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VALADON MARIE-CLÉMENTINE dite SUZANNE (1865-1938)

Autodidacte, Suzanne Valadon est une des seules femmes issues de la classe ouvrière à embrasser une carrière artistique à la fin du xixe siècle. Née le 23 septembre 1865 à Bessines-sur-Gartempe (Haute-Vienne), la fillette prénommée Marie-Clémentine grandit à Montmartre au côté de sa mère lingère. Elle commence à travailler à l’âge de onze ans comme couturière, blanchisseuse, serveuse ou marchande des quatre saisons. Elle est ensuite trapéziste pour les cirques Fernando et Molier, mais une mauvaise chute la contraint à abandonner sa carrière d’acrobate. Elle devient alors modèle pour les peintres sous le pseudonyme de Maria. Ainsi, au cours des années 1880, elle pose pour Henri de Toulouse-Lautrec, Pierre-Auguste Renoir, Pierre Puvis de Chavannes, ainsi que Louis Forain, Jean-Jacques Henner ou encore Théophile-Alexandre Steinlen. C’est à Toulouse-Lautrec qu’elle doit son nom d’artiste, emprunté au thème biblique de Suzanne et les vieillards, un motif courant de la peinture depuis la Renaissance. La jeune femme profite de la fréquentation des ateliers pour perfectionner sa maîtrise du dessin – elle qui crayonne depuis l’enfance – mais il faut attendre 1892 pour qu’elle s’essaie à la peinture à l’huile.

Bientôt, Suzanne Valadon expose à Paris, d’abord à la galerie Le Barc de Boutteville (1893 et 1894), puis au salon de la Société nationale des beaux-arts (1894) et, à Bruxelles, au Salon de la libre esthétique (1897). Elle se lie d’amitié avec Edgar Degas. Impressionné par son œuvre et son tempérament (il la surnomme « la terrible Maria »), il l’encourage et l’initie à la gravure. En 1896, le mariage de l’artiste avec un banquier, Paul Mousis, lui apporte une stabilité financière et lui permet de se consacrer pleinement à la peinture et à l’éducation artistique de son fils Maurice Utrillo (1883-1955). Celui-ci, reconnu en 1891 par le critique d’art et peintre espagnol Miguel Utrillo qui lui a donné son nom, souffre de schizophrénie et d’alcoolisme précoce.

En 1909, la rencontre de Suzanne Valadon avec André Utter, un apprenti artiste tout juste âgé de vingt-trois ans, bouleverse sa vie. Il l’incite à délaisser le dessin pour la peinture, médium plus ambitieux. Transparaît désormais dans l’œuvre de Valadon son intérêt pour le « réalisme » de Gustave Courbet et d’Édouard Manet, la décomposition chromatique de Paul Cézanne et, surtout, le synthétisme de Paul Gauguin. La même année, elle expose pour la première fois au Salon d’automne puis, deux ans plus tard, au Salon des indépendants. Elle est l’autrice de compositions complexes : paysages, natures mortes, scènes de genre (La Petite Fille au miroir, 1909, collection particulière ; La Tireuse de cartes, 1912, Genève, Les amis du Petit Palais)et réalise de nombreux portraits (Marie Coca et sa fille Gilberte, 1913, Lyon, musée des Beaux-Arts). Celle qui fut modèle de peintre donne au nu féminin une valeur singulière. Elle livre l’image de corps individualisés, qu’elle met en scène dans des tableaux intimistes, sensible à la banalité du quotidien. De plus, elle est probablement la première artiste à représenter le corps nu de son amant, dans Adam et Ève (1909, Paris, Centre Georges-Pompidou), puis dans La Joie de vivre (1911, New York, The Metropolitan Museum of Art) et dans Le Lancement de filet (1914, Paris, Centre Georges-Pompidou).

Après la Première Guerre mondiale, le travail de Suzanne Valadon est régulièrement montré, à la galerie Berthe Weill par exemple, et suscite l’admiration des critiques : « Dans l’arabesque ainsi fortement établie, analyse Pierre du Colombier, tantôt elle modèle, se réduisant à une pauvreté concertée de couleur, tantôt elle enlumine, juxtaposant les tons saturés et pleins, en des oppositions qu’elle recherche violentes. Pas d’atmosphère, une espèce de décoration riche et heurtée » (« Femmes peintres[...]

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Écrit par

  • : docteure en histoire de l'art contemporain, historienne de l'art, auteure

Classification

Pour citer cet article

Camille VIÉVILLE. VALADON MARIE-CLÉMENTINE dite SUZANNE (1865-1938) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Autres références

  • UTRILLO MAURICE (1883-1955)

    • Écrit par Gérard BERTRAND
    • 1 256 mots
    Né à Paris de père inconnu, Maurice Utrillo porte le nom d'un critique d'art espagnol, Miguel Utrillo, qui l'adopta en 1891. Sa mère, Suzanne Valadon (1865-1938), acrobate de cirque, modèle, femme libre aux amours tumultueuses, est un des peintres importants du début du xxe siècle. La fatalité de...

Voir aussi