STYLE 1200
Le facteur anglais
Il ne faut pourtant pas penser que le « style 1200 » ait été homogène. La peinture de cette période – c'est-à-dire l' enluminure des manuscrits, le vitrail et, tout à fait subsidiairement, la peinture monumentale – en offre la meilleure démonstration. L'Angleterre présente, dans ces domaines, une œuvre de signification exceptionnelle : l'ensemble des vitraux du chœur de Canterbury, peints entre 1178 et 1220 environ, déplacés depuis le xviiie siècle, mal conservés, mais d'une richesse iconographique et formelle que seuls les vitraux français de Chartres ou de Bourges, un peu plus récents, égaleront ou dépasseront. Dans certains de ces vitraux, notamment dans les grandes figures des fenêtres hautes (Adam bêchant après son expulsion du Paradis, le majestueux Mathusalem), on voit une inspiration proprement « antiquisante » par l'ampleur du dessin, l'abandon de toute formule romane de stylisation, par la noblesse des visages. Un grand nombre d'artistes ont contribué à l'exécution des vitraux de Canterbury, et plusieurs variantes stylistiques plus ou moins évoluées, parfois de tendances françaises (Sens, Saint-Quentin), parfois typiquement anglaises, telle une tension formelle presque fantastique (Parabole du Semeur, par exemple), s'y font jour. On constate facilement les rapports entre ces vitraux et certains manuscrits anglais de la même époque : on a insisté sur la parenté avec l'extraordinaire Psautier de Paris (Bibl. nat., ms. 8846), fait à Canterbury vers 1200, copie d'un manuscrit carolingien (Psautier d'Utrecht) où se révèlent pourtant, surtout dans les premiers folios, de fortes influences byzantines. Un autre manuscrit illustre, la Bible de Winchester (Bibl. du chapitre de la cathédrale), offre un étonnant mélange de styles. Certaines miniatures sont romanes, apparentées aux fantastiques inventions du milieu du xiie siècle (telle la Bible de Lambeth) ; d'autres sont de facture proprement byzantine, d'autres encore d'un « classicisme » comparable à celui des vitraux de Canterbury, les dernières conduisant déjà à la stylisation gothique. On ne connaît pas la date précise – ou les dates – de cette œuvre étonnante, qui démontre fort bien le caractère « expérimental » et inventif de l'art autour de 1200 en Angleterre du Sud-Est.
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Écrit par
- Louis GRODECKI : professeur à la faculté des lettres et sciences humaines de Paris
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