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VARUṆA

L'une des divinités les plus importantes du panthéon védique. Parmi elles, Varuṇa occupe même une place prépondérante : avec son coadjuteur Mitra, il a la charge de veiller au bon ordre des choses dans l'univers ; on dit qu'il est le « gardien du rita » (norme cosmique). À ce titre, il observe les actions des hommes, aidé en cela par des « espions » qui forment sa suite, et il punit les pécheurs, les frappant notamment de maladies. Il dispose d'une puissance magique, la māyā, grâce à laquelle il peut intervenir dans le monde, par exemple en suscitant la panique dans une armée ou en rendant fous ceux qui enfreignent ses ordonnances.

Ses deux domaines cosmiques sont, d'une part, la nuit, qui symbolise à la fois la māyā et la fonction de surveillance de Varuṇa (les étoiles sont comme les yeux du dieu), d'autre part, la mer, autre image de la māyā (les vagues n'étant qu'une agitation superficielle, illusoire, de la masse liquide). D'une façon générale, les eaux « appartiennent à Varuṇa » : les rivières ne coulent-elles pas toujours selon la pente (image de la fidélité à la norme universelle) ? De plus, dans l'Inde antique, on prêtait les serments en prenant l'eau à témoin, justement parce que Varuṇa, gardien du rita, y était mystérieusement présent.

Ces divers traits de la personnalité du dieu font penser à la fois à Ouranos et à Poséidon. En outre, il convient de remarquer que, selon la structure mythologique indo-européenne, telle que l'a mise en évidence Georges Dumézil, Varuṇa aurait dû occuper la première place dans le panthéon, en tant que représentant de la fonction souveraine, à la façon de son homologue iranien Ahura Mazdā (le Seigneur Sage). Mais une sorte de révolution de palais a privé Varuṇa de son droit de suzeraineté sur les autres dieux de l'Inde védique : Indra (représentant de la deuxième fonction, celle de la force physique, de la puissance militaire) a usurpé la première place dans l'assemblée divine, comme le firent Zeus et Jupiter dans la mythologie gréco-latine. Le Ṛgveda révèle que les dieux, abandonnant le Père, l'Asura Varuṇa (le mot sanskrit asura équivaut à l'iranien ahura), sont venus se ranger sous la bannière d'Indra. Dès lors, Varuṇa n'est plus que l'intendant des dieux.

Dans l'hindouisme classique, son rôle est très effacé : il séjourne au fond des mers dans un palais merveilleux, d'où il gouverne l'ensemble de l'élément liquide. Quelques traits de sa personnalité se retrouvent également chez Śiva, notamment son aspect nocturne et « terrible » (deus otiosus).

— Jean VARENNE

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Écrit par

  • : docteur ès lettres, professeur à l'université de Lyon-III

Classification

Pour citer cet article

Jean VARENNE. VARUṆA [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Autres références

  • BRAHMANISME

    • Écrit par Anne-Marie ESNOUL
    • 3 594 mots
    ...naturelles personnifiées : Sūrya, le soleil ; Candra (ou Soma), la lune ; Vāyu, le vent ; Agni, le feu. Les autres offrent des caractères plus anthropomorphes : Yama, premier homme et dieu des morts ; Indra etVaruṇa, figures dominantes de la période précédente ; Kubera, dieu des richesses.
  • DETTE, anthropologie

    • Écrit par Charles MALAMOUD
    • 10 460 mots
    • 1 média
    ...externe, entrave dont on cherche à se libérer. Le dieu qui, dans le Veda, tient emprisonné le débiteur qui ne s'est pas acquitté, c'est Varuṇa, dieu « lieur » par excellence : le nœud coulant de Varuṇa enserre le débiteur, tout prêt pour l'étrangler si, l'échéance venue, il ne peut payer...
  • INDRA

    • Écrit par Jean VARENNE
    • 458 mots

    Nom d'un dieu puissant qui domine le panthéon védique, porte le titre de roi et exerce sa souveraineté, au moins théoriquement, sur l'ensemble de la création. Cette dernière est d'ailleurs son œuvre : alors que les autres dieux ne parvenaient pas à triompher des puissances des ténèbres...

  • MITRA

    • Écrit par Jean VARENNE
    • 340 mots

    Au sommet de la hiérarchie divine, le Veda, dans ses parties les plus archaïques (début du ~ IIe millénaire), plaçait l'Asura Varuṇa, à qui était attribué un coadjuteur en la personne du dieu Mitra. La situation était alors conforme au schéma indo-européen mis en évidence par...

  • Afficher les 8 références

Voir aussi