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SITUATIONNISTES

Revue qui a marqué profondément les années 1960, l'Internationale situationniste a eu douze numéros entre 1958 et 1969 (repris en volume, Champ libre, 1975) et a influé, par ses critiques idéologiques, sociales et politiques, sur le mouvement de mai 1968. Le principal animateur du groupe situationniste fut Guy Debord (1931-1994), qui découvrit dans les années 1950 la pensée du philosophe marxiste Henri Lefebvre, alors en rupture avec le Parti communiste français. Il puisa notamment dans La Critique de la vie quotidienne (1947) et dans La Somme et le reste (1958) les fondements d'une critique non seulement théorique mais aussi pratique de la société moderne (cf. R. Hess, Henri Lefebvre et l'aventure du siècle, 1988). En 1965, Debord rompt avec Lefebvre, qu'il juge trop abstrait, en prétextant que La Proclamation de la Commune (1965) est un plagiat d'un tract situationniste. Pour les situationnistes, il convient d'être davantage dans la pratique que dans la philosophie. L'Internationale situationniste a rassemblé soixante-dix membres entre 1958 et 1969, année de son autodissolution. Elle est alors composée de sections nationales qui ont déployé leurs activités en France, aux Pays-Bas, en Grande-Bretagne, en Allemagne, en Suède, en Belgique, au Danemark, en Amérique, en Algérie, en Tunisie, en Italie. Un autre membre influent du mouvement est Raoul Vaneigem, auteur du célèbre Traité de savoir-vivre à l'usage des jeunes générations (1967). Un groupe d'étudiants situationnistes se développe à Strasbourg (où enseigne Lefebvre) entre 1964 et 1966. Il fait la critique de la « misère en milieu étudiant » et considère que l'étudiant moyen n'aspire qu'à une chose : être le valet du grand capital en tentant le plus rapidement possible d'obtenir une place dans une société de classes (De la misère en milieu étudiant... et de quelques moyens pour y remédier, 1966). Plus généralement, la revue l'Internationale situationniste s'attaque à la pensée de gauche de l'époque, notamment à Arguments, publication animée par Edgar Morin, Kostas Axelos, Jean Duvignaud, Pierre Fougeyrollas, Georges Lapassade, et à Socialisme ou barbarie, revue dirigée par Cornélius Castoriadis et Claude Lefort. Elle porte ses critiques sur l'art, l'urbanisme, la sociologie. Radicale et polémique, elle n'hésite pas à pratiquer l'insulte, élevée au rang de nouveau genre culturel.

En 1967, Guy Debord publie La Société du spectacle, ouvrage qui reprend toutes les critiques élaborées dans l'Internationale situationniste et qui, écrit sous forme d'aphorismes, montre que notre société « préfère l'image à la chose, la copie à l'original, la représentation à la réalité, l'apparence à l'être [...] » (citation de Feuerbach, placée en exergue du premier chapitre). La marchandise n'est plus une réalité, mais avant tout un spectacle. Poussant à bout les conséquences de cette affirmation, Debord conclut que le prolétariat, s'il est un sujet, est aussi une « représentation ». Ce livre, fondamental pour comprendre les contradictions de la « société de consommation » où l'acte de consommation symbolique l'emporte sur l'acte productif, a eu des prolongements dans le champ de la critique esthétique, culturelle, sociologique. Il a marqué, par exemple, l'œuvre de Jean Baudrillard (cf. La Société de consommation, 1974). L'Internationale situationniste a aussi exercé son influence sur les praticiens de l'aménagement du territoire, de la publicité, etc. René Lourau, dans L'Autodissolution des avant-gardes (1980) et, plus généralement, dans sa conception de l'analyse institutionnelle, lui reprend cette affirmation selon laquelle la perspective révolutionnaire doit mêler la critique théorique et la critique[...]

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Écrit par

  • : agrégé de l'Université, docteur ès lettres et sciences humaines, maître de conférences à l'université de Paris-VIII

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