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SARDAIGNE

La mise en place du royaume (1713-1792)

Le traité d'Utrecht attribuait au duc de Savoie, Victor-Amédée II, le « royaume de Sicile », en récompense pour sa participation active à la guerre de Succession d'Espagne contre la France, dont le Piémont-Savoie avait été le fidèle vassal de 1631 à 1690. Il recouvrait aussi la Savoie, mais devait abandonner ses prétentions sur les pays à l'ouest des Alpes et du Rhône ; par contre, le caractère « péninsulaire » (sinon italien) de la dynastie s'affirmait avec l'acquisition de la Sicile, de Casale et du Montferrat. Elle profitait aussi de l'annexion des hautes vallées vaudoises au-dessus de Pignerol (déjà acquis en 1696), pour neutraliser le col du Mont-Genèvre et, grâce aux difficultés d'accès au Grand-Saint-Bernard et au Simplon, pour concentrer tout le trafic transalpin sur le col du Mont-Cenis. Tout fut compromis par les intrigues d'Alberoni, ainsi que par les tergiversations du souverain. Aux traités de Londres de 1718 et de 1720, la France et l'Angleterre obligèrent Victor-Amédée II à échanger avec l'empereur Charles VI la Sicile contre la Sardaigne, vieille terre espagnole elle aussi, mais bien plus pauvre.

Les États sardes formaient une mosaïque de principautés, chacune avec ses institutions propres et sa mentalité particulière et n'ayant entre elles rien de commun sinon l'identité de souverain. Mais, progressivement, cet ensemble devint un édifice cohérent et organisé, doté d'un gouvernement efficace. Prenant modèle sur Madrid pour le style, sur Berlin pour les principes de gouvernement, et ses alliances matrimoniales à Versailles et à Vienne, la monarchie sarde adopta un despotisme centralisateur et rationnel sans pouvoir être qualifié d'« éclairé », du fait de l'ostracisme pratiqué à l'égard des philosophes. Victor-Amédée II (roi de Sardaigne de 1720 à 1730), curieux mélange d'intelligence, d'ambition et de mesquinerie, prit comme devise et programme de « grandir son État dans l'Europe et son propre pouvoir dans cet État ». Charles-Emmanuel III (r. 1730-1773) poursuivit cette politique autoritaire, mais avec plus de souplesse, persuadé « que les réformes doivent être pressenties par le prince avant d'être désirées par les sujets ». Victor-Amédée III (r. 1773-1796), beaucoup moins brillant que son père, ne revint pas sur les réformes de ce dernier, mais il préféra calmer les oppositions qu'elles avaient soulevées plutôt que les poursuivre.

En politique intérieure, des ministres dévoués et travailleurs, tels Mellarède, Ormea, Caissotti, Pensabène, dotèrent la monarchie de tous les instruments politiques nécessaires. Un plan autoritaire fit de Turin une capitale vraiment royale, couverte de monuments (ainsi la nécropole royale de la Superga) et dotée, dès 1720, d'une université. Les Royales Constitutions de 1723, révisées en 1770, assurèrent une législation écrite unique pour tout le royaume. De 1728 à 1780, une cadastration générale (la première du genre en Europe) permit des levées fiscales régulières, d'autant plus importantes que les biens fonciers de la noblesse et du clergé furent eux aussi soumis à l'impôt. L'administration centrale, déjà fort structurée, s'entoura d'une multitude de services spécialisés, tatillons et omnipotents : le magistrat de la Santé, celui de la Réforme (des études), le tabellion (enregistrement), la Caisse des ponts et chaussées, l'Office des blés, l'Office des soldes, le Service des casernes. La conscription, les règlements à l'allemande firent de l'armée un instrument efficace, docile et sûr. Dans les provinces, les sénats, les conseils de villes, les assemblées locales durent se soumettre à la volonté royale transmise par les intendants des provinces, les[...]

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Écrit par

  • : attaché de recherche au C.N.R.S.
  • : maître assistant à l'université de Toulouse-Le-Mirail, expert de l'Organisation des Nations unies à Chypre
  • Universalis : services rédactionnels de l'Encyclopædia Universalis

Classification

Pour citer cet article

Universalis, André PALLUEL-GUILLARD et Pierre-Yves PÉCHOUX. SARDAIGNE [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Médias

Italie : carte administrative - crédits : Encyclopædia Universalis France

Italie : carte administrative

Cardo Maximus, Tharros - crédits :  Bridgeman Images

Cardo Maximus, Tharros

Nora, Sardaigne - crédits : Enrico Spanu/ REDA&CO/ Universal Images Group/ Getty Images

Nora, Sardaigne

Autres références

  • CAGLIARI

    • Écrit par Robert BERGERON
    • 445 mots
    • 2 médias

    Port du Campidano et de la Sardaigne méridionale, chef-lieu de l'île, Cagliari a une morphologie urbaine marquée par quelques phases historiques importantes. S'il ne reste des villes phéniciennes puis romaines que quelques vestiges, le patrimoine hérité des dominations pisane et aragonaise est notable...

  • CAVOUR CAMILLO BENSO DE (1810-1861)

    • Écrit par Franco CATALANO, Universalis
    • 3 212 mots
    • 1 média
    ...du siècle était abandonnée, au profit d'une politique réaliste qui jouait avec les forces réelles existantes, afin d'obtenir des résultats déterminés. Par la même occasion, Cavour poursuivait cet autre but de faire sortir le royaume de Sardaigne de son isolement et de l'intégrer dans la vie européenne....
  • DELEDDA GRAZIA (1871-1936)

    • Écrit par Pascaline NICOU
    • 921 mots
    • 1 média

    Née en 1871 à Nuoro en Sardaigne, dans une famille relativement aisée, Grazia Deledda se découvre une vocation précoce pour l'écriture, et publie d'abord des nouvelles et des romans sentimentaux dans de modestes revues. En 1900, elle s'installe à Rome avec son mari. Si elle vit toujours dans le...

  • GRIMALDI LES

    • Écrit par Hervé PINOTEAU
    • 599 mots

    Importante famille génoise remontant à Othon Canella, consul à Gênes (1133) et dont le fils Grimaldo donna le nom à une descendance prolifique. Parmi ces Grimaldi, François, dit la Malice, s'empara en 1297, par surprise et pour peu de temps, du rocher de Monaco, terre provençale donnée...

Voir aussi