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PUNIQUES (GUERRES)

Un enjeu : la Sicile

Le problème des origines de la première guerre punique est l'un des plus difficiles et des plus importants de l'histoire ancienne et, plus précisément, de l'histoire romaine. Les deux puissances sont en effet entrées en conflit pour la Sicile. Or, Carthage avait depuis plusieurs siècles des intérêts essentiels dans cette île, dont la géopolitique démontre la nécessaire et étroite liaison avec l'actuelle Tunisie. À plusieurs reprises, les Carthaginois avaient tenté de la subjuguer tout entière ; leurs efforts avaient échoué devant la résistance des Grecs maîtres de l'est de l'île et rassemblés par les souverains de Syracuse ; mais, depuis le début du iiie siècle, Syracuse n'échappait pas à la dégénérescence générale de l'hellénisme occidental, et Carthage exerçait sur l'ensemble de l'île une hégémonie de fait. Il est donc normal que la république punique ait défendu son bien, et l'on peut même s'étonner qu'elle ne l'ait pas fait avec plus de détermination et d'efficacité. Au contraire, l'intervention de Rome au-delà du détroit de Messine paraît à première vue plutôt paradoxale. Certes, la guerre contre Pyrrhos (278-276) lui avait permis d'achever l'unité de l'Italie en soumettant les villes grecques du Sud. Mais l'organisation qu'elle avait bâtie, appelée confédération italique bien qu'elle ne possédât pas d'organes communautaires et que chacun des participants non romains fût lié à Rome par un accord individuel, ne paraît pas, à la majorité des historiens modernes, avoir eu de vocation impérialiste.

On insiste en particulier sur le caractère très primitif de l'économie du territoire romain proprement dit, qui coupe en deux la Péninsule en son milieu, de la mer Tyrrhénienne à l'Adriatique : c'est une économie essentiellement paysanne, qui vient de découvrir la monnaie sous une forme particulièrement incommode, celle de l'aes grave. On insiste également sur l'absence complète de marine, l'inexistence de relations diplomatiques avec l'outre-mer. Rome se serait trouvée attirée en Sicile par un enchaînement de circonstances et d'incidents mineurs et aurait en quelque sorte conquis l'île malgré elle, sans en avoir une conscience très nette, par le seul poids de son énorme force militaire ; les premières réactions des Puniques, consistant en raids de corsaires sur les côtes italiennes, auraient amené les sénateurs à surestimer la puissance de Carthage et à y voir un danger, en fait inexistant, pour la sécurité de l'Italie. Telle est la thèse développée notamment, en 1949, par l'historien allemand A. Heuss.

Depuis lors cependant, une autre interprétation tend à s'imposer, qui trouve son origine dans les recherches de J. Heurgon, publiées en 1942, sur les rapports de Rome et de Capoue : elles font apparaître que le point de départ de l'impérialisme romain a été la conclusion, vers le milieu du ive siècle avant J.-C., d'une union politique entre Rome et la Campanie, qui a donné naissance, dans les premiers temps, à un « État romano-campanien » où les deux partenaires se trouvaient sur pied d'égalité. Or, si Rome demeurait économiquement arriérée, la Campanie, et en particulier Capoue, était l'un des principaux centres industriels et commerciaux de la Méditerranée. Des liens étroits s'étaient formés entre les classes dirigeantes de Rome et de Capoue, des Campaniens venant siéger au Sénat romain, et des familles romaines, comme les Claudii, s'engageant dans les affaires du Sud. L'image de la société romaine, au début du iiie siècle, apparaît ainsi beaucoup plus complexe qu'on ne le croyait, comme l'a montré, en 1962, F. Cassola : si certaines familles nobles, comme les Fabii, demeuraient[...]

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Pour citer cet article

Gilbert-Charles PICARD. PUNIQUES (GUERRES) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Médias

-600 à -200. Philosophes et conquérants - crédits : Encyclopædia Universalis France

-600 à -200. Philosophes et conquérants

Guerres puniques - crédits : Encyclopædia Universalis France

Guerres puniques

Fragment de la colonne rostrale - crédits : Nimatallah/ AKG-images

Fragment de la colonne rostrale

Autres références

  • CARTHAGE

    • Écrit par Abdel Majid ENNABLI, Liliane ENNABLI, Universalis, Gilbert-Charles PICARD
    • 9 841 mots
    • 5 médias
    Cette situation est gravement ébranlée par la première guerre avec Rome (264-241). Carthage et Rome s'étaient encore entendues pour éliminer Pyrrhos d'Épire qui tentait de relever l'hellénisme occidental (278-276). Mais Rome fut entraînée par ses associés campaniens à prendre pied en Sicile. Le gouvernement...
  • CATON L'ANCIEN ou LE CENSEUR MARCUS PORCIUS (234-149 av. J.-C.)

    • Écrit par Joël SCHMIDT
    • 435 mots

    Symbole de la virtus romaine, alliance du courage et de l'abnégation, de la fierté patriotique et de l'austérité morale, Marcus Porcius Cato, dit Caton l'Ancien est un vieux Romain aux mœurs irréprochables qui a servi la Rome républicaine et qui est mort lorsque la ville, prenant une dimension historique...

  • CIVILISATION ROMAINE (notions de base)

    • Écrit par Universalis
    • 4 292 mots
    • 18 médias
    Les trois guerres puniques, entre 264 et 146 av. J.-C. – et surtout la deuxième, conclue par la bataille de Zama en 202 –, permettent à Rome d’éliminer sa principale rivale commerciale en Méditerranée, Carthage. La conquête de l’Orient, engagée au début du iie siècle avant J.-C., aboutit...
  • EMPURIES

    • Écrit par Pedro de PALOL
    • 1 329 mots

    Située près d'une ville ibérique non identifiée (Indika), sur la côte de Catalogne, Empúries (en catalan) est une ancienne colonie grecque (Emporion) qui fut, par la suite, romanisée (Emporiae). Fondée par les Phocéens au début du ~ vie siècle, à la même époque que Massalia...

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