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RÉALISME, philosophie

Les objections anti-réalistes

Elles se concentrent sur la définition du vrai. Par vérité, les réalistes entendent la conformité à la chose. Les idéalistes y voient une absurdité : si le vrai est la conformité de notre représentation à la chose, comment savoir que nous l'avons atteint, puisque nous ne connaissons la chose que par sa représentation ? Les idéalistes peuvent définir la vérité par la cohérence, l'accord des éléments de la représentation. Le critère est forcément interne, puisqu'il n'existe pas, pour l'idéaliste, de réalité extérieure à l'ensemble des rapports des représentations. Un énoncé vrai est compatible avec tous les autres énoncés vrais. Donner, pour condition du vrai, une propriété de consistance syntactique évite d'avoir à sortir du monde des représentations ; et d'ailleurs plus les idéalistes s'y renferment, plus leur doctrine gagne en solidité. Néanmoins, la conception idéaliste comporte sa pathologie et ses conséquences indésirables. Vrai et faux sont les états du sujet connaissant ; celui-ci ne peut pas prendre appui sur les uns pour juger des autres, tous sont également vrais ou également faux, toutes les opinions s'équivalent : « N'importe quoi marche. »

La critique idéaliste n'est pas pertinente. Pour l'idéaliste, l'être étant contenu dans la pensée, tout moyen de comparer quelque chose d'extérieur à la représentation échappe. Pour un réaliste, le problème se pose autrement. D'abord, dans la sensation, le sens prend la forme de la chose, sans que cette similitude du sens à la chose soit saisie. Le sens est vrai à la façon du miroir, qui ne se sait pas vrai (postulat réaliste de la véracité des sens). « Autant que nous connaissons l'objet, nous le sommes – selon sa forme participable » (A. D. Sertillanges) : identité selon la forme, qui préserve l'altérité selon l'être. Le tableau n'est pas encore complet. La chose extérieure – ou d'une manière générale le dehors de la pensée (lequel peut être au-dedans, comme quand nous considérons des entités imaginaires) – est représentée dans le sujet connaissant : ce représenté est la chose en tant que connue ou « objet » (ce qui est présenté à l'intellect dans la représentation, ou qui possède, suivant les scolastiques, un esse objectivum tantum in anima). À la relation de la chose extérieure à l'objet (en ce sens) s'applique une relation de l'objet à l'intellect. Lorsque cette relation de l'objet et de l'intellect est de conformité et qu'elle s'exprime dans un jugement, on dit que ce jugement est vrai : veritas adaequatio rei et intellectus. (La res est la chose en tant que connue – l'objet – non pas la chose extérieure.) Enfin, l'intellect se connaît connaissant. Un écho du réalisme médiéval résonne dans l'idée adéquate spinoziste, « acte même de connaître et norme d'elle-même et du faux ». Comme chez saint Thomas d'Aquin, savoir, c'est savoir qu'on sait : « Quiconque a une idée vraie sait en même temps qu'il a une idée vraie et ne peut douter de la vérité de sa connaissance » (Éthique, II, XLIII).

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Écrit par

  • : professeur à l'université Paris-XII-Val-de-Marne, Créteil

Classification

Pour citer cet article

Jean LARGEAULT. RÉALISME, philosophie [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Autres références

  • BRADLEY FRANCIS HERBERT (1846-1924)

    • Écrit par Jean WAHL
    • 3 615 mots
    ...des solutions que propose Nietzsche pour ses grands problèmes est aussi ce qui donne leur sens à tous les différents degrés de réalité d'après Bradley. D'une certaine manière, Bradley est tout près des empiristes qui nous rappellent sans cesse à l'expérience ; mais il a toujours le sentiment que tout ce...
  • CAUSALITÉ

    • Écrit par Raymond BOUDON, Marie GAUTIER, Bertrand SAINT-SERNIN
    • 12 987 mots
    • 3 médias
    ...choisir entre deux positions métaphysiques : l' idéalisme, qui part des représentations, et limite ses ambitions, du moins en sciences, à « sauver les phénomènes » ; leréalisme, qui pense que, même si « le réel est voilé », on peut soulever certains coins du voile, et avoir accès à ce qui est.
  • CONCEPTUALISME, philosophie

    • Écrit par Joseph VIDAL-ROSSET
    • 1 329 mots
    Le conceptualisme s'accorde avec le réalisme des Idées pour admettre l'existence des entités abstraites comme celles des nombres ou des qualités ; mais il leur refuse la transcendance que les platoniciens leur accordent. Du point de vue conceptualiste, la réalité des entités abstraites s'explique par...
  • CONNAISSANCE

    • Écrit par Michaël FOESSEL, Yves GINGRAS, Jean LADRIÈRE
    • 9 106 mots
    • 1 média
    ...peut renvoyer à la chose réelle que vise, en définitive, l'acte de connaissance. Les diverses théories de la connaissance qui ont été élaborées au cours de l'histoire tentent de résoudre ce problème. Elles peuvent être ramenées à deux schémas principaux : celui duréalisme et celui de l' idéalisme.
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Voir aussi