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ART URBAIN

Pochoir d'Artiste-ouvrier - crédits : C. Mouly

Pochoir d'Artiste-ouvrier

Né au cours des années 1960, l'art urbain n'est pas à proprement parler un mouvement. S'il semble parfois confondu avec le graffiti né sur la côte est des États-Unis, ou encore avec sa déclinaison plus récente en « street art », ce phénomène mondial rassemble en effet les pratiques et les supports les plus divers : calligraphie au marqueur ou à la bombe aérosol, pochoir, affiche, peinture murale, détournement publicitaire ou signalétique, murs des espaces publics... Certaines interventions sont politiques, d'autres font de l'espace urbain le cadre d'un questionnement d'ordre conceptuel. D'autres enfin se fixent pour unique but de réenchanter la ville ou d'en faire un terrain d'aventure et de jeu. De Futura à Miss.Tic, d'Ernest Pignon-Ernest à JR, aucune unité formelle, générationnelle, idéologique ou même territoriale n'émerge, sinon ce plus petit dénominateur commun : la rue.

Un art de la marge

Son ancrage contextuel ne suffit pourtant pas à définir une pratique dont on sent qu'elle présente, au-delà de ses différentes chapelles, quelques traits communs. Le premier d'entre eux tient au caractère illégal ou « à peine légal » (pour reprendre le titre d'une exposition de l'artiste Banksy) d'un art dont l'histoire charrie son lot d'arrestations et de procès. À l'inverse de l'art public, l'art urbain se déploie dans une zone grise entre vandalisme et commande, entre marché de l'art et refus de l'art comme marchandise. Si certains artistes urbains ont fini par bénéficier des subventions municipales ou par seconder les politiques culturelles des entreprises et des institutions (témoins depuis les années 2000 les expositions de street art à la Tate Modern de Londres, à la fondation Cartier de Paris et au Museum of Contemporary Art de Los Angeles), leurs interventions se créent le plus souvent à l'insu des autorités, et parfois contre elles.

Cette marginalité est généralement subie. Les artistes qui interviennent dans la rue sont d'abord ceux dont les galeries ne veulent pas et dont les modes d'expression semblent trop naïfs ou populaires pour recevoir l'assentiment de l'élite artistique. Mais il arrive que cette marginalité soit revendiquée. Choisir la rue contre l'institution, c'est affirmer que l'œuvre peut s'adresser au public le plus large possible ; c'est aussi contester le travail de sélection, de digestion et de « récupération » en vigueur dans le milieu de l'art. C'est aussi subvertir le régime de signes (signalétique, publicité) par lequel le pouvoir tisse son empire sur la ville et y reconquérir des espaces toujours plus neutres, toujours plus quadrillés. En cela, l'art urbain possède peu ou prou une portée politique, qu'elle soit assumée ou non. De fait, son illégalité ouvre sur un autre régime de la création, où la gratuité conduit à la recherche d'un équilibre entre économie de moyens et impact sur le public. Les techniques sont choisies pour leur rapidité d'exécution, et le passage à l'acte importe au moins autant que les composantes formelles de l'œuvre. La dégradation de la création par les passants ou les intempéries devient porteuse de sens.

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Pour citer cet article

Stéphanie LEMOINE. ART URBAIN [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Médias

Pochoir d'Artiste-ouvrier - crédits : C. Mouly

Pochoir d'Artiste-ouvrier

New York, Graffiti, H. Levitt - crédits : Y. Bresson/ Musée d'art moderne, Saint-Etienne-Métropole

New York, Graffiti, H. Levitt

<em>Wrinkles of the City</em> à Los Angeles, JR - crédits :  Cdrin/ Shutterstock

Wrinkles of the City à Los Angeles, JR

Autres références

  • BANKSY (1974- )

    • Écrit par Stéphanie LEMOINE
    • 1 126 mots

    Figure incontournable de l'art urbain contemporain, Banksy en est aussi l'une des plus paradoxales : protégeant son anonymat, il sait entretenir au besoin la curiosité publique et médiatique. Résistant à toute tentative d'institutionnalisation, il n'en a pas moins publié plusieurs livres, monté...

  • GRAFFITI

    • Écrit par Glen D. CURRY, Scott H. DECKER, Universalis, William P. MCLEAN
    • 5 879 mots
    • 1 média
    ...fresques signées par des artistes, certains graffiti remarquables peuvent embellir un quartier et évoquer les intérêts d'une communauté particulière. Ainsi, les graffiti très élaborés réalisés dans de nombreux quartiers hispaniques aux États-Unis sont considérés par un grand nombre comme une forme d'...
  • JR (1983 env. - )

    • Écrit par Stéphanie LEMOINE
    • 990 mots
    • 1 média

    De tous les artistes français de la scène street art, JR est sans doute celui dont le parcours est le plus singulier et l'ascension la plus fulgurante. Après avoir tenu les rues du monde entier pour la « plus grande galerie d'art au monde », il compte désormais parmi les artistes de la galerie Perrotin...

  • PIGNON-ERNEST ERNEST (1942- )

    • Écrit par Gilbert LASCAULT
    • 2 016 mots

    Le dessinateur, peintre, créateur d'événements à travers le monde Ernest Pignon-Ernest est né à Nice en 1942.

    Travaillant la ville comme un matériau plastique et symbolique, Ernest Pignon-Ernest crée des œuvres éphémères par nature dont les traces nous sont offertes, dans les musées et dans...

Voir aussi