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AILLAUD GILLES (1928-2005)

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Né en 1928 à Paris, le peintre Gilles Aillaud, fils de l'architecte Émile Aillaud, étudia la philosophie après guerre, puis revint à la peinture qu'il avait pratiquée avec assiduité durant son adolescence. Son devenir-peintre n'eut pas lieu dans une école des Beaux-Arts mais silencieusement, dans un isolement qui dura plus d'une décennie. De cette période il gardera une étonnante capacité à se tenir à l'écart des courants et des modes. En un temps où l'on était abstrait ou figuratif, il peignit des animaux non domestiques, en attente dans des sites aménagés par les hommes à leur intention au jardin zoologique, animaux indifférents aux passions humaines. La critique rangea sa peinture sous la rubrique animalière et souligna l'enfermement, l'absence de liberté de ces lions, tigres, serpents, éléphants et crocodiles. Elle ne perçut pas l'émerveillement, l'effarement, la jubilation du peintre devant son sujet.

Dans les années 1960, Gilles Aillaud participa à des expositions d'œuvres réalisées à plusieurs, ainsi en 1965 avec Eduardo Arroyo et Antonio Recalcati, Une passion dans le désert, puis Vivre et laisser mourir, ou la Fin tragique de Marcel Duchamp, où ces trois peintres se représentèrent en train d'assassiner celui qui était devenu le pape de l'avant-garde, comme l'eussent fait trois voyous dans un thriller. Cette œuvre collective, présentée à la galerie Creuze à Paris, dans le cadre de l'exposition manifeste La Figuration narrative dans l'art contemporain, fit scandale et fut considérée par l'establishment artistique comme une provocation. Elle conduira Aillaud à expliciter son rejet non seulement de la classification traditionnelle des « beaux-arts », mais aussi de la croyance avant-gardiste et de son injonction à toujours innover, qui « contribue à anesthésier la sensibilité plutôt qu'à stimuler les pouvoirs d'action de l'esprit ». Ces prises de position sont la forme initiale d'une activité littéraire qui prendra un tour philosophique et politique, au temps de sa participation au Salon de la jeune peinture (de 1966 à 1971), avant de s'épanouir sur le mode du poème et de l'écriture dramatique.

Aillaud publiera un essai sur Vermeer en 1986, deux recueils de poèmes – Dans le bleu foncé du matin en 1987 et Du pareil au même en 1995 –, une Mise au point en 1994, et deux pièces de théâtre : Vermeer et Spinoza en 1987 et Le Masque de Robespierre en 1996. Au début des années 1970, il deviendra un très remarquable inventeur d'espaces de théâtre (et d'opéra). Avec Klaus-Michael Grüber il traitera le répertoire classique allemand selon une esthétique conjuguant lecture ontologique et style élégiaque ; avec moi-même il montera ses propres pièces et, dans une relation agonistique, la littérature « post-brechtienne » de Heiner Müller. Le théâtre fut pour lui une autre forme du travail à plusieurs.

Quant à la poésie, c'est dans la solitude de l'atelier et dans son travail de peintre qu'il en découvrit l'alchimie. Un étrange rapport entre peinture et poèmes libère alors les potentialités de sa peinture : « voir sans être vu », dire l'expérience du visible.

Ses dessins, aquarelles et peintures à l'huile exaltent des registres différents du regard. Ni les aquarelles ni les dessins ne préparent aux tableaux. Les dessins déplient une sorte d'archéologie du regard sur ses proches. Les paysages des îles grecques ou d'Haghia Niki – la Sainte Victoire dans la langue des présocratiques – semblent réclamer la légèreté de l'aquarelle, les animaux et paysages de savane requérir la lithographie dessinée à même la pierre. Quelques sujets passent cependant d'un registre à un autre. Sa peinture, indifférente aux conventions du figuratif et de l'abstrait, s'efface à mesure qu'elle fait apparaître,[...]

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Écrit par

  • : traducteur, auteur, metteur en scène, maître de conférences (arts du spectacle) à l'université de Paris-X-Nanterre

Classification

Pour citer cet article

Jean JOURDHEUIL. AILLAUD GILLES (1928-2005) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Article mis en ligne le et modifié le 25/03/2009

Autres références

  • ARROYO EDUARDO (1937-2018)

    • Écrit par et
    • 1 045 mots

    Né à Madrid le 26 février 1937, Eduardo Arroyo, qui a vécu et travaillé à Paris de 1958 à 1982 en effectuant quelques séjours en Italie et à Berlin, est l'un des peintres européens les plus offensifs qui aient été révélés depuis les années 1960. Élève de l'école de journalisme de Madrid, il est...