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PHYSIOLOGIE ANIMALE (histoire de la notion)

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L'âge des laboratoires de physiologie

Les relations entre la première physiologie systématiquement expérimentale et les sciences physiques et chimiques théoriquement, c'est-à-dire mathématiquement, plus avancées en certitude n'ont pas été les mêmes en France et en Allemagne. La première année du xixe siècle est celle de la publication des Recherches physiologiques sur la vie et la mort de Xavier Bichat (1771-1802) qui s'efforçait de préserver l'originalité de l'objet et des méthodes de la biologie face aux prétentions d'annexion des études physiologiques par les physiciens et les chimistes. Fondateur génial de l'anatomie générale, c'est-à-dire de l'étude des tissus organiques, et défenseur fougueux du concept de propriété vitale de tissu, Bichat a exercé une profonde influence sur les premiers physiologistes français qui ont pratiqué méthodiquement l'expérimentation. Même s'ils n'ont jamais contesté, à la différence de Bichat, l'obligation de recours aux procédés physiques et chimiques d'investigation des mécanismes physiologiques, Magendie et surtout Claude Bernard n'ont jamais abandonné l'idée d'une spécificité des phénomènes organiques. En cela consiste le trait distinctif, on pourrait presque dire la marque nationale, de la physiologie en France, à l'époque où déjà, en Allemagne, la physiologie est pratiquée, tout comme la physique ou la chimie, dans des laboratoires progressivement mieux équipés d'appareils et de produits industriellement fabriqués, tandis que, pendant longtemps, les physiologistes français ne disposeront que de cabinets rudimentaires annexés à une chaire d'enseignement ou à une clinique hospitalière. D'où une différence incontestable de l'orientation et du style des recherches en deçà et au-delà du Rhin. Lorsque Claude Bernard, dans son Carnet de notes, se comparant à Helmholtz, dit de ce dernier qu'il ne trouve que ce qu'il cherche, il ne s'agit pas seulement d'une différence d'esprit, il s'agit aussi d'une disproportion de moyens. En physiologie, désormais, on ne trouve pas ce qu'on cherche à peu de frais. Il faut voir ici une des raisons qui ont poussé les médecins des États-Unis d'Amérique venus s'instruire en Europe à préférer, pour la plupart, la leçon des physiologistes allemands, de Carl Ludwig en particulier, à celle que pouvaient leur donner, à la même époque, les physiologistes français. Lorsque les premiers laboratoires de physiologie ont été fondés aux États-Unis, après 1870, ils n'ont pas tardé à dépasser, par l'ampleur des investissements en locaux et en appareils, les meilleurs des laboratoires européens. Une organisation de la recherche par équipes, plus anonyme, mais moins asservie à la contingence des coups de génie individuel, a été la conséquence normale de l'extension progressive des laboratoires de physiologie et de la complexité de leur équipement.

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Georges CANGUILHEM. PHYSIOLOGIE ANIMALE (histoire de la notion) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Article mis en ligne le et modifié le 26/03/2015

Médias

Hermann Ludwig Ferdinand von Helmholtz - crédits : Hulton Archive/ Getty Images

Hermann Ludwig Ferdinand von Helmholtz

Planche de la <it>Fabrica</it> - crédits : Hulton Archive/ Getty Images

Planche de la Fabrica

Squelette humain (côté dorsal) - crédits : D.R./ Aldus Books London

Squelette humain (côté dorsal)

Autres références

  • CIEL SYMBOLISME DU

    • Écrit par
    • 2 876 mots
    ...oiseaux de proie : épervier, aigle, vautour, corbeau... Ces oiseaux prêteront leur aile aux messagers célestes : anges, génies et dévas. Non seulement la physiologie animale confirme le bien-fondé de cette assimilation de l'oiseau de haut vol avec la vision la plus aiguë, mais encore et surtout la psychologie...
  • CONTRÔLE CENTRAL DE L'APPÉTIT

    • Écrit par
    • 5 946 mots
    • 6 médias

    Tous les organismes ont besoin d’un apport en calories qui s’équilibre avec leurs besoins énergétiques pour assurer leur survie. Ainsi des mécanismes sophistiqués et redondants se sont-ils mis en place au cours de l’évolution afin d’optimiser la capacité d’un organisme à s’adapter à ses besoins...

  • GAYON JEAN (1949-2018)

    • Écrit par
    • 1 258 mots
    • 1 média
    ...éclairent d’une manière probablement définitive le sort si étonnant de la génétique dans la biologie française. Ils ont montré en particulier comment la physiologie bernardienne et la microbiologie pasteurienne avaient joué un rôle complexe et ambigu dans la réception de cette science : d’abord arguments...
  • HYPNOSE

    • Écrit par
    • 3 487 mots
    • 2 médias
    ...impossibles dans l'état de veille, peuvent se produire. Pour les pavloviens l'existence des « points vigiles » est confirmée par l'expérimentation en physiologie animale : un chien conditionné à un son de trompette accompagnant l'apparition de la nourriture se réveille seulement à ce son et demeure insensible...
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