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ABD EL-KADER (1808-1883)

Proclamé « sultan des Arabes » par quelques tribus de l'Oranie le 22 novembre 1832, Abd el-Kader s'imposa par une victoire sur les milices de l'ancien bey turc et mena avec bravoure, pendant quinze ans, la guerre sainte contre les Français. Jusqu'en 1838, toutefois, ceux-ci l'aidèrent à asseoir sa souveraineté sur les deux tiers de l'Algérie. Les généraux français, Desmichels puis Bugeaud, après l'avoir combattu, crurent devoir négocier avec lui dans l'espoir d'instaurer un protectorat.

Abd el-Kader en profita pour étendre son autorité dans les provinces d'Oran, d'Alger, du Titteri et jusque dans le Constantinois et organiser un État arabe. Les fondements en furent essentiellement islamiques et les dirigeants recrutés parmi l'aristocratie religieuse, ce qui entraîna l'opposition de la noblesse d'origine militaire, les jawadā, et la méfiance des tribus kabyles, jusque-là quasi indépendantes. Abd el-Kader commença pourtant à unifier son État en supprimant la distinction traditionnelle entre tribus makhzen privilégiées et tribus sujettes exploitées, puis en percevant partout comme impôt la zakkat (dîme coranique). Il le fortifia en le dotant d'une armée de 10 000 volontaires rétribués, d'une ligne de places fortes et d'une capitale, Tagdempt.

Lorsqu'il crut que le temps jouait en faveur des Français, il reprit la lutte en novembre 1839 et envahit la Mitidja, où étaient déjà installés des colons. Une grande guerre s'engagea, au cours de laquelle il tenta par la mobilité de ses troupes de suppléer à leur infériorité numérique. Vaincu au terme de quatre années de combats, affaibli par la soumission de nombreuses tribus, il dut se réfugier au Maroc à la fin de 1843, mais il réussit à entraîner le sultan ‘Abd al-Rahmān dans la guerre contre les Français. Après les bombardements de Tanger et de Mogador et la défaite de l'armée marocaine à la bataille de l'Isly (14 août 1844), le sultan se résigna à la paix. Abd el-Kader, déclaré hors la loi au Maroc, se cantonna près de la frontière algérienne puis, profitant de nouveaux mouvements insurrectionnels déclenchés par la confrérie des Taībiyya en 1845, il reparut en Algérie. Ses succès (Sidi Brahim, 23 sept. 1846) firent craindre aux Français son triomphe définitif. L'armée française, forte de 106 000 hommes répartis en dix-huit colonnes opérant simultanément, parvint à le rejeter de nouveau au Maroc. Le sultan, qui redoutait désormais en lui un compétiteur, le fit pourchasser. Alors l'émir des Croyants préféra se rendre aux Français, le 23 décembre 1847.

Manquant à la promesse qui lui avait été faite de le transporter avec les siens à Alexandrie, le gouvernement de Guizot, puis ceux de la IIe République, tout aussi méfiants, le retinrent prisonnier en France. Mais de nombreux Français lui témoignèrent égards et amitié. Le prince-président Louis-Napoléon, homme généreux, fut de ceux-là : le 16 octobre 1852, il vint lui-même annoncer à l'émir sa mise en liberté et un traitement digne de son rang pour s'établir à Brousse en Turquie.

Ces cinq années de séjour forcé en France révélèrent cependant à Abd el-Kader ce qu'étaient la civilisation et la religion chrétiennes et expliquent peut-être qu'il ait pu songer plus tard à un rapprochement islamo-chrétien.

Dans la troisième partie de son existence, qui se déroula tout entière dans le Proche-Orient, de 1852 à 1883, Abd el-Kader se consacra presque exclusivement à l'étude et à la méditation religieuses. Cette orientation répondait à une vocation profonde ; dès sa jeunesse, il avait manifesté le goût de l'oraison et de l'exercice mystique. À Brousse, il rédigea un traité de philosophie religieuse à l'usage des chrétiens qu'il intitula Rappel à l'intelligent,[...]

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Pour citer cet article

Charles-Robert AGERON. ABD EL-KADER (1808-1883) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Média

Abd el-Kader - crédits : Hulton Archive/ Getty Images

Abd el-Kader

Autres références

  • ALGÉRIE

    • Écrit par Charles-Robert AGERON, Universalis, Sid-Ahmed SOUIAH, Benjamin STORA, Pierre VERMEREN
    • 41 835 mots
    • 25 médias
    ...allié, signa avec lui un traité par lequel il le reconnaissait comme souverain « émir des croyants » et lui assurait une aide militaire. Grâce à celle-ci, Abd el-Kader remporta sur les tribus du makhzen turc une victoire au Meharaz : elle marque pour les musulmans le début d'une nouvelle ère, celle des ...
  • BUGEAUD THOMAS ROBERT, marquis de la Piconnerie (1784-1849) duc d'Isly et maréchal de France

    • Écrit par André Jean TUDESQ
    • 668 mots

    Issu d'une famille irlandaise qui avait émigré en France, Bugeaud s'engage dans l'armée en 1804, comme vélite, dans les grenadiers à pied de la garde impériale. Il est promu caporal à Austerlitz et blessé à Pultusk ; il combat ensuite en Espagne, où il devient capitaine sous les ordres du général...

  • GUERRE D'ALGÉRIE

    • Écrit par Benjamin STORA
    • 6 112 mots
    • 13 médias
    ...l’établissement d’une commission d’historiens sur les massacres d’Européens commis à Oran en juillet 1962 ; l’érection d’une stèle en hommage à l’émir Abd el-Kader, à Amboise, la ville où il a été emprisonné en 1848 après sa reddition ; la réactivation du projet de musée de l’histoire de la France et...

Voir aussi