pour le silmanal (Ag - Mn - Al), Hc = 43 800 A ( m-1, JHc = 533 200 A ( m-1.

En poursuivant le tracé de la courbe, on passe par les points − Bs, − Br, + Hc, + Bs ; on a décrit le cycle d'hystérésis.

Grandeurs caractéristiques des aimants permanents

Circuit magnétique - crédits : Encyclopædia Universalis France

Circuit magnétique

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D'une façon générale, un aimant permanent est utilisé pour produire un champ magnétique He de valeur déterminée, dans un entrefer de longueur le et de section Se données. La figure représente schématiquement un circuit magnétique classique avec un aimant de longueur moyenne la et de section Sa. En appliquant à ce circuit les deux équations fondamentales de la magnétostatique, c'est-à-dire le théorème d'Ampère (∫leH ( →dl = 0 le long d'un contour fermé) et la conservation du flux (div B = 0), on  obtient Ha ( la + He ( le = 0, d'où Ha = − (le/la) He et Ba Sa = Be Se.

Matériau à aimant - crédits : Encyclopædia Universalis France

Matériau à aimant

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On voit que, dans l'aimant, l'induction Ba est positive et le champ Ha est négatif. La partie utile du cycle d'hystérésis d'un aimant est donc celle qui est située dans le deuxième quadrant, c'est-à-dire celle qui est comprise entre les points Br et Hc. D'une façon générale, l'aimant permanent travaille toujours sous l'influence de son champ démagnétisant. Lors du tracé du cycle d'hystérésis, on a dépensé, pour aimanter le matériau, une certaine énergie proportionnelle à l'aire du cycle.

Quand on supprime le champ magnétisant, l'aimant conserve une partie de cette énergie sous forme d'énergie magnétique disponible pour utilisation dans l'espace environnant. On démontre que la densité d'énergie magnétique dans un milieu est égale à BH/8π.

Un aimant dont le point de fonctionnement est en A (ce qui signifie qu'à l'intérieur de cet aimant règnent l'induction Ba et le champ Ha, coordonnées de A) sera donc capable de fournir une énergie proportionnelle au produit BaHa, c'est-à-dire proportionnelle à l'aire du rectangle représenté sur la figure. Plus l'aire de ce rectangle sera étendue, plus l'énergie disponible sera élevée. Pour un matériau donné, il existe sur le cycle un point pour lequel le produit BH est maximum : c'est « le point de (BH)max ». Il est évident qu'un aimant donné produira le maximum d'énergie si, d'une part, son cycle est étendu – donc si Br et Hc sont élevés – et, d'autre part, s'il est possible d'inscrire sous ce cycle un rectangle de dimensions importantes – donc si le cycle est lui-même rectangulaire. En résumé, les trois grandeurs fondamentales d'un aimant sont : l'induction rémanente Br, le champ coercitif Hc, le produit d'énergie maximum (BH)max.

Origines de l'hystérésis magnétique

Le développement des matériaux à aimants permanents a pour but de rechercher le (BH)max le plus élevé possible de façon que l'aimant soit le plus efficace possible. Accroître le (BH)max revient d'abord à accroître Br et Hc. On ne peut espérer une augmentation considérable de l'induction rémanente parce que la limite des aimantations à saturation de la plupart des matériaux ferromagnétiques est connue (la plus élevée, 2,4 teslas, étant celle d'un alliage fer-cobalt à 34 p. 100 de cobalt) et il est peu probable que ces valeurs soient dépassées dans de larges proportions.

Il reste donc la possibilité d'augmenter la valeur du champ coercitif, et des progrès considérables ont été réalisés dans ce sens depuis les aciers au chrome dont le champ coercitif n'atteignait pas 19 900 A ( m-1 ; actuellement, on arrive à 159 150 A ( m-1 avec des aimants fer-nickel-cobalt-aluminium et même 318 300 A ( m-1 pour l'alliage équi-atomique platine-cobalt, cependant que les énergies sont passées de 15 900 T ( A ( m-1 à 63 700 T ( A ( m-1 et même 79 600 T ( A ( m-1.

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Ces progrès ont été accomplis autant par l'habileté des techniciens que par l'avancement de la théorie. En effet, l'explication théorique complète des phénomènes d'hystérésis magnétique reste à faire, bien que des succès probants aient été obtenus et que l'on commence à apercevoir le chemin qui devra être suivi.

L'hystérésis magnétique peut être considérée comme la résistance à la désaimantation. L'existence des domaines magnétiques de Weiss étant maintenant reconnue, on admet généralement que l'aimantation se manifeste sous l'action de deux mécanismes :

– le déplacement des parois de Bloch qui séparent les domaines, phénomène apparaissant de préférence aux faibles valeurs du champ ;

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– la rotation de l'aimantation des domaines se produisant pour les valeurs élevées du champ appliqué.

Dès lors, un matériau magnétique ayant été aimanté présentera de l'hystérésis si les déplacements de parois ou si les rotations de l'aimantation sont rendus irréversibles. Les premiers travaux théoriques s'attachèrent à trouver les causes empêchant les mouvements de parois, c'est-à-dire les « accidents de parcours » que peut trouver une paroi en mouvement, accidents qui se traduisent par des variations d'énergie superficielle des parois.

Ainsi Joseph Becker (1939) attribue l'hystérésis à des variations de tensions à l'intérieur du matériau, provoquées par exemple lors de la précipitation d'une phase d'une solution solide. Kersten (1943) introduit la notion de cavités ou d'inclusions non magnétiques jouant le rôle d'obstacles à la propagation des parois. Reprenant ces idées et les complétant, Louis Néel (1944-1946) suppose une distribution aléatoire des tensions et des inclusions non magnétiques provoquant des fluctuations dans l'intensité et la direction de l'aimantation spontanée à l'intérieur des domaines élémentaires. Il en résulte, à l'intérieur d'un matériau hétérogène, l'existence de pôles libres, et de champs de dispersion dont les variations d'énergie, avec la position de la paroi, sont beaucoup plus élevées que celles de la tension superficielle de la paroi.

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Le calcul des ordres de grandeur des champs coercitifs de matériaux obéissant à ce mécanisme (aciers à durcissement par trempe, alliages à durcissement par précipitation) est en accord satisfaisant avec les valeurs expérimentales.

Entre les années 1945 et 1950, de nouvelles idées apparaissent, Louis Néel, Charles Kittel, Stoner, E. P. Wohlfarth, Guillaud, introduisant la notion de monodomaines dont les dimensions sont telles qu'une paroi ne peut plus se former. À ces particules sont associées diverses énergies (magnétocristalline, magnétoélastique, de champ démagnétisant de forme) qui s'opposent à la rotation des moments magnétiques élémentaires, seul mécanisme d'aimantation possible. Ces énergies, déterminant le couple qu'il faut exercer pour faire tourner l'aimantation, conditionnent ainsi la valeur du champ coercitif.

Immédiatement, des réalisations pratiques suivent les idées théoriques, et on assiste à l'éclosion d'un nouveau groupe d'aimants dans lesquels on agglomère des particules monodomaines (poudres) dont on essaie de rendre parallèles entre elles les aimantations.

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Cette nouvelle théorie « des grains fins » permet aussi d'éclairer partiellement certains phénomènes d'hystérésis inexpliqués (cas des alliages fer-nickel-cobalt-aluminium) mais le problème n'est pas entièrement résolu et la théorie complète de l'hystérésis magnétique reste à établir.

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Écrit par

  • : ingénieur, chef de département à la Société d'études et de recherches magnétiques

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Autres références

  • BISMUTH

    • Écrit par
    • 2 936 mots
    • 4 médias
    Alliages pour aimants permanents : certains ont d'intéressantes performances, tel l'alliage de manganèse et de bismuth Mn-Bi, qui résiste dix fois mieux à la démagnétisation que ses concurrents, ce qui permet son emploi dans des appareils de mesure très précis.
  • COBALT

    • Écrit par
    • 2 969 mots
    • 4 médias
    De nombreux alliages de cobalt sont utilisés depuis 1916 dans desaimants permanents (Alnico et Cunico). Ils sont caractérisés par une induction rémanente et un champ coercitif élevés. D'autres alliages ont une perméabilité magnétique élevée : ils atteignent de grandes intensités d'aimantation pour...
  • ÉLECTRICITÉ - Lois et applications

    • Écrit par et
    • 4 775 mots
    • 8 médias
    Certains matériaux ferromagnétiques conservent leur aimantation lorsqu'on supprime le champ excitateur (effet d'hystérésis). Ils constituent lesaimants permanents : ils produisent un champ magnétique et exercent entre eux des forces d'attraction ou de répulsion analogues aux effets que produiraient...
  • EXPÉRIENCE DE FARADAY

    • Écrit par
    • 1 482 mots
    • 1 média
    ...cuivre remonte par ce trou jusqu’à une certaine hauteur. Attaché à cette pointe (qui fait partie intégrante du circuit électrique) avec un lien souple, un aimant cylindrique dépasse légèrement au-dessus du mercure. Au milieu, un pilier en laiton supporte le fil électrique, qui vient affleurer le mercure....
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