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HORN SHIRLEY (1934-2005)

Il aura fallu la ténacité de plusieurs géants du jazz pour que soit – tardivement – reconnu son talent et qu'une place de choix lui soit concédée parmi l'élite des interprètes américains : Shirley Horn est l'une des très rares chanteuses à avoir su recueillir l'héritage de Billie Holiday et, par la rigueur de son style, à s'en montrer digne.

Shirley Valerie Horn naît à Washington (D.C.) le 1er mai 1934, dans une famille noire de la classe moyenne. Elle joue du piano dès l'âge de quatre ans, prend ses premières leçons à cinq ans, poursuit ses études musicales (piano et composition) à la Howard University de Washington (1946-1950). Admise à la Juilliard School of Music, elle ne peut malheureusement y entrer, sa famille n'ayant pas les moyens d'assumer les frais de scolarité du prestigieux établissement new-yorkais. Dès 1954, elle anime un trio où elle chante tout en s'accompagnant au piano ; ses modèles sont Erroll Garner, Oscar Peterson et Ahmad Jamal. Elle dirige dans sa ville natale un club à l'enseigne de The Place Where Louie Dwells et commence à se faire localement un nom dans le monde musical. Jimmy Jones, John Lewis, Quincy Jones et, surtout, Miles Davis lui portent, dès cette époque, le plus vif intérêt. Elle grave en 1960 son premier album, Embers and Ashes, ce qui incite Miles Davis à l'imposer, à la fin de cette même année, en première partie de ses concerts au Village Vanguard de New York ; le trompettiste l'introduit chez Mercury, où elle côtoie notamment le pianiste Hank Jones et le guitariste Kenny Burrell ; elle enregistre en 1963 deux albums produits par Quincy Jones, Loads of Love et Shirley Horn with Horns.

Malgré d'aussi remarquables débuts, Shirley Horn abandonne pratiquement sa carrière au milieu des années 1960 – elle ne se produira sporadiquement qu'à Washington et à Baltimore – pour se consacrer entièrement à sa famille. En 1978, la firme phonographique danoise SteepleChase lui propose, à l'instigation du batteur Billy Hart, un de ses fidèles accompagnateurs depuis ses débuts, d'enregistrer avec ce dernier et le contrebassiste Buster Williams : l'album qui en résulte, A Lazy Afternoon, demeure célèbre. Elle fait de tardifs mais triomphants débuts européens en 1981, au North Sea Jazz Festival de La Haye. Elle retrouve alors le chemin des salles de concerts et, pour la compagnie Verve, celui des studios, avec de nouveaux partenaires : Buck Hill, Wynton Marsalis et Branford Marsalis, Joe Henderson, Toots Thielemans, Miles Davis, qui va jusqu'à accepter le rôle de sideman dans l'album You Won't Forget Me (1990) ; Shirley Horn lui rendra hommage en 1997 avec l'album I Remember Miles. Shirley Horn a longtemps travaillé au sein d'un trio qui comprenait Charles Ables à la guitare électrique basse et Steve Williams à la batterie. Souffrant de diabète, elle doit en 2001 subir l'amputation du pied droit, mais elle continuera à se produire, en chaise roulante, jusqu'au début de l'année 2005. Shirley Horn meurt à Washington le 20 octobre 2005.

Au carrefour de la comédie musicale de Broadway, du chant religieux afro-américain et du blues, le répertoire de Shirley Horn accueille tout autant le jazz et les standards de la chanson américaine que les succès de Ray Charles. La voix séduit d'emblée par une émission souvent feutrée qui évoque irrésistiblement la sourdine de Miles Davis et, plus encore peut-être, de Chet Baker. Avec la maîtrise souveraine d'un timbre tour à tour rauque ou velouté et le contrôle absolu d'un souffle inépuisable, elle ose le « parler » et le silence avec le même raffinement et la même évidence. Les interventions de la pianiste, discrètes, denses mais toujours d'une pertinence rare, révèlent un savoir harmonique et un sens des couleurs qui renvoient à la fois à [...]

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Pierre BRETON. HORN SHIRLEY (1934-2005) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )