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COURBET GUSTAVE (1819-1877)

Courbet est un des peintres les plus puissants mais aussi les plus complexes du xixe siècle. Contemporain du positivisme et du matérialisme dont il partage, de la monarchie de Juillet à la IIIe République, le refus des traditions défaillantes et l'exigence d'objectivité, lié par l'esprit et par le cœur au mouvement démocratique de son temps, il a apporté une contribution décisive au réalisme pictural des années 1850 sans que son œuvre se réduise à cet épisode capital. Il est passé dans la légende comme un personnage brutal et arrogant, dont les outrances entretinrent la chronique scandaleuse, mais sa correspondance révèle des traits plus subtils et sa peinture ne reflète nullement une nature aussi fruste.

Son hostilité déclarée à l'idéalisme, qui lui valut d'être qualifié par Baudelaire de « massacreur de facultés », concerne l'académisme pseudo-classique et les « défroques romantiques » (comme il dit), qui survivent dans l'art de son temps et dont il entend le purger : elle n'exclut ni la poésie, ni la culture. « J'ai étudié, en dehors de tout système et sans parti pris, l'art des anciens et l'art des modernes » et « puisé dans l'entière connaissance de la tradition le sentiment raisonné et indépendant de ma propre individualité ». Cette déclaration radicale et pourtant mesurée définit clairement le programme qu'il s'est fixé. Programme de lucidité, de sincérité, impliquant l'examen critique mais non le rejet systématique d'une « tradition » mal comprise par ses prétendus héritiers. Programme de retour à des évidences simples et fortes, reposant sur l'expérience, le bon sens, les grands sentiments plus que les grands principes. Programme de peintre et de poète, où la pratique du métier l'emporte sur les théories, et où l'image ne se borne jamais à la transcription d'un message, même quand apparaît une certaine intention didactique. Cette démarche est comparable à celle d'un Caravage, d'un Géricault ou, bientôt, d'un Manet. Comme eux, Courbet passa pour révolutionnaire parce que son art tranchait par sa vigueur sur les artifices et les compromis de ses contemporains.

Les débuts

Ses premières œuvres caractéristiques se situent aux alentours de sa vingtième année. Certaines trahissent quelques rudiments de formation académique, reçus dans divers ateliers parisiens. L' autoportrait en « désespéré » (1843 ?, coll. part.) procède ainsi des têtes d'expression stéréotypées dont les davidiens tardifs avaient abusé ; mais, par sa facture énergique, il évoque aussi des peintres espagnols comme Ribera et Zurbarán, que Courbet étudie alors au Louvre. D'autres peintures, comme le portrait de sa sœur Juliette (1844, Petit Palais, Paris) et Le Hamac (1844, coll. Reinhart, Winterthur), manifestent son intérêt pour un autre modèle, Ingres, dont il imite les tons clairs et les arabesques simplificatrices. Les maîtres qu'il se choisit ainsi l'aident à rompre avec la routine scolaire ; il continuera à les interroger tout au long de sa carrière, élargissant son « musée imaginaire » à la faveur de voyages et peignant de belles copies. En même temps, il travaille assidûment d'après nature. Les autoportraits « au chien noir » (1844, Petit Palais, Paris) et « à la ceinture de cuir » (1845 ?, musée d'Orsay) sont remarquables par leur caractère direct, leur fraîcheur d'observation, leur gravité sans affectation. Mais ce n'est qu'aux abords de 1848 que le réalisme de Courbet donne sa mesure. Jusque-là, il reste tributaire d'un romantisme sentimental pouvant aller jusqu'à la grandiloquence (Le Sculpteur, 1844, coll. part. ; Le Guitarrero, 1844, coll. part.), mais nourri, dans les meilleurs cas, d'une touchante émotion juvénile ([...]

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Classification

Pour citer cet article

Pierre GEORGEL. COURBET GUSTAVE (1819-1877) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Médias

<em>Révolutionnaire sur une barricade</em>, G. Courbet - crédits : Musée Carnavalet/ Roger-Viollet

Révolutionnaire sur une barricade, G. Courbet

<it>L'Atelier du peintre</it>, G. Courbet - crédits : Mondadori Portfolio/ Hulton Fine Art Collection/ Getty Images

L'Atelier du peintre, G. Courbet

<it>La Roche percée d'Étretat</it>, G. Courbet - crédits :  Bridgeman Images

La Roche percée d'Étretat, G. Courbet

Autres références

  • L'ATELIER DU PEINTRE (G. Courbet)

    • Écrit par Barthélémy JOBERT
    • 197 mots
    • 1 média

    L'Exposition universelle de 1855, à Paris, qui succède à celle de Londres, en 1851, fut une manifestation exceptionnelle, en grande partie grâce à sa section artistique. Remplaçant le traditionnel Salon, celle-ci était consacrée à tous les artistes vivants, français et étrangers, et n'était...

  • COURBET ET SON PUBLIC - (repères chronologiques)

    • Écrit par Barthélémy JOBERT
    • 542 mots

    1848 Gustave Courbet (1819-1877), qui exposait au Salon depuis 1844 sans vraiment y percer, est cette année-là remarqué avec Le Violoncelliste, 1847, Stockholm Nationalmuseum.

    1849 L'Après-Dînée à Ornans remporte au Salon un succès d'estime (la toile est appréciée à la fois par Ingres...

  • GUSTAVE COURBET (exposition)

    • Écrit par Barthélémy JOBERT
    • 1 107 mots

    En 1977-1978, une rétrospective mémorable des Galeries nationales du Grand Palais avait été consacrée à Gustave Courbet. Fallait-il, une génération plus tard, en organiser une autre au même endroit et selon des principes analogues, c'est-à-dire le rassemblement de l'essentiel de son œuvre ? On...

  • ALLÉGORIE

    • Écrit par Frédéric ELSIG, Jean-François GROULIER, Jacqueline LICHTENSTEIN, Daniel POIRION, Daniel RUSSO, Gilles SAURON
    • 11 594 mots
    • 5 médias
    ...appelé désormais à jouer un rôle croissant dans l'interprétation d'une image. Sa tension entre deux registres distincts se retrouve notamment, en 1855, dans l'Atelier du peintre de Gustave Courbet (Paris, musée d'Orsay), dans lequel un modèle féminin, nu, occupe une position centrale, propre à inspirer...
  • AUTOPORTRAIT, peinture

    • Écrit par Robert FOHR
    • 3 573 mots
    • 6 médias
    ...d'Émile Bernard, 1888, musée Van Gogh, Amsterdam, et E. Bernard, Autoportrait avec le portrait de Gauguin, 1888, ibid. À cet égard, la démarche de Courbet dans L'Atelier (1855, musée d'Orsay) est significative : portrait de groupe(s), « allégorie réelle » de la situation des arts au tournant...
  • ROMANTISME

    • Écrit par Henri PEYRE, Henri ZERNER
    • 22 170 mots
    • 24 médias
    ...condition qu'on n'oublie pas que dans toute œuvre d'art les deux démarches sont associées. Dans une œuvre aussi réaliste que Les Casseurs de pierres de Courbet (1850 ; tableau détruit, anciennement au musée de Dresde), la métaphore de la vie humaine (la lourde pierre portée par le garçonnet, qui va...
  • CAFÉS LITTÉRAIRES

    • Écrit par Gérard-Georges LEMAIRE
    • 7 712 mots
    • 3 médias
    À fin des années 1840, Gustave Courbet, qui s'est installé rue de Hautefeuille, fréquente la Brasserie Andler-Keller sise à l'angle de la rue de l'École-de-Médecine. Selon le champion de l'école réaliste naissante, Jules Castagnary, il s'agit là de « l'annexe de son atelier ». C'est peut-être...
  • Afficher les 12 références

Voir aussi