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SALUT

Le salut chrétien

On se heurte à quelques problèmes quand on essaie de dégager la doctrine du salut dans le Nouveau Testament. Sans doute le titre de sauveur y est-il, à de multiples reprises, attribué au Christ ; mais c'est seulement dans les parties les plus récentes du texte, à savoir dans les épîtres pastorales, dans l'évangile de l'enfance (début de Luc), et dans l'Évangile de Jean ; il n'y en a pas trace dans la catéchèse des Évangiles synoptiques. D'autre part, on a vu que, selon le témoignage des inscriptions, la religion grecque populaire associait fréquemment, à propos des dieux ou des princes, le titre de sauveur et l'idée de manifestation ; or, curieusement, on rencontre la même conjonction, opérée sur la personne de Jésus, dans les épîtres pastorales ; ainsi dans l'Épître à Tite(ii, 13) : « En attendant le bienheureux objet de notre espérance et la glorieuse manifestation de notre grand Dieu et sauveur le Christ Jésus », et encore dans la IIe Épître à Timothée(i, 10) ; une telle coïncidence laisse supposer une influence exercée sur saint Paul par les schèmes religieux du paganisme contemporain, et émousse la portée de ses descriptions de la fonction salvifique assumée par le Christ.

Mais l'originalité irréductible du Nouveau Testament, notamment dans sa partie paulinienne, reste entière sur deux points essentiels. D'une part, il emploie le titre de sauveur dans le sens eschatologique, tout à fait ignoré des documents hellénistiques ; ainsi dans l'Épître aux Philippiens(iii, 20) : « Pour nous, notre patrie, c'est le ciel d'où nous attendons comme sauveur Notre Seigneur Jésus-Christ. » D'autre part, il le fait dans un contexte de rédemption, également original, comme on le voit par exemple dans l'Épître à Tite (ii, 14 ; suite du texte cité plus haut) : « Notre sauveur le Christ Jésus, lequel s'est livré en personne pour nous, afin de mieux racheter nos iniquités. »

En définitive, la notion du salut qui domine dans le Nouveau Testament concerne le salut messianique, conçu non seulement comme la préservation des maux, même spirituels, mais comme la possession eschatologique de la plénitude du bien. Non que le mot n'y apparaisse pas souvent dans le sens profane, appliqué par exemple aux guérisons miraculeuses de la maladie ou de la mort corporelles ; mais, même alors, celles-ci sont la plupart du temps regardées comme le signe de la santé ou de la vie spirituelles ; on peut citer à cet égard le discours de Pierre à Jérusalem reproduit dans les Actes des Apôtres(iv, 8-12) : « Chefs du peuple et anciens, puisque, aujourd'hui, à l'occasion d'un bienfait accordé à un homme infirme, on nous interroge par quel moyen il a été guéri, sachez-le bien, vous tous et tout le peuple d'Israël, c'est au nom de Jésus-Christ de Nazareth, que vous avez crucifié et que Dieu a ressuscité des morts ; c'est par lui que cet homme se présente devant vous guéri. C'est lui la pierre qui, rejetée par vous, les bâtisseurs, est devenue tête d'angle. Et le salut ne se trouve dans aucun autre ; car il n'est dans le ciel aucun autre nom donné aux hommes, par qui nous devions être sauvés. »

Enfin, qu'il soit considéré, négativement, comme la libération qui délivre du péché ou, positivement, comme la surabondance des plus hauts biens imaginables, le salut eschatologique appartient par définition au futur ; pourtant, il a d'une certaine façon commencé dès ici-bas, ce qui explique que le Nouveau Testament emploie assez souvent le verbe « sauver » au passé. Car le salut déjà venu se présente comme le gage du salut à venir ; un excellent raccourci de cette double polarité, en même temps que de toute la doctrine, se lit dans l'Épître à Tite encore (iii, 4-7) : « Mais[...]

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Écrit par

  • : pasteur, président du journal Réforme
  • : directeur de recherche au C.N.R.S., chargé de conférences à l'École pratique des hautes études (IVe section)

Classification

Pour citer cet article

André DUMAS et Jean PÉPIN. SALUT [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Autres références

  • ABHINAVAGUPTA (fin Xe-déb. XIe s.)

    • Écrit par Jean NAUDOU
    • 852 mots

    Abhinavagupta se réclame, comme tous les shivaïtes, des āgama ou tantra, qui sont les textes orthodoxes du shivaïsme dans l' Inde entière (et en particulier dans le Sud). Il se situe dans la lignée d'enseignement des grands maîtres du shivaïsme trika : Vasugupta, à qui furent « révélés...

  • ALCHIMIE

    • Écrit par René ALLEAU, Universalis
    • 13 642 mots
    • 2 médias
    Mais l'aspect le plus important de l'alchimie taoïste, son intégration à une religion de salut, se développa surtout à l'époque où l'antique religion agraire, achevant de se dissoudre avec la société féodale, cessa de satisfaire aux besoins des fidèles. Maspero a montré comment, en Chine, aux environs...
  • ARMINIANISME

    • Écrit par Jean BAUBÉROT
    • 860 mots
    Dans la lignée d'Augustin, les réformateurs rendirent le salut de l'être humain indépendant de ses mérites propres. De formation juridique, Calvin élabora la doctrine de la prédestination, décret « éternel et inviolable de Dieu ». Comme prédicateur, il insista sur la grâce de Dieu, mais, dans son...
  • AUGUSTINISME

    • Écrit par Michel MESLIN, Jeannine QUILLET
    • 5 572 mots
    ...l'apôtre Paul à la lumière des théories augustiniennes. Ils en adoptent la plus extrême sévérité, en insistant sur le péché originel, et, par suite, sur l'impuissance radicale de l'homme à assumer seul son propre salut ; ils dénoncent la place centrale, en l'homme, d'une concupiscence blâmable et professent...
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Voir aussi