Abonnez-vous à Universalis pour 1 euro

CONSTANT CONSTANT ANTON NIEUWENHUYS (1920-2005)

L'œuvre du peintre et théoricien néerlandais Constant Anton Nieuwenhuys, dit Constant, en témoigne : les mots « cité » ou « terrain vague » n'ont pas vocation à nourrir la seule propagande sécuritaire. La ville, support de ses spéculations plastiques et théoriques les plus captivantes, abrita aussi sa vision « utopienne » (Henri Lefèbvre) : celle d'un « monde sans frontières », où l'existence de l'homo ludens selon Huizinga serait régie par les instances du jeu et du désir – moteurs, aux yeux de Constant, de l'activité créatrice.

S'il a pu en effet, comme nombre de jeunes artistes de sa génération, s'estimer « condamné à l'expérimentation par les mêmes causes qui acculent le monde à la lutte », Constant ne trouva aucun refuge confortable dans la gestuelle expérimentale, préférant ne renoncer ni à l'art, ni à sa critique la plus radicale. Son projet d'urbanisme New Babylon (1959-1969) constitue à cet égard une remarquable tentative de dépassement de la tension entre l'esthétique et le politique, dans la mesure où la perte de distinction entre les disciplines artistiques, ainsi que la déchéance du concept d'architecture, sont inscrites au cœur de son organisation.

Né à Amsterdam le 21 juillet 1920, Constant eut à subir, durant ses années de formation, les diktats esthétiques promulgués par la Kultuur Kamer à la botte de l'occupant nazi. Dès après la guerre, la liberté formelle et la puissance de coloris émanant de ses toiles annoncent les principes d'expression qui régiront l'activité du Groupe expérimental hollandais, fondé en juillet 1948 avec Karel Appel et Corneille, puis du groupe Cobra, créé en novembre de la même année.

Farouchement opposé à l'art abstrait, Constant appelle en 1949 à « remplir la toile vierge de Mondrian même si ce n'est qu'avec nos malheurs ». Cela se traduira dans son œuvre, en 1950-1951, par l'exploration de thèmes guerriers réveillant les hantises alors refoulées par ses contemporains (Camp de concentration, 1950 ; Huit Fois la guerre, 1950-1951). À partir de 1952, Constant tourne le dos au spontanéisme pictural pour promouvoir, avec l'architecte Aldo van Eyck, l'émergence « d'un ordre plus élevé de réalité tridimensionnelle ». Les espaces constructivistes qu'il conçoit dès 1954 constituent les étapes inaugurales de la fondation d'un « art total » consacrant l'« unité absolue des arts plastiques ».

C'est à Alba en Italie, lors du Congrès mondial des artistes libres organisé par Asger Jorn, que Constant rencontre Gil J. Wolman, en septembre 1956, et prend connaissance des principes de l'« urbanisme unitaire » et de la « dérive » préconisés par les lettristes. Il y visite également un camp de gitans, dont la structure éphémère lui dictera celle de ses premières maquettes (Projet pour un camp de gitans à Alba, 1956). En novembre 1958, Constant définit avec Guy Debord le programme de l'Internationale situationniste, qui annonce la « décomposition des arts individuels ». Parallèlement, il lance le projet de New Babylon, qu'il poursuivra durant une dizaine d'années, d'abord au sein de l'I.S., puis pour son propre compte à partir de 1960.

Les maquettes résultant de cette recherche offrent la vision d'un espace transparent suspendu entre ciel et terre, où le « nomadisme », mode d'invention permanente de chaque destinée, est sans doute la seule loi en vigueur. Après avoir abandonné ce projet visionnaire aux architectes d'avant-garde des années 1970, Constant se consacrera exclusivement à une peinture qu'il n'a, au demeurant, jamais abandonnée ; il produit dès lors avec patience et lenteur des toiles où les labyrinthes (Ode à l'Odéon, 1969 ; Entrée du labyrinthe[...]

La suite de cet article est accessible aux abonnés

  • Des contenus variés, complets et fiables
  • Accessible sur tous les écrans
  • Pas de publicité

Découvrez nos offres

Déjà abonné ? Se connecter

Écrit par

  • : docteur en histoire de l'art à l'université de Paris-I-Panthéon-Sorbonne

Classification

Pour citer cet article

Catherine VASSEUR. CONSTANT CONSTANT ANTON NIEUWENHUYS (1920-2005) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Autres références

  • APPEL KAREL (1921-2006)

    • Écrit par Hervé GAUVILLE
    • 730 mots

    Reflex est le nom de la revue à laquelle l'artiste néerlandais Karel Appel, âgé de vingt-sept ans, a d'abord associé son nom, à côté de ceux de poètes et des peintres Constant et Corneille. Les peintures d’Appel renvoient, par un excès dans les formes et les couleurs d’une grande intensité expressive,...

  • COBRA, mouvement artistique

    • Écrit par Catherine VASSEUR
    • 2 421 mots
    • 1 média
    C'est à Paris, le 8 novembre 1948, à l'issue d'une réunion organisée par les représentants du surréalisme révolutionnaire, que Christian Dotremont et Joseph Noiret (du centre surréaliste révolutionnaire belge), Asger Jorn (du groupe expérimental danois), Karel Appel, Constant...

Voir aussi