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ANIMISME

Les données nouvelles

L'explication générale de Tylor a été critiquée surtout pour deux conclusions de grande conséquence théorique : 1. l'identification de l'animisme à l'origine de la religion ; 2. l'affirmation selon laquelle, partout dans le monde, la religion a évolué dans le sens qu'on vient d'indiquer.

Nombre d'auteurs ont rejeté la première affirmation. Andrew Lang, par exemple, a montré que l'idée d'un Être suprême personnel est attestée chez les populations les plus archaïques, où l'animisme ne joue qu'un rôle secondaire. En suivant une tout autre voie, R. R. Marret a soutenu dans un article célèbre, Preanimistic Religion, que la première forme d'expérience religieuse aurait été provoquée par la rencontre avec une force mystérieuse et impersonnelle, que les Mélanésiens appellent mana. De son côté, J. G. Frazer estimait que la magie avait précédé l'apparition de la religion. Enfin, Émile Durkheim voyait dans le totémisme australien la source de l'expérience religieuse.

On admet aujourd'hui que la recherche des « origines » de la religion est vaine et sans issue, puisque nous n'avons aucune possibilité de reconstituer les croyances et les idées des premiers humains. Dans la mesure où elles ne font que substituer à l'animisme une autre « origine » de la religion, les nouvelles théories n'ont pas plus de poids que celle de Tylor. Ces critiques ont eu pourtant le mérite d'attirer l'attention sur d'autres phénomènes religieux originaires, existant à côté de l'animisme ou le précédant.

En effet, il n'a pas été possible de trouver une religion qui soit exclusivement animiste. À côté de la croyance en des esprits et de la conviction que la Nature est animée, il existe, chez les primitifs, d'autres conceptions religieuses ; par exemple, la croyance en un Être suprême créateur, ou la croyance au mana, etc. En outre, l'animisme n'est pas connu partout dans le monde, comme le laissait entendre Tylor. Les croyances animistes sont dominantes, notamment en Mélanésie, en Indonésie, sur la côte occidentale de l'Afrique, dans les deux Amériques. Pourtant, même dans ces régions, tous les objets ne sont pas susceptibles d'avoir une « âme ». Pour les populations indonésiennes, par exemple, les objets inanimés n'ont pas d'âme, et seules certaines espèces végétales sont réputées en avoir. On croit aussi que l'homme possède plusieurs âmes, généralement deux ou trois et jusqu'à sept ou même treize en Mélanésie ; ce problème de la multiplicité des âmes est essentiel.

Toutefois, les objections les plus graves contre la reconstruction de Tylor concernent son explication de l'« origine » des dieux. Selon sa théorie, la conception du dieu ne pouvait prendre forme avant que l'humanité primitive fût arrivée à l'idée de l'âme (ou de l'esprit). Pourtant, certaines populations qui comptent parmi les plus archaïques, par exemple les tribus de l'Australie sud-orientale, connaissent des Êtres suprêmes et d'autres figures divines ou semi-divines, qui ne sont pas considérés comme des « esprits ». Ces êtres surnaturels sont conçus comme des personnes réelles, bien que considérablement supérieurs aux humains. Mais, surtout, suivant Tylor, le modèle de l'Être suprême aurait été le chef de la tribu ; or on trouve la croyance en des Êtres suprêmes dans des sociétés qui ignorent l'institution des chefs.

Selon la théorie évolutionniste de Tylor, la croyance aux esprits de la Nature et le culte des ancêtres doivent précéder le polythéisme et la formation du monothéisme. Or, chez les Australiens, comme chez d'autres populations archaïques du même niveau culturel où l'on a observé cette croyance en des Êtres suprêmes,[...]

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Pour citer cet article

Mircea ELIADE et Nicole SINDZINGRE. ANIMISME [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Autres références

  • AFRIQUE (Structure et milieu) - Géographie générale

    • Écrit par Roland POURTIER
    • 21 496 mots
    • 29 médias
    Une même évolution, étalée sur une plus longue durée, concerne les religions.L'animisme ancestral, aux pratiques locales très atomisées, a cédé du terrain face aux grandes religions. Mais si l'expansion de l'islam et du christianisme l'a fait reculer, il n'en demeure pas moins...
  • ANTHROPOLOGIE ET ONTOLOGIE

    • Écrit par Frédéric KECK
    • 1 255 mots

    Si l’anthropologie s’est définie contre la métaphysique classique en remplaçant un discours sur Dieu comme fondement de toutes choses par un discours sur l’homme comme sujet et objet de connaissance (Foucault, 1966), elle a renoué depuis les années 1980 avec l’ontologie, définie comme un...

  • ARCHAÏQUE MENTALITÉ

    • Écrit par Jean CAZENEUVE
    • 7 048 mots
    Lapremière tentative d'analyse sociologique vraiment importante des croyances archaïques a été l'œuvre d'une école appelée animiste et dont les principaux représentants furent Spencer, Tylor et Frazer. Ramenée à ses lignes les plus générales, au-delà des aspects particuliers...
  • CHEYENNE

    • Écrit par Agnès LEHUEN
    • 678 mots

    Indiens des plaines d'Amérique du Nord, les Cheyenne appartiennent au groupe linguistique algonquin. Ils habitaient, avant le xviiie siècle, dans le Minnesota, cultivaient la terre, chassaient, récoltaient du riz sauvage et faisaient de la poterie. Plus tard, ils s'installèrent dans le Dakota...

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