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HOFFMANN ERNST THEODOR AMADEUS (1776-1822)

Ernst Theodor Wilhelm Hoffmann, musicien, écrivain et poète allemand qui, par amour de la musique et de Mozart, prit le troisième prénom d'Amadeus, fut peut-être poète parce qu'il était mauvais fonctionnaire, contrairement à l'affirmation de son épitaphe mortuaire qui nous dit qu'il fut « excellent fonctionnaire, excellent poète, excellent musicien, excellent peintre ». Certes, tous les mauvais fonctionnaires ne sont pas de grands poètes, mais Hoffmann sut tirer de ces contraintes matérielles les deux grands principes sur lesquels repose son œuvre : tout d'abord la faculté de dédoublement romantique qui lui permet l'évasion dans le fantastique ; ensuite la connaissance précise, l'observation minutieuse de la vie réelle des petits-bourgeois qui transformera le fantastique en réalité troublante. Cette communication entre deux mondes étrangers donnera naissance à ce que l'on a appelé le « réalisme fantastique » qui fait de Hoffmann le lien entre le romantisme et les générations futures.

Les deux pôles du monde et de l'art

Né à Königsberg, Hoffmann grandit dans un milieu cultivé où l'on reçoit beaucoup, et qui offre à l'enfant précocement éveillé l'occasion d'exercer un vif esprit critique qui se donnera plus tard libre cours dans ses œuvres souvent satiriques et humoristiques ainsi que dans ses caricatures. Après d'ennuyeuses études juridiques, il est nommé chef d'orchestre à Bamberg, puis, après l'effondrement de l'Empire napoléonien, il s'installe en 1814 à Berlin où il demeurera jusqu'à sa mort, travaillant tristement le jour dans son bureau, écrivant la nuit. Il attache très tôt son nom au genre romantique le plus important en Allemagne depuis les frères Schlegel et Tieck : le conte et la nouvelle.

Un mode apparemment contradictoire d'appréhension du monde, partiellement dicté par une vie elle-même déchirée, est sans doute le fondement essentiel de son art. Cette même dichotomie du vécu se retrouvera après lui chez tous les épigones du romantisme, notamment chez le jeune Thomas Mann.

Deux nouvelles, Les Frères Sérapion (Die Serapionsbrüder, 1819-1821) et La Fenêtre d'angle de mon cousin (Des Vetters Eckfenster, 1822), illustrent très clairement cette double tendance. Dans la première nouvelle, le héros Cyprian retrace sa rencontre et ses conversations avec le comte von P., devenu fou, qui s'imagine être la réincarnation du martyr Sérapion : alors qu'il vit en réalité dans les forêts d'Allemagne, le comte se croit transporté dans les déserts de Thèbes. À Cyprian qui tente de le guérir de son illusion, le fou répond qu'il préfère se confier à l'Esprit qui déploie devant lui des visions intérieures, principes d'explication du monde, plutôt qu'au principe de réalité. C'est là toute l'attitude du romantisme allemand devant l'univers. Novalis disait : « Le monde devient rêve, le rêve devient monde. » Hoffmann lui aussi proclame que seul est poète le voyant pour lequel la vision intérieure a autant de réalité que le monde extérieur : « Il avait véritablement vu ce qu'il proclamait et c'est pourquoi ce qu'il disait saisissait profondément le cœur et l'âme. »

Cependant cette réalité intérieure ne peut naître qu'appuyée sur l'observation minutieuse du monde, relation essentielle qui fait l'originalité de Hoffmann dans le romantisme allemand. L'imagination est la médiatrice entre la réalité extérieure et le monde de l'esprit pur. On peut dès lors renverser les perspectives et considérer que Cyprian est fou au même titre que le comte. Ce célèbre « principe de Sérapion » est l'une des clefs essentielles de l'œuvre.

Le second principe encore plus largement représenté peut-être ne peut donc malgré[...]

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