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TEMPS DES TROUBLES (1598-1613)

On désigne ainsi la période particulièrement agitée de l'histoire russe qui commence à la mort du dernier descendant des Riourikides en 1598, le tsar Fiodor, et s'achève par l'établissement d'une nouvelle dynastie, celle des Romanov.

Cette crise revêt trois aspects fondamentaux : tout d'abord, il s'agit d'une crise dynastique. Il n'existait pas de loi de succession au trône. En dépit des décisions des états généraux (Zemskij Sobor) qui portèrent sur le trône l'habile et intelligent Boris Godounov (1595-1605) puis le représentant des boyards, Basile Chouïski (1605-1610), des prétendants, se faisant passer pour Dmitri, le fils d'Ivan IV miraculeusement échappé à la mort, réclamèrent leurs droits héréditaires et plus curieusement réussirent en partie dans leur entreprise. Le premier faux Dmitri, peut-être le moine Grégoire Otrepev, règne à Moscou de juin 1605 à mai 1606 ; le deuxième faux Dmitri, plus connu sous le nom de « Bandit » de Tušino, petite ville proche de Moscou où il avait établi sa cour et son gouvernement, menace Moscou en 1608 ; un troisième faux Dmitri apparaît en 1611 à Pskov au moment où Suédois et Polonais envahissent la Russie. Enfin le Zemskij Sobor de 1613 élit comme tsar Michel Romanov ; cette sélection marque la fin du Temps des troubles. Toutefois, l'importance du rôle joué par les faux Dmitri montre l'immaturité politique des Russes. C'est ensuite une crise sociale qui se développe, surtout sous le règne de Basile Chouïski, le tsar des boyards.

L'opposition se manifeste par de nombreux soulèvements, surtout parmi les couches les plus déshéritées de la population, sous la conduite de Bolotnikov. Ce mouvement met en cause la politique oppressive de la Russie moscovite à l'égard des minorités (Mordves, etc.) ainsi que le système social. Bolotnikov se présente lui aussi comme le serviteur du faux Dmitri, puis du faux Pierre, fils légendaire du tsar Fiodor. Finalement, en 1607, Chouïski vient à bout du soulèvement.

C'est enfin une crise nationale car, après l'assassinat de Basile Chouïski en juin 1610, les Moscovites, en août de la même année, offrent le trône à Władisław, fils du roi de Pologne Sigismond III, sous réserve de sa conversion à l'orthodoxie. Sigismond, au nom de son fils, refuse ce dernier point et entreprend la conquête du pays. À la fin de l'année 1610, les Polonais occupent Moscou et une bonne partie de la Russie occidentale ; les Suédois sont à Novgorod.

Toutefois, ces agressions polonaises et suédoises ont pour effet de faire naître le sentiment national russe exprimé dans les appels du patriarche Hermogène et de Denys, abbé du monastère de la Trinité-Saint-Serge, pour la libération de Moscou.

Le mouvement de libération nationale part de Nijni-Novgorod, avec, pour chef, Kuzma Minin, un boucher, selon la tradition, qui confie le commandement de l'armée au prince Dmitri Pojarski. En novembre 1612, Moscou est libérée et, en février 1613, Michel Romanov élu tsar. À l'issue de cette grande victoire nationale, la Russie fut profondément transformée. L'État et l'Église russes y gagnèrent en prestige et en autorité ; en revanche dans la décennie suivante, la condition des paysans se dégrada considérablement par suite de l'établissement du servage.

— Jean-Pierre ARRIGNON

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