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SACHS IRA (1965- )

Né le 21 novembre 1965 à Memphis (Tennessee), le réalisateur Ira Sachs est un des meilleurs représentants de sa génération du cinéma indépendant américain. Issu d’une famille de la bourgeoisie juive, il vit à Memphis jusqu’à l’âge de dix-huit ans. Les multiples conquêtes féminines de son père et les enfants qui en naîtront vont plus tard influencer fortement son œuvre, et l’empêchent de révéler son homosexualité jusqu’à l’âge de dix-neuf ans. Il quitte sa ville natale en 1983 pour poursuivre des études de cinéma et de littérature à l’université de Yale. Intéressé par la mise en scène, il monte des pièces de théâtre. En 1986, il séjourne quelques mois à Paris. Il va donner libre cours à sa passion cinéphile en y regardant près de deux cents films, dont ceux de cinéastes devenus majeurs pour lui comme John Cassavetes, Ken Loach, Vincente Minnelli, Maurice Pialat, François Truffaut… Rentré aux États-Unis, il tente d’intégrer une grande école de cinéma, en vain. Il participe alors à différentes productions cinématographiques comme assistant à la mise en scène.

Sa carrière de cinéaste commence avec deux courts-métrages de fiction, Vaudeville (1992) et Lady (1993), sélectionné par plusieurs festivals internationaux. En 1996, il réalise The Delta, son premier long-métrage de fiction, en partie autobiographique. Ses deux grands thèmes de prédilection, la solitude et l’homosexualité, y sont présents, à travers le récit d’une relation entre un jeune homme et un immigré mi-vietnamien, mi-africain.

Traitant essentiellement de son temps, si l’on excepte Married Life (2007) situé à la fin des années 1940, les réalisations d’Ira Sachs frappent par leur authenticité dans la peinture de l’intimité. Le thème de la relation au père, et de ses infidélités, est présent aussi bien dans FortyShades of Blue (2005) que dans Married Life, thriller sentimental qui rend ouvertement hommage à Alfred Hitchcock et Douglas Sirk. Dans Love is Strange (2014), les absences d’Elliot Hull (Darren Burrows), qui a recueilli chez lui son oncle Ben (John Lithgow), laissent aussi imaginer une liaison extraconjugale. Ses écarts supposés planent comme une douleur sourde sur la famille qui pourrait en être directement affectée. À l’instar du cinéma de Maurice Pialat, celui d’Ira Sachs privilégie souvent le hors-champ de la suggestion. En en faisant la troisième dimension de l’écran, il l’utilise magistralement dans FortyShades of Blue (grand prix du jury au festival de Sundance 2005). Né d’un premier mariage, Michael, interprété également par Darren Burrows, se venge des conquêtes de son père, Alan (Rip Torn), en séduisant sa future belle-mère, Laura (Dina Korzun). Lui-même en couple, Michael s’apprête à devenir père. Sa mélancolie touche Laura qui, victime des infidélités de son futur époux, ressentait déjà un isolement affectif. La liaison « incestueuse » du fils et de sa belle-mère potentielle finit par apparaître aux yeux d’Alan le jour où l’on s’apprête à fêter sa demande en mariage à Laura.

Le thème le plus engagé de l’œuvre d’Ira Sachs est l’homosexualité, qu’il traite au fil des générations, en décrivant une existence autant à vivre qu’à assumer dans un quotidien qui est loin de l’accepter facilement. Bien qu’il ne s’agisse pas du thème principal de Brooklyn Village (Little Men, 2016), on y voit l’adolescent Jake (Theo Taplitz) éprouver une attirance discrète pour son ami Tony (Michael Barbieri). Keep the Lights On (2012) montre frontalement une passion homosexuelle dans le milieu du cinéma indépendant new-yorkais. Pour le moins autobiographique, son œuvre manque de distance affective et trouve son parfait aboutissement dans le très beau et subtil Love is Strange. Avec audace et cohérence, cette nouvelle étude de mœurs décrit les difficultés économiques et sociales d’un[...]

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Écrit par

  • : critique de cinéma, membre du comité de rédaction de la revue Positif

Classification

Pour citer cet article

Pierre EISENREICH. SACHS IRA (1965- ) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Autres références

  • BROOKLYN VILLAGE (I. Sachs)

    • Écrit par Pierre EISENREICH
    • 941 mots
    • 1 média

    Représentant talentueux du cinéma indépendant américain (Keep the Lights On, 2012 ; Love is Strange, 2014), Ira Sachs donne avec Brooklyn Village (Little Men, 2016), son septième long-métrage, une étude sur les incidences économiques qui affectent le monde urbain, avec les conflits générationnels...

Voir aussi