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GOSCINNY RENÉ (1926-1977)

Les années « Pilote »

En 1959, Goscinny, avec Uderzo et Jean-Michel Charlier, lance le magazine Pilote, Cette publication, dont il est le rédacteur en chef, vise un lectorat plus large que celui des enfants et des adolescents. L'humour et la satire aidant – Goscinny n'a jamais caché que sa publication de référence était Mad –, il souhaite amener les lecteurs adultes des bandes dessinées à ne plus se considérer comme des « attardés » tournés vers un genre de récit conçu pour des esprits immatures.

René Goscinny et Albert Uderzo - crédits :  STAFF/ AFP

René Goscinny et Albert Uderzo

Le lancement de Pilote coïncide avec celui des Aventures d'Astérix le Gaulois. On a beaucoup commenté cette suite de prouesses née à une époque où la France vit dans l'ombre tutélaire du général de Gaulle. Goscinny et Uderzo taquinent l'identité française telle qu'elle s'est constituée au cours des siècles. De Gaulle, c'est l'exaltation de la nation, c'est également la décolonisation, celle-là compensant celle-ci. Astérix naît alors que la formule ressassée « Nos ancêtres les Gaulois... », qui figure dans les manuels d'histoire, ne peut plus s'appliquer à des enfants dont les origines diverses demandent à être reconnues. Astérix le Gaulois (1961) est le premier d'une série de 24 albums scénarisés par Goscinny (dont Astérix gladiateur en 1964, Le Combat des chefs en 1966, Astérix aux jeux Olympiques en 1968, Les Lauriers de César en 1972, Obélix et compagnie en 1976, etc.).

Les singularités nationales ne suffisent pas à expliquer le succès que cette bande dessinée connaît dans nombre de pays étrangers. Ce qui paraît proprement français devient, grâce à la connivence entre Goscinny et Uderzo, le modèle de toute épopée. La force comique naît de l'écart croissant entre la légende quelle qu'elle soit et la réalité de plus en plus uniforme qui s'impose à tous les peuples. Il appartenait à un exilé de trouver la bonne distance entre mythe et réalité contingente. Le séjour aux États-Unis, lieu des mythes les plus récents, se sera révélé à cet égard une expérience décisive.

Goscinny participe à bien d'autres « séries » : La Potachologie (1963) et Le potache est servi (1965) avec Cabu, les Dingo dossiers (1965-1967) avec Gotlib, Jehan Pistolet (1952) et Oumpah-Pah (1952) avec Uderzo...

Iznogoud, créé en 1962 avec l'aide de Tabary, est le personnage de plus radical imaginé dans la bande dessinée par Goscinny. Le récit trouve son origine dans un épisode des Aventures du Petit Nicolas. Lors d'un séjour de celui-ci en colonie de vacances, un moniteur conte l'histoire d'un méchant vizir qui veut devenir « calife à la place du calife ». Alors que Morris opposait une forte résistance aux « calembours atroces » que lui proposait Goscinny, Tabary s'en fait volontiers l'interprète. Iznogoud incarne la volonté d'exercer le pouvoir pour le pouvoir. C'est la face visible d'un vide insondable. Dépourvu du caractère « bon enfant » qui, dans les bandes dessinées, rend les « méchants » sympathiques, Iznogoud ne connaît qu'un succès limité. Sans doute donne-t-il une image trop négative de l'ambition – ambition par ailleurs encouragée par la société comme moteur de progrès – pour être accepté sans réticence. Iznogoud fera l'objet d'une série de 16 albums scénarisés par Goscinny. Citons notamment Le Grand Vizir Iznogoud (1966), Les Vacances du calife (1968), Le Jour des fous (1972), Je veux être calife à la place du calife (1978), etc.

Les événements de mai 1968 et leurs suites devaient affecter profondément Goscinny. Des dessinateurs d'HaraKiri, fondé au début des années 1960, sont également des collaborateurs de Pilote : Cabu, Mandryka, Fred, Reiser, Gébé... Lorsque HaraKiri fait l'objet d'une interdiction de paraître, Pilote sert de refuge.[...]

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Pour citer cet article

Marc THIVOLET. GOSCINNY RENÉ (1926-1977) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Média

René Goscinny et Albert Uderzo - crédits :  STAFF/ AFP

René Goscinny et Albert Uderzo

Autres références

  • BANDE DESSINÉE

    • Écrit par Dominique PETITFAUX
    • 22 913 mots
    • 15 médias
    ...l’hebdomadaire Pilote a manifestement pour modèle les journaux Spirou et Tintin, comme en témoignent, dès le premier numéro, ses deux bandes principales, Astérix, aventures comiques d’un guerrier gaulois, par Albert Uderzo (1927-2020) et René Goscinny (1926-1977), et Tanguy et Laverdure, une série d’aviation,...
  • DARGAUD GEORGES (1911-1990)

    • Écrit par Yves FRÉMION
    • 580 mots

    Georges Dargaud est né le 27 avril 1911 à Paris. Il sera avant tout un homme de presse et commencera avant la guerre (en 1936) une activité familiale qui se développera après la Libération dans deux directions : la presse féminine et la presse pour jeunes. En 1948, il devient l'éditeur français de...

  • MORRIS (1923-2001)

    • Écrit par Dominique PETITFAUX
    • 877 mots

    Né à Courtrai le 1er décembre 1923, Maurice De Bevere devient en 1944 encreur dans un petit studio belge de dessins animés. L'année suivante il adopte le pseudonyme de Morris et devient illustrateur pour les magazines des éditions Dupuis. C'est dans L'Almanach Spirou 1947, paru...

  • SEMPÉ JEAN-JACQUES (1932-2022)

    • Écrit par Nelly FEUERHAHN
    • 1 077 mots
    • 1 média

    Dessinateur d’humour et illustrateur, Jean-Jacques Sempé, né à Pessac le 17 août 1932, est mort à près de quatre-vingt-dix ans le 11 août 2022 à Ampus, non loin de Draguignan. Mais c'est à Paris, depuis ses dix-huit ans et pendant plus d’un demi-siècle, qu’il a porté un regard amusé et bienveillant...

Voir aussi