PLASMIDES
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Plasmides R : plasmides de résistance aux antibiotiques
Historique
C'est vers la fin des années 1950 que deux microbiologistes japonais, Ochiai et Akiba, observèrent au cours d'une épidémie de dysenterie bacillaire l'apparition de bactéries résistantes à trois antibiotiques à la fois, rendant les malades atteints insensibles au traitement par des antibiotiques habituellement efficaces. Un mécanisme de mutation chromosomique-sélection, auparavant décrit par Ledeberg et qui permettait d'expliquer les résistances bactériennes observées jusque-là, ne permettait pas d'expliquer cette triple résistance simultanée à trois familles d'antibiotiques différentes. Les auteurs japonais montrèrent alors que cette résistance multiple se transférait entre bactéries intestinales dans le tube digestif des malades, puis ils reproduisirent ce transfert in vitro entre colibacilles et shigelles et démontrèrent que ces bactéries résistantes possèdent en plus de leur chromosome d'autres structures composées d'ADN portant les gènes responsables de cette résistance multiple transférable : ce sont les plasmides de résistance aux antibiotiques ou plasmides R. La découverte de ces éléments génétiques extrachromosomiques mobiles apparut d'emblée d'une importance considérable en clinique par leur incidence sur l'arsenal thérapeutique antibiotique. Les plasmides R permettent aux bactéries d'acquérir la résistance à un ou plusieurs antibiotiques d'emblée ; cette résistance est transférable de bactérie à bactérie de la même espèce mais aussi d'espèces voire de genres différents ; la résistance peut apparaître ainsi dans une espèce bactérienne jusque-là sensible, la sélection par un antibiotique peut être responsable de la sélection de la résistance à plusieurs antibiotiques non employés, enfin la coexistence possible de plusieurs plasmides R dans une seule cellule bactérienne permet d'expliquer l'émergence dans les milieux à forte pression de sélection antibiotique comme le milieu hospitalier de bactéries multirésistantes responsables d'échec thérapeutique. Depuis leur découverte chez les entérobactéries, des plasmides R ont pu être mis en évidence chez la plupart des bactéries d'intérêt médical, vétérinaire ou industriel.
Espèces bactériennes hébergeant des plasmides
Depuis leur découverte chez Shigella dysenteriae, des plasmides de résistance ont été isolés dans la plupart des bactéries pathogènes. Des plasmides ont été mis en évidence chez les bacilles à Gram négatif (entérobactéries diverses, Yersinia, Pseudomonas, Acinetobacter, Aeromonas, Vibrio, Haemophilus, Pasteurella, Bordetella, Campylobacter, Bacteroides fragilis), les bacilles à Gram positif (Actinomyces, Bacillus, Clostridium perfringens), les cocci à Gram positif (staphylocoques, streptocoques) et les cocci à Gram négatif (gonocoques). Le pneumocoque et le méningocoque restent les deux seules bactéries de grande importance en pathologie infectieuse dépourvues pour l'instant de plasmides. Des plasmides de résistance peuvent être isolés de nombreuses bactéries de l'environnement, en particulier chez les Streptomyces, bactéries productrices d'antibiotiques. Ces bactéries possèdent les gènes de résistance qui les protègent de l'action de l'antibiotique qu'elles produisent. Ces bactéries productrices d'antibiotiques seraient le réservoir et l'origine de la dissémination des gènes de résistance chez les bactéries pathogènes.
Diversification
Deux mécanismes, la mutation et la transposition, permettent la diversification du matériel plasmidique.
Mutation
Des mutations spontanées ou provoquées par des agents mutagènes permettent d'isoler à partir du plasmide originel des variants ou délétants qui sont très utiles pour étudier les propriétés des plasmides : étude de la réplication à l'aide de mutants thermosensibles, étude du transfert avec des mutants déréprimés pour le transfert ou au contraire mutants ayant perdu la transférabilité. Ces mutants ont peu d'incidence sur le phénomène de résistance des antibiotiques.
Transposition
Les plasmides peuvent acquérir de nouveaux gènes, en particulier des gènes de résistance aux antibiotiques par le mécanisme de transposition. Certains gènes responsables de la résistance aux antibiotiques sont inclus dans un petit fragment d'ADN qui a la propriété de se détacher ou de « s'exciser » de la molécule d'ADN qui le contient et de s'insérer [...]
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Écrit par :
- Annie BUU HOÏ : docteur en médecine, assistant des hôpitaux, chef de travaux
- Michel GUÉRINEAU : maître de recherche au C.N.R.S.
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Autres références
« PLASMIDES » est également traité dans :
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Dans le chapitre « Modifications de l'information » : […] L'information d'une cellule peut être modifiée de diverses façons : changement de la séquence nucléotidique des gènes, introduction d'informations nouvelles gardant leur autonomie de réplication, réarrangement de l'information par échange ou addition de gènes d'origines variées, réarrangement par déplacement de gènes d'un site à un autre (fig. 8a) (fig. 8a). Ces changements ou mutations se tran […] Lire la suite
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Généticien et microbiologiste américain, un des fondateurs de la biologie moléculaire moderne. Pour sa découverte de la recombinaison génétique chez les bactéries, qui a ouvert la voie à l'analyse génétique de ces micro-organismes, Joshua Lederberg a reçu, en 1958, à l'âge de trente-trois ans, le prix Nobel de physiologie ou médecine, qu'il partagea avec ses compatriotes George W. Beadle et Edwar […] Lire la suite
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Voir aussi
Pour citer l’article
Annie BUU HOÏ, Michel GUÉRINEAU, « PLASMIDES », Encyclopædia Universalis [en ligne], consulté le 28 juin 2022. URL : https://www.universalis.fr/encyclopedie/plasmides/